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Obligation de formation des 16-18 ans : des pistes pour préparer une révolution

La formation obligatoire pour les jeunes décrocheurs scolaires de 16 à 18 ans entrera en vigueur en septembre 2020. Un rapport remis au Premier ministre fait des propositions pour concrétiser une réforme qui va toucher de près les collectivités.

Après l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire à trois ans à la rentrée 2019, une autre révolution se prépare à l'autre bout de la chaîne : la formation obligatoire des 16-18 ans dès septembre 2020. Cette mesure destinée à lutter contre le décrochage scolaire est prévue dans la loi du 28 juillet 2019 pour une école de la confiance.
Avec cette réforme, tout jeune entre 16 et 18 ans devra désormais se trouver, soit dans un parcours scolaire ou en apprentissage, soit en emploi, en service civique, en parcours d’accompagnement ou d’insertion sociale et professionnelle. Si la loi crée une nouvelle obligation pour les jeunes décrocheurs scolaires, elle crée également de nouveaux devoirs pour les pouvoirs publics. Selon quelles modalités ? La loi pour une école de la confiance ne le précise pas. 
Afin de préparer les changements organisationnels relatifs à l'entrée en vigueur de cette réforme, le Premier ministre a missionné Sylvie Charrière, députée de Seine-Saint-Denis, et Patrick Roger, conseiller municipal et président de la mission locale et de la maison de l’emploi de Strasbourg. Leur rapport, intitulé "Formation obligatoire des 16-18 ans, passer d’un droit formel à un droit réel", a été remis à Édouard Philippe le 13 janvier 2020.

5% d'une classe d'âge

Mais au fait, quel est le panorama actuel du décrochage scolaire ? Pour les rapporteurs, il concerne 75.000 jeunes (16.000 sont âgés de 15 ans, 23.000 de 16 ans et 38.000 de 17 ans), soit près de 5% d'une classe d'âge. D'un point de vue territorial, les inégalités sont importantes entre, d'un côté, les académies de Lille et Amiens, qui enregistrent un taux de jeunes de 16 à 25 ans peu ou pas diplômés et non inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur à 12%, et, d'un autre côté, celles de Lyon, Toulouse, Nantes, Rennes, Paris et Versailles, qui se situent sous la barre des 8%.
Les propositions des rapporteurs visent à résoudre plusieurs problèmes, qui vont du repérage des jeunes décrocheurs à l'organisation des formations en passant, bien évidemment, par la question du financement. Les collectivités territoriales sont impliquées dans plusieurs des dispositifs envisagés.

Repérer les décrocheurs

Le premier défi à relever est celui de l'information. Pour cela, les rapporteurs préconisent de "lever la borne des 16 ans pour le signalement du décrochage scolaire". Ils estiment en effet qu'"au vu du stock [sic] de jeunes de 14 et 15 ans précocement déscolarisés, l’on ne peut exclure que certaines situations ne soient pas signalées du fait de ruptures de parcours ou de phases de transition pour le jeune (polyexclusion, changement de résidence ou de situation familiale, etc.)". Or, "plus le temps de latence est long dans le signalement plus il est difficile de raccrocher le jeune à une formation". Par ailleurs, ils souhaitent définir au sein des réseaux Foquale (établissements et dispositifs de l'Éducation nationale susceptibles d'accueillir les jeunes décrocheurs) "les critères pertinents de signalement de l’absentéisme comme signal d’alerte de risque de décrochage".
Les collectivités sont directement concernées par une proposition qui vise à créer un comité local pour la jeunesse (CLJ) visant à doter les maires, ou les présidents d’intercommunalité, qui le souhaitent d’une nouvelle instance pour renforcer la dynamique partenariale autour de la jeunesse d’un territoire avec l’appui des services de l’État. Parmi les missions qu'une telle instance pourrait se donner, le rapport cite le repérage des jeunes "perdus de vue".

Accueil systématique

Deuxième chantier : celui de l'organisation des formations. Ici, les rapporteurs précisent d'abord l'une des difficultés à surmonter : "Entre l’Éducation nationale et les missions locales, les progrès à accomplir pour mieux travailler ensemble ne sont pas nouveaux tant les cultures professionnelles se sont éloignées." Et ils rappellent que le conseil régional peut jouer un rôle de facilitateur comme cela a déjà été le cas en Île-de-France et dans les Pays de la Loire.
L'ambition-phare de la réforme sera d'"organiser l’accueil systématique des 16-18 ans dans un parcours de formation en adaptant, si nécessaire, les dispositifs existants (la formation initiale et les structures de retour à l'école/SRE, écoles de la deuxième chance/E2C, établissements pour l'insertion dans l'emploi/Epide, service civique combiné, etc.)".
Une proposition très concrète vise en outre à développer les structures de retour à l’école – aujourd'hui principalement destinées à des jeunes majeurs souvent après une longue période d’interruption de la scolarité – en les adossant plus fréquemment à des lycées professionnels et en les implantant en priorité dans les territoires les plus concernés par le décrochage scolaire. 
Les rapporteurs ajoutent qu'il conviendrait d'"évaluer les premiers micro-collèges [structures qui ont vu le jour récemment et accueillent des jeunes en voie de décrochage en collège] et [de] les faire essaimer s’ils obtiennent des résultats positifs". Les Greta pourraient également contribuer à la mise en œuvre de l’obligation de formation des 16-18 ans, car, comme le notent les rapporteurs, il n’existe "aucun obstacle réglementaire à ce qu’[ils] reçoivent des financements pérennes de la part du rectorat pour intervenir dans le cadre de la formation initiale".

Financement : les collectivités sollicitées

Enfin, le dernier aspect abordé par les propositions traite du financement. Dans un premier temps, les rapporteurs prévoient de "rassembler les principaux financeurs des missions locales sous l’égide des préfets de département dès la constitution des nouveaux exécutifs municipaux". Les financeurs devant ensuite s'accorder sur, entre autres, le montant des moyens nécessaires pour assurer le bon fonctionnement des structures, leur adéquation avec les besoins du territoire et la répartition indicative des financements sur trois ans entre Etat et collectivités.
Parmi les besoins pressentis, les rapporteurs évoquent "un fonds Ambition 16-18 ans". Son but ? Permettre aux missions locales de financer directement, en fonction des besoins du jeune, des actions de remobilisation préalables à de la préqualification et d'apporter des aides directes en nature aux jeunes.
Mais il est encore question, au chapitre du financement, de "flécher des moyens suffisants sur des actions de remobilisation en direction des 16-18 ans dans le cadre des pactes régionaux d’investissement dans les compétences".
Enfin, les rapporteurs souhaitent engager un dialogue entre Etat et régions "sur la nécessaire clarification des responsabilités pour le financement des actions préqualifiantes à destination des jeunes sortis du système scolaire mais soumis à l’obligation de formation". La balle est désormais dans le camp du gouvernement qui doit concrétiser la nouvelle obligation de formation des 16-18 ans.

 

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