Numérique : les communes en première ligne face aux difficultés des usagers
Fracture, sentiment "de déclassement", illectronisme... pour tenter de rassurer sur le thème du numérique, Cédric O, le secrétaire d'État au numérique, et Julien Denormandie, le ministre chargé de la ville et du logement, sont intervenus dans le cadre d'un forum organisé lors du Congrès des maires 2019.
"13 millions de Français n’utilisent pas internet. Sur ces 13 millions, la moitié peut être formée, et l’autre ne le sera jamais." Les prédictions de Cédric O, secrétaire d’État au numérique, qui participait à la table ronde organisée mercredi 20 novembre dans le cadre du Congrès des maires, intitulée "Conséquences de la dématérialisation des démarches pour les citoyens et les communes", ne sont pas nouvelles. La solution, assure le secrétaire d'État, passe en partie par les maisons France Services. "On va lancer l’expérimentation de l'outil Aidants Connect, pour permettre de sécuriser celles et ceux qui effectuent les démarches à la place d’un autre usager et gérer l’urgence. Sa généralisation est prévue pour le second trimestre", rappelle Cédric O ajoutant qu'"Aidants Connect c’est la formalisation du cadre juridique".
Les communes sont en première ligne face aux difficultés que rencontrent les usagers du service public dématérialisé, constate-t-on lors de ce forum. Les travailleurs sociaux et les aidants numériques détiennent des données personnelles car ils "font à la place de", ce qui ouvre un "champ de contestations énorme", reconnaît Cédric O. "En termes de dignité, je ne suis pas certain qu’un parent ait envie de donner le montant de ses ressources à ses enfants", témoigne un participant au forum.
Come-back du numéro de téléphone de l’administration
Alors pour cette population "qui ne peut monter en compétence", le gouvernement rappelle qu’il a mis en place le "Pass numérique" : un chèque de 70 euros, expérimenté dans 48 collectivités, que l’usager pourra utiliser dans l’un des 5.000 lieux de médiation numérique du pays.
Mais "nous sommes face à des demandes contradictoires, résume Cédric O : d’un côté, certaines personnes veulent de plus en plus de services accessibles à tout moment, et de l’autre, les autres trouvent que cela va trop vite". Il faut continuer à "faire société", a insisté le secrétaire d'État qui se souvient à quel point le numérique était cité comme "facteur d’abandon" lors du Grand Débat. Sur internet, "vous vous retrouvez face à un mur", reconnaît Cédric O, qui souhaite que le numéro de téléphone de l’administration apparaisse de nouveau clairement sur les sites.
"60% des communes n’ont toujours pas désigné de DPD (délégué à la protection des données, ndrl). 90% des régions l’ont fait, les départements aussi”, a regretté pour sa part Marie-Laure Denis, présidente de la Cnil, qui se dit bien "consciente des difficultés" dans lesquelles les communes se trouvent. La désignation du DPD, devenue obligatoire, "la Cnil est là pour vous aider à le trouver", a rappelé Marie-Laure Denis, évoquant le guide et les fiches disponibles sur le site.
“Hyper fiers de l’infrastructure numérique"
Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement et à ce titre de la couverture numérique du territoire, est revenu, en seconde partie de débat, sur les raisons pour lesquelles "ça n’allait pas plus vite" : "D'abord, il y a eu une erreur de l’État qui a mis en place des enchères aux plus offrants, laissant les opérateurs couvrir les zones... les plus denses. C’est pour ça que nous avons mis en place le New Deal : on vous donne les fréquences si vous allez investir dans nos ruralités", a-t-il résumé. Depuis, son gouvernement a annoncé fixer à 2,17 milliards d'euros le prix minimal pour l'attribution de fréquences pour la 5G (lire notre article) ; un prix très contesté par les opérateurs.
"Avant fin 2020, la zone Amii (appel à manifestation d'intention d'investissement, ndrl) sera raccordable à la fibre à 92% (…). D’ici juillet 2020, 485 zones blanches auront disparu. Grâce au New Deal mobile, on va implanter entre 10.000 et 12.000 pylônes", décompte le ministre s’exclamant qu’"on doit être hyper fiers de l’infrastructure numérique qu’on est en train de monter dans notre pays", citant les nouveaux usages à la clé, pour les agriculteurs, la télémédecine, les tiers-lieux.
Julien Denormandie a tout de même mentionné les risques "d'inégalités territoriales" : "Il y a un territoire pour lequel je suis inquiet, pour atteindre l’objectif en 2020 et 25 départements où je suis particulièrement attentif à la situation pour l’atteinte de l’objectif en 2022." Malgré tout, à la différence de Cédric O qui a rappelé l'expression massive du sentiment "d'abandon" lors du Grand Débat, Julien Denormandie a préféré souligner qu’on y a plus parlé "usage qu’infrastructure". "Signal", selon lui que "quelque chose dans notre société a changé".