Congrès des maires - Couverture numérique : les espoirs des maires dans le new deal mobile ne devront pas être déçus
Après les bugs des précédents programmes "zones blanches", les maires ont rappelé au gouvernement les conditions du succès du "new deal mobile". Au-delà de la procédure de sélection des sites prioritaires, les maires s'inquiètent du respect des délais et de l'effectivité des déploiements.
L'atelier numérique du Congrès des maires était l'un des rares à accueillir deux ministres avec la présence de Julien Denormandie pour la partie infrastructures et Mounir Mahjoubi sur le volet inclusion numérique. On peut y voir le signe que le numérique est un des rares sujets où les planètes convergent entre l'AMF et le gouvernement. Michel Sauvade, maire d'Aubert (63) en charge du dossier couverture mobile à l'AMF, s'est du reste félicité de la "qualité du dialogue et de la mobilisation de l'ensemble des acteurs". Le changement de "paradigme" de l'État dans l'approche du dossier, selon l'expression de Julien Denormandie satisfait en effet les élus. Désormais, les droits d'usages des licences payés par les opérateurs sont transformés en obligations de couverture que le ministre a énuméré : migration de 10.000 installations existantes en 4G, couverture des axes de transports en 4G et construction de 5.000 sites pour couvrir des zones blanches ou grises (mauvaise couverture). Ce "new deal mobile", que les élus de l'AMF voudraient franciser en "Plan France mobile", passe désormais aux actes . "Depuis début janvier, 2.800 pylônes ont migré en 4 G et nous aurons 600 sites validés par l'État au titre de la couverture ciblés de d'ici la fin de l'année" a détaillé Julien Denormandie.
Les maires veulent être indemnisés pour les terrains
Si le dossier avance, certains points techniques restent à éclaircir, beaucoup de maires ayant été échaudés par les bugs des précédents programmes zones blanches. Certains se sont inquiétés du risque de voir des pylônes sortir de terre sans que les opérateurs installent leurs équipements actifs comme c'est encore le cas en Mayenne ou dans les Pyrénées-Orientales. "Les obligations des opérateurs intègrent bien la mise en service des installations avec un objectif de maximiser la mutualisation entre opérateurs" a détaillé Zacharia Alahyane, directeur de la mission France Mobile. Autre point de blocage : la mise à disposition des terrains par les collectivités pour ramener de 24 à 12 mois le délai de mise en service de l'installation. À la question de la compensation financière lorsqu'il s'agit d'un terrain communal, le représentant de la mission France Mobile a répondu que "c'était aux communes de négocier, une possibilité étant de demander aux opérateurs un loyer couvrant l'ensemble des frais". La loi Elan a ensuite introduit un certain nombre de simplifications (avis simple de l'ABF, délais de validation des dossiers d'installation par les maires…). "Attention à ne pas brûler l'étape de concertation, elle pourrait engendrer des blocages", a mis en garde Michel Sauvade.
Disposer de données comparables sur la couverture mobile
À court terme cependant, la préoccupation des 66 équipes projets mises en place par le gouvernement est de sélectionner les sites couverture ciblée, et notamment les 700 programmés pour février 2019. C'est l'Arcep qui est mobilisée sur ce dossier et, pour répondre aux critiques sur l'atlas des sites (voir notre article du 7 novembre 2018), l'autorité promet de renforcer son appui aux collectivités sur le volet "data". "Nous avons publié une note explicitant les protocoles de mesures en septembre dernier. Nous allons aller plus loin a déclaré Martine Lombard, membre du collège de l'Arcep, l'objectif étant de permettre une superposition des mesures entre celles réalisées par l'autorité et par les collectivités." Car, face au manque de données locales, les collectivités réalisent leurs propres mesures (cas de l'Aisne) ou sollicitent les habitants via des applications de crowdsourcing (Pays de la Loire, Hauts-de-France). Des initiatives louables, à condition que les données soient fondées sur les mêmes méthodologies car "mesurer la qualité de service à 6h du matin ou 18h, ça ne donne pas du tout le même résultat". Autre interrogation sur le choix des sites, l'articulation des sites prioritaires avec la couverture des axes routiers. Zacharia Alahyane a rappelé la définition retenue par la mission France Mobile : "Il s'agit des axes routiers comptant plus de 5.000 véhicules jours, des liaisons préfecture/sous-préfecture et de l'ensemble des autoroutes."
Les grands opérateurs encore absents des RIP
Concernant le fixe, l'attention des maires ruraux porte aujourd'hui avant tout sur l'entretien du réseau cuivre de téléphonie fixe. "Il est absolument scandaleux de devoir attendre trois semaines ou un mois pour obtenir une réparation, a fustigé un élu du Cantal. Pour des personnes isolées, souvent mal desservies en mobile, le téléphone fixe est absolument vital." Un comportement "inacceptable" pour le ministre qui a conduit l'Arcep à mettre en demeure l'opérateur historique en charge du service universel (voir notre article du 24 octobre 2018). Sur la fibre, les maires se satisfont de l'accélération en cours, mais déplorent que les grands opérateurs, et en particulier Orange, ne proposent pas ses services sur les réseaux d'initiative publique. "Il y a quelques réseaux qui posent problèmes car ils ont été conçus selon des modèles techniques qui ne conviennent pas aux opérateurs. Mais dans l'ensemble, sur les RIP de dernière génération, une fois qu'un opérateur vient, les autres suivent" a assuré le ministre.
Inclusion numérique : conforter les maisons de services au public
"Quand un usager a des difficultés à remplir un formulaire administratif, même s'il concerne les impôts ou Pôle emploi, il finit souvent par aller voir la mairie. Le problème est que les agents ne savent pas toujours répondre aux questions ni aiguiller vers la bonne structure d'accompagnement" a expliqué le secrétaire d'État Mounir Mahjoubi. Pour aider les 20% de Français souffrant d'illectronisme - 45% si on tient compte de ceux qui ne "sont pas à l'aise" face à un formulaire en ligne - le gouvernement veut mobiliser tous les guichets de France, et notamment ceux des 36.000 mairies. "Nous proposerons aux agents des mairies une formation de 20 minutes pour les aider à déterminer la nature du problème - usage de l'outil, compréhension du formulaire… Ils pourront ensuite remettre à l'usager un chèque numérique pour lui permettre de bénéficier d'une formation adaptée" a précisé le ministre. Mais encore faut-il que des structures locales d'accompagnement sur le numérique existent… ce qui est loin d'être le cas partout. Et face à un secrétaire d'État qui incite les maires à se rapprocher des départements – pour financer de telles structures – les maires ont répondu que l'urgence était à la consolidation des financements des maisons de services au public qui remplissent d'ores et déjà ces missions.