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Couverture mobile ciblée : l'atlas des sites prioritaires contesté par les territoires

Les équipes projets du "new deal mobile" planchent actuellement sur la sélection des sites prioritaires que devront couvrir les opérateurs. L’atlas de 2.063 zones d'enjeux élaboré par l’Arcep est cependant contesté par les collectivités. Devant les élus de l’Avicca, les représentants de la mission mobile ont rassuré sur sa valeur indicative... tout en rappelant la nécessité de faire des choix rapidement.

Lancé en janvier dernier, le "new deal mobile" est entré en phase opérationnelle. "Depuis le 1er janvier, 5.000 sites équipés des anciennes technologies 2G ou 3G ont basculé en 4G et leur nombre devrait atteindre 10.000 fin 2020", s’est félicité Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Un changement de titre qui n’a aucune incidence sur ses prérogatives en matière d’aménagement numérique, a d'ailleurs assuré le ministre aux élus de l’Avicca réunis à Paris pour leur colloque d’automne.

Des bugs dans l'atlas

La mécanique de concertation pour déterminer l’emplacement des 5.000 sites (certains mutualisés) que chaque opérateur s’est engagé à financer est également enclenchée. "66 équipes projets sont en place et plus de 80 réunions ont été organisées avec les collectivités, les opérateurs et les services de l'État. Après un premier arrêté portant sur 485 sites, une liste complémentaire de 115 sites sera publiée dans les prochains jours", a détaillé le ministre. Pour faciliter le travail des équipes projets, et "accélérer sur un dossier où les attentes des Français sont très fortes", l’État leur a fourni un "atlas" répertoriant 2.063 zones présentant des problèmes de couverture. Des zones, parfois à cheval sur plusieurs communes, déterminées par l'Arcep via le croisement de deux critères : les concentrations de population et un défaut de couverture commun aux quatre opérateurs mobiles. Problème : les zones identifiées par l’État sont parfois très éloignées de la réalité du terrain. Les Pyrénées-Atlantiques ont par exemple révélé le cas d’un col où l’atlas annonçait une zone comptant une centaine d’habitants mal desservis par les quatre opérateurs de téléphonie mobile. Après examen, la collectivité a constaté que le col ne comptait que trois fermes isolées, les bâtiments agricoles semblant avoir été confondus avec des habitations… "On nous explique que ce n’est qu’une aide à la décision mais cela irait mieux si on nous expliquait aussi la procédure pour remonter à l’État des sites à couvrir qui ne figurent pas dans l’atlas", a déploré Patrick Chaize, le président de l’Avicca. Michel Sauvade, en charge de la couverture mobile à l’AMF, a de son côté plaidé pour "un diagnostic partagé et un croisement de l’ensemble des informations disponibles".

Campagnes de mesures complémentaires

Les données de l’Arcep, établies selon une méthodologie rigoureuse mais incomplètes et insuffisamment à jour, ont conduit les collectivités à chercher à établir une image plus en phase avec ce que ressentent les maires et les habitants. Avec l’aide du Céréma et de l’Agence nationale des fréquences (ANFR), le département de la Marne a ainsi mené depuis le début de l’année une campagne de mesures, mobilisant la population, les élus locaux et utilisant des outils existants. Le dispositif, présenté comme "frugal", repose sur l’application de l’ANFR "OpenBarres" qui enregistre à intervalles réguliers la qualité de réception du mobile à domicile ou en mobilité. Traitées par le Céréma, 130.000 points de mesures totalement anonymes, croisés avec d’autres données (population, mobilité, activités…) ont permis d’établir des cartes détaillant pour chaque opérateur les routes et zones les moins bien desservis.
Si ces études sont exhaustives, elles ne vont pas forcément aider à choisir, car leur premier résultat est de pointer le gap entre les besoins de couverture et les dotations départementales du programme gouvernemental. Philippe Henry, vice-président des Pays de Loire dont la collectivité a mené plusieurs études sur la couverture mobile (application de crowdsourcing, mesures aux normes Arcep…), évalue ainsi le besoin de couverture à 287 communes dont 127 "très critiques uniquement sur la voix". Autant dire que les 600 à 800 sites annuels prévus nationalement (soit environ 2 à 3 par département) auront du mal à répondre à la demande.

Intégrer la couverture mobile au Sdan

C'est du reste ce que démontre aussi l’étude présentée par la Banque des Territoires à partir d’un échantillon de 33 arrondissements représentatifs du territoire. Les simulations numériques réalisées, qui utilisent les données sur les pylônes existants et les sites prioritaires, mettent en effet en valeur les zones blanches 4G et les difficiles arbitrages entre couverture exhaustive du territoire (qui peut être légitimée par le développement de l’agriculture ou du tourisme) et de la population. "Les simulations de couverture mobile réalisées montrent la difficulté de fournir un service mobile sur la totalité du territoire métropolitain, ce qui oblige à prioriser les zones à couvrir", conclut l’étude. Et d’encourager les collectivités en charge des schémas d’aménagement numérique (Sdan) à intégrer dès à présent la problématique mobile en se dotant d’outils d’analyse robustes afin d’aider à déterminer et planifier la priorisation des sites 4G. Des schémas mixant THD fixe et mobile qui aideront aussi à mieux articuler les réseaux d’initiative publique avec le déploiement mobile, le THD mobile se révélant nettement plus performant quand il est raccordé à un réseau de collecte en fibre optique. Du Sdan mobile, certaines collectivités pourraient être tentées d’aller un cran plus loin en mettant à disposition des opérateurs mobiles des points hauts. Des projets de "new deal mobiles locaux" auxquels ne pousse cependant pas l’Avicca. Le cas des Vosges donne du reste à réfléchir. Avant même les dotations "new deal", le département attend toujours la finalisation des installations des opérateurs sur les sites qu’il a construit dans le cadre d'un programme "zones blanches" antérieur…