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Nouveau projet de loi antiterroriste : plus de pouvoirs pour les préfets

Périmètres de protection, fermeture de lieux de culte, mesures de surveillance individuelle, visites et saisies : telles sont les quatre mesures fortes du projet de loi présenté en conseil des ministres, ce 22 juin, visant à prendre le relais de l'état d'urgence. Et à introduire dans le droit commun quelques-unes de ces mesures phares dont certaines ont été rebaptisées pour l'occasion. Elles élargissent sensiblement les pouvoirs des préfets dans ce domaine.

Alors que des attentats isolés se sont multipliés ces dernières semaines en Angleterre, en Belgique ou en France, le ministre de l’Intérieur a présenté ses deux projets de loi en conseil des ministres, ce 22 juin, l’un prolongeant une nouvelle fois l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre 2017 et l’autre visant à permettre de sortir de cet état d’urgence en introduisant dans le droit commun certaines de ses mesures phares. Six lois antiterroristes ont déjà été promulguées sous François Hollande. Avec ce nouveau texte, plusieurs commentateurs ont dénoncé l'avènement d'"un état d’urgence permanent". Ce dont se défend le gouvernement qui a repris à son compte certaines des recommandations du Conseil d’Etat dans son avis du 15 juin.
"La France est exposée à un niveau de menace terroriste qui demeure très élevé" et le nouveau projet de loi antiterroriste "vise à doter l’Etat, d’ici au 1er novembre, de nouveaux instruments permanents de prévention et de lutte contre le terrorisme, en réservant le régime de l’état d’urgence à des circonstances exceptionnelles", précise le compte-rendu du conseil des ministres. L’introduction de ces nouvelles dispositions se fait "dans un cadre juridique renouvelé" qui "garantit l’exercice des droits et libertés de chacun". Et pour mieux distinguer ces mesures de l’état d’urgence proprement dit, elles ont parfois été rebaptisées : c’est le cas des assignations à résidence transformées en "mesures de surveillance individuelle" et des perquisitions administratives qui deviennent des "visites" !

Périmètres de protection

Le texte permettra au préfet de créer des "périmètres de protection" de nature à assurer la sécurité d’événements ou de lieux particulièrement exposés à la menace terroriste, avec des mesures d’inspection et de filtrage. Dans ces périmètres, des contrôles d’identités pourront être menés mais sous l’autorité de pouvoir judiciaire (et non du préfet, comme dans le cas de l’état d’urgence).

Lieux de culte

Le préfet pourra ordonner la fermeture de lieux de culte pour une durée maximale de six mois, alors que le Conseil d’Etat recommandait quatre mois. Cependant, le gouvernement a respecté l’avis du Conseil d’Etat pour ce qui est de restreindre ces fermetures à l’existence de propos, idées, théories ou activités "qui provoquent à la commission d’actes de terrorisme en France ou à l’étranger, incitent à la violence" ou qui "font l’apologie de tels actes". La mesure est assortie d’un délai de 48 heures pendant lequel le gestionnaire du lieu de culte pourra déposer un recours suspensif sous certaines conditions, auprès du tribunal administratif.

Mesures de surveillance individuelle

Les mesures de surveillance individuelle se veulent plus restrictives que les assignations à résidence qu'elles remplacent. Elles relèvent du ministre de l'Intérieur et des critères cumulatifs sont prévus : il faut qu’il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne constitue "une menace d’une particulière gravité" pour la sécurité et l’ordre publics et qu’elle entre en relation habituelle avec des personnes ou des organisations aux visées terroristes ou qu’elle soutienne ou adhère à des thèses incitant au terrorisme. Par ailleurs le périmètre de la surveillance sera au minimum celui de la commune de l’individu et non du domicile comme dans le cas de l’assignation. Il ne devra pointer qu’une fois par jour (contre quatre au maximum sous le régime de l’état d’urgence). Il pourra, avec son accord, être dispensé de cette signature en échange du port d'un bracelet électronique.
La mesure de surveillance sera de trois mois renouvelables autant de fois que nécessaire, si l’autorité administrative est en mesure d’apporter des éléments complémentaires au dossier. Sur ce point, le gouvernement n’a pas suivi le Conseil d’Etat, favorable pour sa part à un maximum de six mois.

Visites et saisies

Le préfet pourra ordonner des "visites et saisies". Elles répondent aux mêmes critères cumulatifs que les mesures de surveillance individuelle (la personne doit représenter une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics et entrer en relation habituelle avec des personnes ou des organisations aux visées terroristes ou soutenir ou adhérer à des thèses incitant au terrorisme). Ces visites et saisies seront soumises au préalable à l’autorisation du juge des libertés et de la détention près du tribunal de grande instance de Paris et s’effectueront sous son contrôle. Le procureur de la République de Paris en sera préalablement informé. Selon le ministère de l’Intérieur, 137 perquisitions administratives ont été prononcées depuis la dernière prolongation de l’état d’urgence décidée fin 2016.

Surveillances des données

Le projet de loi comporte enfin plusieurs mesures relatives au contrôle des données. Il vise à transposer dans la loi française la directive européenne Passenger Name Record (PNR) afin de pérenniser la possibilité de consulter les données des passagers aériens. Il instaure un système national de centralisation des données issues des dossiers des passagers du transport maritime. Il établit un cadre juridique pour la surveillance des communications hertziennes. Il s’agit de prendre en compte la décision du Conseil constitutionnel du 21 octobre 2016 qui avait censuré un vieil article de loi (repris dans la loi sur le renseignement du 24 juillet 2015) permettant aux services de renseignement d'écouter des conversations privées sur mobile ou wifi sans contrôle, au motif qu'il n'apportait pas suffisamment de garanties. Dans son avis, le Conseil d'Etat ne s'oppose pas à cette possibilité d'écoutes mais demande de les limiter "aux fins de défendre et promouvoir les intérêts fondamentaux de la Nation".

Contrôle aux frontières

Enfin, le projet de loi élargit les possibilités de contrôle aux frontières une fois passée la période de rétablissement des contrôles aux frontières. Il élargit le périmètres des contrôles, notamment aux abords des gares ouvertes au trafic international. Il étend la durée de ces contrôles à 12 heures consécutives, contre 6 aujourd’hui.
Le projet de loi ne reprend pas l'interdiction de manifester qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel, le 9 juin dernier.
"Certains élus estimeront que le texte va trop ou pas assez loin. Nous avons essayé de trouver un équilibre qui nous semble atteint", s’est félicité le ministre de l'Intérieur devant la presse, le 21 juin, la veille de la présentation du texte en conseil des ministres, tout en s'attendant à de nouveaux ajouts. "Il y aura au cours des débats parlementaires, des mesures qui seront certainement proposée sur les fichés S", a-t-il mentionné. La question de l'information des maires sur les personnes fichées S résidant dans leur commune pourrait donc resurgir.

 

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