Aménagement numérique - Nouveau cahier des charges de financement des RIP : avis de changements mesurés
Il était attendu. Le cahier des charges "France très haut débit – réseaux d'initiative publique" vient d'être approuvé dans sa nouvelle version par un arrêté publié au journal officiel du 20 mai. Les changements introduits ne vont par révolutionner les modalités de financement mises au point en 2013 dans le cadre du Fonds pour la société numérique (FSN) mais apportent quelques améliorations, notamment la simplification du raccordement des entreprises et des bâtiments prioritaires au très haut débit.
Plus complet, plus précis, mais peut-être aussi plus contraignant, du moins dans les points de détail ajoutés. La lecture du nouveau cahier des charges laisse une impression contrastée. Rappelons qu'il définit un corpus de règles dans le déploiement des réseaux d'initiative publique (RIP), dont le respect conditionne l'éligibilité aux subventions prévues au titre du Fonds pour la société numérique (FSN). Ces règles sont nombreuses, souvent techniques, et se réfèrent à des pratiques de déploiement qui se bonifient sur le terrain, au fil du temps, ou qui imposent des correctifs afin de ne pas faire obstacle au déploiement des RIP. Dans l'ensemble, le découpage du texte reste identique à la version précédente, mais le document fait aussi l'objet de nombreux ajouts voire même de nouvelles rédactions. Ce qui explique que la partie technique du cahier des charges soit passée de 17 à 26 pages. Evolution qui donne un premier aperçu de l'ampleur de la réécriture et qui va contraindre les responsables du déploiement des réseaux dans les départements à examiner à la loupe les modifications de la version 2015.
Le cahier des charges introduit une évolution majeure et quatre changements de moindre importance mais à fort impact pour les territoires ciblés.
Raccordement des entreprises et des bâtiments prioritaires facilité
C'est l'un des points clés du cahier des charges (§ 1.5.5 à 1.5.7). Les nouvelles règles améliorent et simplifient le raccordement optique des entreprises et des sites publics en FttE (Fibre jusqu'à l'entreprise), en permettant désormais de proposer des offres de raccordement spécifiques sans attendre le déploiement du réseau FttH. Déjà détaillé dans Localtis (voir ci-joint notre article du 11 septembre 2014), le dispositif financier autorise le raccordement anticipé des entreprises et des sites publics prioritaires (mairie, écoles, hôpitaux…). La part des financements initiaux serait plus importante et éviterait aux collectivités intéressées de réduire le montant de leurs avances. En outre, le dispositif devrait faire émerger des offres opérateurs "moyen de gamme" de 200 à 300 euros sur le marché de détail, plus adaptées aux PME et TPE, ce qui économiquement constitue aujourd'hui une priorité.
Mise à niveau des réseaux pionniers en fibre optique
Le gouvernement va aider les réseaux pionniers les plus en avance comme celui de l'Ain (Siea) ou celui de la ville de Sainte-Anne en Guadeloupe à se remettre à niveau – dans la limite d'un plafond de 100 euros par prise – afin de les rendre exploitables par les opérateurs (§ 1.7) et ainsi améliorer les conditions de leur commercialisation auprès des grands fournisseurs d'accès internet. Ces dispositions particulières seraient limitées à 200.000 prises mais devraient permettre de financer une partie des travaux de mise à jour. A titre indicatif, le réseau FttH de l'Ain pourrait recevoir une aide évaluée à 10 millions d'euros, ce qui est loin d'être négligeable.
De nouveaux financements éligibles pour les départements et collectivités d'outre-Mer
D'autres supports que la fibre pourront être éligibles aux financements dans les départements et collectivités d'outre-mer (§ 1.1.0). Des demandes de soutien financier pourront être déposées pour assurer la connectivité de leur territoire "vers un point de connectivité international du réseau Internet par un câble sous-marin international" et "dans les zones spécifiques en raison de leur topologie et de leur isolement". Des investissements mobilisant des solutions alternatives au déploiement des réseaux "fibre optique" pourront être réalisés afin de garantir une collecte durable et pérenne. C'est ainsi que le FSN devrait prochainement financer l'installation de pylônes le long d'un fleuve en Guyane pour effectuer de la collecte par faisceau hertzien avec le souci de s'adapter de manière pragmatique aux spécificités locales
Coup de pouce financier à la montée en débit
Autre changement, le FSN, qui jusque-là ne finançait que le réseau de collecte fibre optique jusqu'au point de raccordement mutualisé (PRM), prend désormais en considération, dans l'offre PRM d'Orange, l'acquisition d'éléments qui pourront être réutilisés à long terme (§ 1.5.3). L'assiette éligible des éléments passifs – dalle, armoire... – est établie à 8.000 euros d'équipements réutilisables, ce qui devrait situer le financement supplémentaire par PRM à 3 ou 4.000 euros, selon le montant des taux appliqués à la collectivité. Pour les collectivités engagées dans d'importantes opérations de montée en débit, ce coup de pouce supplémentaire devrait représenter un financement pouvant atteindre de 100.000 à 500.000 euros.
Articulation RIP de première et de seconde génération : mesures en demi-teinte
Le cahier des charges prévoit bien quelques aménagement dans l'articulation des RIP de première génération et les RIP de deuxième génération (§ 1.3.2), principalement sous la forme d'un financement des extensions de réseaux de collecte. S'il est bien prévu une mise en concurrence sur les travaux, en revanche, et c'est la nouveauté, il ne sera pas exigé de mise en concurrence sur l'exploitation. En conséquence, les infrastructures financées pourront être confiées au titulaire du RIP 1G sous réserve qu'elles se limitent au réseau de collecte. Pour les réseaux FttH, et contrairement au souhait de plusieurs collectivités, le RIP de première génération ne pourra pas déployer une partie du réseau FTTH sans une mise en concurrence en bonne et due forme - ce qui, dans plusieurs cas, aurait simplifié les processus et réduit les risques de bouleversements économiques susceptibles de donner lieu à indemnisation du délégataire. On estime que ce problème d'articulation se pose sur une dizaine de RIP, et particulièrement sur les territoires Ardèche-Drôme, Limousin et Charente-Maritime. C'est donc une déception pour tous ceux qui espéraient pouvoir faire plus sans mise en concurrence.
Un comité d'engagement dans la foulée
En mettant beaucoup de temps à décider de modifications d'amplitude limitée, certains observateurs estiment que l'Etat a "accouché d'une souris". A la décharge de ce dernier, chaque modification ayant des conséquences financières, les évolutions du texte ont fait l'objet de simulations. Cela justifiait-il les six mois de retard pris sur une sortie initialement prévue fin 2014 ? Chacun en tirera ses propres conclusions. Aussi, pour ne pas amplifier le retard, la Mission Très Haut débit a programmé un comité d'engagement pour la fin de cette semaine, afin d'accélérer la signature des accords préalables pour sept ou huit dossiers qui étaient en attente d'adoption du nouveau cahier des charges (Guadeloupe, Ain notamment). Ce comité sera aussi l'occasion de faire approuver la convention de financement de la Haute-Marne (phase ultime du processus d'instruction), pour rendre les décaissements effectifs à compter du mois de juin. Pour finir, le choix du directeur de l'agence numérique pourrait être effectué à la fin de ce mois de mai.