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Sans-abri - "Nous demandons à l'Etat d'être le garant de l'hébergement et du logement social"

Un collectif de 26 associations intervenant auprès des sans-abri vient de rendre publics les 13 engagements gouvernementaux pour une nouvelle politique du logement. A noter, et à regretter, l'absence, si ce n'est pour revenir sur l'application de l'article 55 de la loi SRU, des collectivités, pourtant aujourd'hui pilotes des politiques locales en matière de logement.

"Le logement doit être repris en main par l'Etat : nous voulons qu'une part des contingents de logements sociaux des collectivités et autres intervenants du logement social soit systématiquement réservée à l'application de la loi Dalo", a déclaré le 10 janvier Christophe Robert de la fondation Abbé-Pierre, lors d'une conférence de presse réunissant un collectif de 26 associations et fédérations intervenant dans le domaine de l'hébergement et du logement très social. Le douloureux dossier des sans-abri poursuit son chemin chaotique entre actions médiatiques, interventions des  forces de l'ordre, appels au calme, annonces de plans gouvernementaux et vote de réformes législatives... Dernier épisode en date, la grande conférence de presse du 10 janvier déclinant les 13 engagements gouvernementaux jugés par les associations indispensables à "une nouvelle politique du logement".
Après l'intervention des forces de l'ordre le 15 décembre contre l'installation d'un camp de tentes au pied de Notre-Dame-de-Paris, le Premier ministre, François Fillon, avait reçu les associations le 18 décembre dernier afin de les appeler à signer avec le gouvernement un contrat de confiance. Le député Etienne Pinte avait alors été nommé pour faire des propositions. Il a reçu le 7 janvier le collectif et a déclaré à l'AFP, le 10 janvier, que la prochaine réunion entre le gouvernement et le collectif, annoncée le 15 janvier, était annulée car "certaines associations refusaient de se lier avec l'Etat". Il devrait rendre son rapport au Premier ministre prochainement. Quel écho vont avoir les 13 engagements listés par le collectif concernant la prévention, l'hébergement et le logement ?
"Cela fait trente ans que les politiques publiques successives mènent à l'échec : il s'agit d'en finir", a déclaré le 10 janvier le directeur général de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars), Hervé de Ruggiero. "Le principe selon lequel personne ne doit subir la contrainte de vivre à la rue a été acté par François Fillon le 15 décembre dernier, et pour nous, c'est l'Etat qui est le garant du droit au logement et de la solidarité nationale." Pour le collectif, il faut aussi rappeler en préalable que le logement est la finalité des dispositifs d'accueil.

 

Prévention : un moratoire sur les expulsions

"Il faut arrêter d'envoyer des personnes à la rue", a quant à lui déclaré Olivier Berthe, président des Restaurants du coeur, en introduisant la liste des engagements gouvernementaux pour la prévention. Il faut donc garantir un logement aux personnes qui sortent de prison, de l'armée, d'un hôpital psychiatrique ou encore d'une structure d'aide à l'enfance. Autre point essentiel pour le collectif, toutes les personnes de bonne foi doivent bénéficier d'un moratoire sur leur expulsion  jusqu'au 1er décembre 2008, date de la mise en oeuvre du recours contentieux de la loi Dalo. "Ce sont 100.000 personnes qui sont expulsées chaque année dont une très grande partie est de bonne foi mais en difficulté financière." Autre axe d'attaque, les logements indignes, avec un budget ambitieux de l'Anah. Au nombre de 600.000 (soit 2,5% des résidences principales), ils mettent en danger la vie de leurs occupants, propriétaires pauvres et locataires. Enfin, la garantie des risques locatifs qui permet de garantir aux propriétaires le paiement des loyers des occupants doit être élargie aux plus démunis et généralisée aux dispositifs de location/sous-location animés par les associations.
Pour Jo Here, secrétaire général de l'association des cités du Secours catholique, "en matière d'hébergement, de nombreux efforts restent à faire : l'ouverture 24 heures sur 24 et 365 jours sur 365 jours, la mise en place d'un cahier des charges définissant des critères minimum pour toute rénovation..."
La question du nombre de places d'hébergement correspondant aux obligations de la loi Dalo n'a pas fait l'objet d'un développement spécifique si ce n'est pour affirmer que cet objectif devra être réalisé y compris par la réquisition de bâtiments publics. Pour rappel, la loi Dalo donne des obligations très précises aux collectivités (communes et EPCI  de taille importante). Pour Didier Cusserne, délégué général d'Emmaüs, l'unification des statuts des centres d'hébergement s'impose pour offrir un accueil, un hébergement, un dispositif d'insertion... Enfin, le collectif des 19 associations milite pour la création d'équipes pluridisciplinaires mobiles pour sortir les personnes de la rue.

Les collectivités : les mauvaises élèves

En matière de logement, au-delà de l'affectation d'une part du contingent des collectivités à la loi Dalo, les associations demandent notamment que toute opération de plus de dix logements prévoit un quota de logements sociaux sauf pour les communes ayant plus de 40% de logements sociaux sur leur territoire. "Le préfet doit pouvoir se substituer aux communes récalcitrantes pour construire les logements sociaux en prenant leur compétence en matière de permis de construire", a précisé Christophe Robert. Il semblerait que cette proposition fasse son chemin, la ministre du Logement, Christine Boutin, l'ayant elle-même développée lors de la signature de l'accord sur la vente des HLM en décembre dernier. Le logement social serait alors, comme le demande instamment les associations, recentré sur l'Etat. On est loin, très loin des politiques de terrain. Tandis que les mauvais élèves sont mis au pilori, des collectivités ou intercommunalités sont fortement investies sur l'hébergement et le logement des populations les plus fragiles et s'interrogent sur les effets d'une reprise en main par les préfets. L'Assemblée des communautés de France et l'Association des communautés urbaines de France se sont réunies, au même moment, le 10 janvier, pour demander à être les autorités organisatrices en matière de logement "car on ne peut pas, a déclaré Robert Grossman, régler de tels dossiers de la même façon à Toulouse qu'à Strasbourg : nous demandons le droit à l'expérimentation, la seule forme moderne de gestion du pays".

 

Clémence Villedieu