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Mobilité : la standardisation fera-t-elle décoller la MaaS ?

La mobilité en tant que service (MaaS) suscite un réel engouement des territoires. Le décloisonnement des mobilités reste cependant embryonnaire et peine à dépasser les transports publics. Pour les experts réunis le 19 mai par le magazine "Ville, rail et transports", la standardisation pourrait aider à son décollage. Sans être suffisant.

La France compte aujourd’hui une centaine de projets se réclamant de la MaaS (acronyme anglais de mobilité en tant que service), signe d’un réel engouement des élus pour cette approche de la mobilité porte-à-porte, décloisonnée et fer de lance de la lutte contre l’autosolisme. Ces projets recouvrent cependant des réalités bien différentes entre ceux, très restreints, qui proposent une réelle multimodalité et les projets réduits à une billettique dématérialisée monomode adossée à un calculateur d’itinéraire. "Chaque métropole a sa Maas sans se poser la question de savoir si elle dialogue avec celle d’à côté", tacle Nicolas Cosson, président d’Hove (ex-Kisio). Et la plupart des applications existantes ne proposent que des forfaits sur le seul périmètre des transports publics.

Une complexité sous-estimée

"On a sous-estimé la complexité de sa mise en œuvre", reconnaît Aurélien Cottet, en charge du développement international d’InstantSystem. Nicolas Cosson abonde dans ce sens en détaillant le mille-feuille des acteurs et des données nécessaires à une Maas réellement aboutie. Car au-delà des données sur les transport publics, l’autopartage, les VTC, les taxis, il en faut aussi sur le stationnement, l’adressage, la topographie ou encore la météo… Alexandre Cabanis, du cabinet Ubi Transport, ajoute que certaines autorités organisatrices de la mobilité (AOM) sont "gourmandes en complexité" en voulant par exemple que tout passe par le mobile alors que la technologie choisie ne fonctionne pas sur tous les téléphones ou exige de lourds investissements dans des infrastructures physiques… "Les derniers textes d’application de la loi d’orientation des mobilités (LOM) n’ont été publiés qu’en décembre 2021", tempère Éric Alix, président de RATP smart system. Or c’est la LOM qui dresse le cadre de l’étage le plus sensible de la MaaS, celui de l’interopérabilité des systèmes billettiques. Et de souligner que "les objectifs sont partagés, il n’y a plus qu’à se mettre autour de la table".

Standardisation universaliste ou communautaire

Avec au menu un important volet standardisation, clef du dialogue entre les systèmes techniques. "Cela nous permettrait de diminuer les coûts d’intégration et faciliterait un déploiement à grande échelle", fait valoir Instant system. "Deux approches sont possibles, l’approche universaliste, ou celle de la communauté", explique Julie Braka , cheffe de projet MaaS à la Fabrique des mobilité. L’un passe par une norme descendante, l’autre par un accord entre les parties intéressées, plus rapide à obtenir. Deux approches "complémentaires" qui coexistent aujourd’hui. L’Europe a ainsi élaboré le standard NeTex mais ses quelque 1.500 pages de spécifications - qui intègrent il est vrai tous les cas d’usage - ont de quoi faire peur aux collectivités. Un défaut qui conduit la Fabrique des mobilités à privilégier une approche par petits pas, sur des champs restreints. L’association estime ainsi que l’élaboration des standards sur l’autopartage est " bien avancée". Elle travaille aussi avec l’État et le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) sur la simplification du parcours usager en s’attaquant au maquis des aides à la mobilité. Avec à la clé un "compte mobilité" destiné à favoriser l’usage des mobilités douces ou partagées, notamment pour les trajets domicile-travail, expérimenté en Ile de France et à Mulhouse. La collaboration avec des acteurs privés, potentiels acteurs de la MaaS, passe quant à elle par des connecteurs ou API, chantier encore largement émergent. "Il faut travailler sur des API ouvertes", insiste le directeur d’Hoove, estimant que désormais les AOM ont le moyen d’imposer la manière dont elles veulent travailler avec les acteurs privés.

Des blocages politiques

Pour nécessaire qu’elle soit, la standardisation ne fera cependant pas décoller la MaaS à elle seule. Plusieurs sujets, éminemment politiques, restent en effet en suspens. À commencer par le partage de la valeur dans le cas de forfaits donnant accès à plusieurs modes de déplacement concurrents. "Chacun souhaite garder le contact avec ses clients", souligne Alexandre Cabanis, pointant le lien entre billettique et accès aux données d’usage. L’offre MaaS n’est ensuite qu’une partie de la réponse, l’appétit des usagers pour la multimodalité n’étant pas encore là. "Combien d’entre nous – autant de spécialistes de la mobilité – ont d’ores et déjà acheté un billet multimodal ?" s’interroge un participant. "La MaaS, c’est aussi de la communication, un accompagnement de l’usager", reconnaît le représentant de la RATP. "Si Waze proposait des alternatives à la voiture dans son application, cela pourrait aider", ajoute Nicolas Cosson. "C’est également une affaire d’urbanisme", complète Julie Braka "car en réduisant les espaces de stationnement, on incite les gens à utiliser d’autres modes de déplacement". La MaaS ne serait-elle finalement qu’une utopie ? Non mais elle prendra beaucoup plus de temps que l’on pouvait l’imaginer, s’accordent des participants qui misent sur "la force de l’exemple". Les pays nordiques ont ainsi réussi à la mettre en œuvre. Et aux Pays-Bas, la MaaS allie standardisation (Tomp API) et expérimentation dans sept territoires représentatifs des différentes configurations : métropole, petite ville, zone rurale, université… Un exemple dont la France pourrait s’inspirer.

 

Les quatre niveaux de MaaS

L’Ademe distingue quatre niveaux dans la mobilité en tant que service. 
1- L’intégration des données "statiques" : arrêts, réseaux, tarifs.
2- L’intégration de la réservation et du paiement via une seule plateforme.
3- L’intégration de plusieurs services de mobilité : la plateforme propose différents forfaits de mobilité.
4- L ‘intégration d’objectifs sociétaux : la plateforme devient l’outil au service de la stratégie bas carbone de la collectivité.