Transports publics - Régulation et mobilité servicielle, les deux enjeux de l'après-LOM
Il en fut beaucoup question lors des Rencontres nationales du transport public qui se sont terminées ce 3 octobre : la loi d'orientation des mobilités (LOM), en passe d'achever son examen parlementaire et dont la transposition prendra du temps, est censée accélérer le développement d'offres de mobilité en tant que service (Maas en anglais). Quels sont les besoins ? Qui financera ces outils ? Réguler les données relève-t-il d'une mission impossible ?
Mirage technologique ou réel espoir de voir fleurir des services alternatifs à l'autosolisme dans les territoires qui en ont le plus besoin ? Vite présentée comme le Graal des voyageurs, la MaaS, pour Mobility as a service, et le bouquet de services d'information et de billettique multimodale facilités qu'elle propose, était encore sur toutes les lèvres dans les allées des Rencontres nationales du transport public qui se sont terminées ce 3 octobre à Nantes.
Et pour cause, le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) - son examen parlementaire s'achève mais sa transposition réglementaire va nécessiter de co-construire, dans le même esprit du premier acte que furent les assises de la mobilité, une centaine de décrets dans les six mois à venir - lui consacre deux articles dont l'un (art. 11) ouvre la voie à une Maas plus aboutie. C’est-à-dire intégrant la billettique, notamment celle des opérateurs publics (voir notre décryptage dans l'édition du 16 juillet dernier).
Une phase indispensable mais délicate dans un environnement où l'innovation est permanente, les défis techniques nombreux - avec un fort enjeu lié à l'interopérabilité des systèmes et les standards - "mais le business model non arrêté, tout en nécessitant des compétences, des équipes dédiées et des investissements", liste la patronne de la RATP Catherine Guillouard. Tout en continuant de roder son appli "tout-en-un" à Annemasse (Haute-Savoie), sur le réseau de l’agglo qu’elle exploite avec celui de Genève, sa filiale RATP Dev déclinera certainement la solution dans d'autres réseaux gérés à Lorient, Brest, Saint-Malo ou Angers. A Mulhouse, les élus vantent le succès de la Maas mise en place il y a un an avec Transdev. Elle centralise les services à la mobilité à partir d'un abonnement et propose des calculs d’itinéraires prenant en compte tous les modes de déplacement. L'intérêt ? Plus de fluidité dans le parcours de l'usager et de complémentarité entre les modes. Saint-Etienne saute aussi le pas avec Moovizy, du même opérateur. Ces applis intègrent le post-paiement : l'usager reçoit une facture en fonction des services empruntés. Une idée piochée dans les pratiques de Tours et Belfort, qui s'en disputent la paternité.
On l'aura compris, la Maas séduit par sa souplesse. Mais David Cronenberger, directeur de la Régie des transports communautaires rochelais, prévient qu'"à trop se focaliser sur l'appli, le risque est de réduire la Maas à une technologie : si l'idée est juste d'ajouter une fonction à des applis existantes, alors la LOM aura accouché d'une souris". "Soyons sûrs de n'oublier personne en chemin et de ne pas en faire un gadget réservé à des adeptes", insiste également Marc Papinutti, directeur général de la DGITM au ministère de la Transition écologique.
Mettre au centre les usagers
L'écueil, c'est de se couper des besoins des usagers, "tout particulièrement ceux des territoires peu denses, pour que ces services leur soient accessibles, il faut que le téléphone capte, or ce n'est pas toujours le cas", souligne avec bon sens Véronique Wiesinger de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut). Agréger des solutions de déplacement existantes, c'est bien, martèle cette association, mais disposer d'un réseau "multimodal fiable, robuste et répondant aux besoins des usagers" reste un "préalable nécessaire".
Dans ces territoires peu denses, la loi parle d'expérimenter de nouvelles solutions de mobilité. Et Thierry Mallet de rappeler que sur 80% du territoire représentant 30% de la population, "aucune collectivité publique n'organise les mobilités des personnes et des biens : la LOM clarifie les compétences, aide à travailler à la bonne échelle et doit permettre de compléter la desserte là où elle manque". Peu porté sur le développement d'une Maas de dimension nationale, le PDG de Transdev croit plus à des briques de solutions locales, un panel de services numériques mais aussi de transport de proximité. Qui les financera ? "Derrière les promesses de la LOM, il y a des outils mais pas toujours les financements attendus", s'inquiète pour sa part Roch Brancour, vice-président de la région Pays de la Loire. Les outils Maas eux-mêmes ont un prix - 700.000 euros pour l'appli mulhousienne. Autre point sensible, l'utilisation des données - "l'AOM doit rester propriétaire, garantir la confidentialité", poursuit Thierry Mallet – et la gouvernance de la Maas, où "la collectivité doit là aussi jouer un rôle essentiel".
Pour mieux connaître ces nouveaux services numériques, un observatoire porté par le Cerema (centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement), et dont le Groupement des autorités organisatrices de transport (Gart) est partenaire suite à une convention signée dans le cadre de ces rencontres nantaises, s'attelle justement à recenser et décrire les multiples systèmes d'informations multimodaux des régions et des agglos, et leur évolution vers des systèmes de type Maas, "souvent par incrémentation, en intégrant progressivement de nouveaux services, par exemple sur l'information en temps réel ou sur l'aspect tarifaire". Cet observatoire publiera une première note d'analyse à la fin de l'année.
Enfin, le gros chantier concerne la régulation du secteur. Pour que ces obligations d'ouverture des données (art. 9 de la LOM) soient effectivement respectées, notamment par les acteurs privés, un gendarme de la data sur les mobilités est créé et la mission confiée à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), devenue depuis ce 1er octobre 2019 l'Autorité de régulation des transports. "Notre industrie se transforme en service. Le rôle du régulateur devient essentiel", conclut Catherine Guillouard.