MNA : le Conseil constitutionnel valide les tests osseux, mais encadre la pratique
Le Conseil constitutionnel a rendu une décision très attendue sur la question des tests osseux pratiqués pour déterminer l'âge des personnes se disant mineurs non accompagnés.
Dans une décision du 21 mars, très attendue par les départements, sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a considéré qu'en autorisant les examens radiologiques osseux comme élément de détermination de l'âge réel d'une personne se présentant comme mineur non accompagné (MNA), l'article 388 du code civil, dans la rédaction introduite par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant, "n'a pas méconnu l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant découlant des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946". Le Conseil accompagne toutefois sa décision d'un ensemble de considérants et de précisions qui en encadrent sérieusement la pratique.
Des garanties juridiques solides...
Pour justifier sa décision, le Conseil constitutionnel considère en effet que "seule l'autorité judiciaire peut décider de recourir à un tel examen" et que celui-ci ne peut être ordonné "que si la personne en cause n'a pas de documents d'identité valables et si l'âge qu'elle allègue n'est pas vraisemblable. Il appartient à l'autorité judiciaire de s'assurer du respect du caractère subsidiaire de cet examen".
Autre garantie prise en compte par Conseil pour justifier sa validation des examens radiologiques osseux : l'examen ne peut intervenir "qu'après que le consentement éclairé de l'intéressé a été recueilli, dans une langue qu'il comprend". Le législateur a également pris en compte l'existence d'une marge d'erreur, reconnue par tous les professionnels de santé, sur les résultats de cet examen.
Enfin, le Conseil écarte les arguments - il est vrai assez peu convaincants - selon lesquels la pratique de ces examens contreviendrait au droit au respect de la vie privée, au principe du respect de la dignité de la personne humaine et à l'inviolabilité du corps humain, ou encore mettrait en danger la santé des personnes se disant MNA.
... et des rappels sur la pratique
Si le Conseil constitutionnel valide ainsi le principe des examens radiologiques osseux, il entoure néanmoins sa décision d'un ensemble de rappels et de considérants qui résonnent comme autant de garde-fous vis-à-vis de possibles dérives et pourraient étayer d'éventuels recours. Le - long - titre de son communiqué est d'ailleurs très explicite, puisqu'il indique que "le Conseil constitutionnel consacre une exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant et rappelle les garanties applicables à un examen radiologique osseux pour déterminer l'âge d'une personne".
Outre les garanties citées plus haut, la décision du Conseil rappelle ainsi qu'il appartient à l'autorité judiciaire d'apprécier la minorité ou la majorité de la personne se disant MNA "en prenant en compte les autres éléments ayant pu être recueillis, tels que l'évaluation sociale ou les entretiens réalisés par les services de la protection de l'enfance". De même, le Conseil rappelle que "la majorité d'une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux" et que "si les conclusions des examens radiologiques sont en contradiction avec les autres éléments d'appréciation susvisés et que le doute persiste au vu de l'ensemble des éléments recueillis, ce doute doit profiter à la qualité de mineur de l'intéressé".
Au tour du Conseil d'État...
Dernier rappel, qui s'adresse en particulier très directement aux départements : "Il appartient aux autorités administratives et judiciaires compétentes de donner leur plein effet aux garanties précitées." Une allusion feutrée à l'un des principaux arguments invoqués par les requérants, selon lesquels les garanties juridiques apportées par le législateur seraient en l'espèce purement formelles, les intéressés n'ayant pas la possibilité de refuser l'examen et certains départements ne s'embarrassant pas de la marge d'erreur de ce dernier ou de la prise en compte d'éléments complémentaires pour écarter la minorité d'une personne se disant MNA.
Le débat autour des examens radiologiques osseux n'est toutefois pas clos. Le recours des associations contre le décret 30 janvier 2019 "relatif aux modalités d'évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et autorisant la création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à ces personnes" (voir notre article ci-dessous du 1er février 2019) est en effet toujours pendant devant le Conseil d'État.
Référence : Conseil constitutionnel, décision n°2018-768 QPC du 21 mars 2019, M. Adama S. |