Mise en oeuvre du zéro artificialisation nette : deux décrets en consultation pour compléter la nouvelle loi
Dans la foulée de la publication de la loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols, le ministère de la Transition écologique a engagé le processus d’élaboration des décrets d’application destinés à traduire voire à compléter les ajustements apportés par ce nouveau véhicule législatif. Deux décrets, soumis à consultation jusqu’au 15 août prochain, s’attaquent, l’un à la déclinaison par les territoires des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation, l’autre au fonctionnement de la nouvelle commission de conciliation sur l’artificialisation des sols.
Après la promulgation de la loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux (voir notre article du 21 juillet 2023), place à l’élaboration des décrets d’application. Ce nouveau texte législatif d’initiative sénatoriale comporte en effet plusieurs ajustements aux dispositions prévues dans le cadre de la loi Climat et Résilience et des outils renforcés pour faciliter l’atteinte des objectifs de sobriété foncière et plus particulièrement leur déclinaison territoriale. Dans le prolongement de ces évolutions, le ministère de la Transition écologique soumet à consultation publique, dans des délais volontairement restreints (jusqu’au 15 août prochain), deux projets de décret.
Mieux assurer la territorialisation des objectifs
Un premier projet de décret vise à mieux assurer la territorialisation des objectifs de sobriété foncière et l’équilibre entre le niveau d’intervention de la région et le bloc communal. En réalité, un projet de texte présenté comme un "ajustement" et un "complément" au décret du 29 avril 2022 (n°2022-762) pris en application de la loi Climat et Résilience relatif aux objectifs de gestion économe de l'espace dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) a déjà été soumis à consultation en juin dernier (voir notre présentation du 15 juin 2023).
Il s’agit sur certains points de le mettre au diapason de la nouvelle loi n°2023-630 du 20 juillet 2023. Cela se traduit entre autres s’agissant de l'enveloppe minimale d’artificialisation de 1 hectare garantie à chaque commune (sans condition de densité) dans le cadre de la première période décennale 2021-2031. La déclinaison territoriale doit ainsi permettre d’assurer une surface minimale de consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers, tant au niveau du Sraddet que du Scot (nouvel article R.141-7-1 du code de l’urbanisme). Et pour les territoires littoraux exposés au recul du trait de côte, de leur permettre de favoriser des projets de recomposition spatiale en tenant compte des relocalisations rendues nécessaires par son évolution.
Ajout d’un critère pour le maintien des activités agricoles
L’équilibre entre la lutte contre l’artificialisation des sols et la préservation des espaces dédiés aux activités agricoles est un autre point de vigilance. Ainsi, compte tenu des enjeux portés à l’échelle de la région en matière d’agriculture durable et des structures agricoles, le projet de décret ajoute un critère de territorialisation pour le maintien et le développement des activités dans ce domaine. Il prévoit en outre la possibilité de mettre en place une part réservée de l’artificialisation des sols pour des projets à venir de création ou d’extension de constructions ou d’installations nécessaires aux exploitations agricoles et ce notamment pour contribuer aux objectifs et orientations prévus dans les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles.
Chaque région pourra "opter via son document de planification pour réserver par avance une enveloppe destinée à de tels projets et qui sera donc mobilisée en tant que de besoin pour la période qu’elle couvre", explique la notice de consultation. "Ce mécanisme permet de mieux prendre en compte cet enjeu après 2031", relève-t-elle. Sachant que pour la première tranche de dix ans (2021-2031), les constructions ou installations à destination d’exploitation agricole qui sont réalisées dans les espaces agricoles ou naturels n’emportent généralement pas de création ou d’extension d’espaces urbanisés et donc de consommation de ces espaces. Le décret ajoute que les objectifs de lutte contre l’artificialisation ne peuvent constituer un frein à la réalisation de projets de construction ou installations liées aux exploitations agricoles et donc leur être directement opposables.
Commission régionale de conciliation sur les projets d’envergure
L’objet du second texte en consultation est de préciser la composition et les modalités de fonctionnement de la commission de conciliation sur l’artificialisation des sols, instituée dans chaque région, pour assurer la prise en compte des priorités de développement local. S’agissant des projets d'envergure nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur, le compromis traduit dans la loi n°2023-630 du 20 juillet 2023 permet que la liste en reste définie, après consultations, par l’État (arrêté ministériel), tout en prévoyant un droit de proposition des régions.
Pour la première tranche de dix ans (2021-2031), leur consommation d'espaces naturels, agricoles ou forestiers sera comptabilisée et mutualisée au niveau national, dans le cadre d'un forfait de 12.500 hectares, dont 10.000 pour les régions couvertes par un Sraddet. En cas de désaccord persistant sur la liste de projets, une commission régionale de conciliation, objet du présent projet de décret, pourra être saisie à la demande de la région.
Le texte prévoit trois représentants pour la région et trois pour l’État, dont le préfet et le directeur régional chargé de l’environnement et de l’aménagement. La présidence en sera assurée par un magistrat administratif désigné par le président de la cour administrative d’appel dans le ressort de laquelle se situe le chef-lieu de région. Des représentants du bloc communal pourront y être conviés à titre consultatif dès lors qu’un projet les concerne. La commission pourra en outre associer à ses travaux d’autres acteurs, et notamment ceux compétents en matière d'aménagement foncier, d'urbanisme ou d'environnement ou plus particulièrement pour la matière du projet concerné.
Les propositions de la commission, formulées dans le délai d’un mois à compter de sa saisine, seront notifiées, à la diligence du préfet, au ministre chargée de l’urbanisme. S’il ne suit pas cet avis, le ministre devra informer les membres de la commission des motifs de sa décision.