Mise en œuvre des services express régionaux métropolitains : le point de vue des usagers

La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) a publié ce 2 août une étude sur les services express régionaux métropolitains (Serm) réalisée avec le soutien du ministère chargé des transports. Elle revient sur les attentes des usagers, en émettant des propositions en termes de gouvernance et de financement ainsi que sur les critères fonctionnels et de service de ces nouveaux types de transports métropolitains.

La Fédération nationale des associations d'usagers des transports n'a pas attendu l'annonce d'Emmanuel Macron, le 27 novembre 2022 proposant de développer des transports ferroviaires de type RER dans dix métropoles françaises pour s'emparer du sujet. Dès 2018 (lire notre article), la Fédération proposait déjà de mettre en place "des services ferroviaires diamétraux à haute fréquence ou 'RER', complémentaires des services TER traditionnels et desservant le cœur des agglomérations", avec une connexion étroite aux transports urbains. Mais si la loi du 27 décembre 2023 relative aux services express régionaux métropolitains (Serm) a fixé le cadre, le contenu du texte appelle au moins cinq "points d'attention", relève la Fnaut dans une étude réalisée avec le soutien du ministère chargé des transports et publiée ce 2 août.

Participation des associations d'usagers 

En termes de gouvernance, la Fnaut revendique la participation institutionnelle des associations d'usagers "dès le démarrage des études des projets". "Il est nécessaire que la place des représentants des usagers, dans la préparation et le suivi du projet, soit bien précisée et suffisante pour leur permettre de donner leur avis sur le projet et ses différentes phases (études, découpage et réalisation des travaux) et ainsi assurer une prise en compte de leurs attentes concrètes", justifient les auteurs de l'étude. 

La Fédération demande ensuite que les critères d’attribution du statut soient définis par une instance indépendante, et qu’ils soient peu nombreux pour permettre le démarrage rapide et progressif des projets. En somme, il faut privilégier une "approche pragmatique" car "un statut complexe peut conduire à une élaboration longue induisant un retard de démarrage", met-elle en garde. Aujourd'hui, la loi prévoit que le statut de Serm est attribué par arrêté du ministre chargé des transports mais cela suppose une phase de concertation préalable entre de nombreuses parties prenantes qui devront élaborer un dossier de proposition conjointe de la région et des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) qui participent au financement, rappelle-t-elle. 

Nécessaire coopération entre les différents niveaux de collectivités territoriales

La Fnaut appelle à promouvoir des formes de gouvernance alliant "simplicité et efficacité", ce qui n’est pas le cas, selon elle, avec les dispositifs prévus par la loi car la réalisation des Serm prendra du temps et connaîtra de nombreux aléas techniques et financiers. Elle insiste sur la coopération entre les différents niveaux de collectivités territoriales et se dit attachée à ce que la gouvernance ferroviaire soit commune entre la région et la métropole du Serm concerné. Elle rappelle avoir proposé un nouvel appel à projet encourageant les AO métropolitaines et les AO régionales à concevoir et présenter des projets conjoints, à en définir la gouvernance (syndicat mixte, établissement public…) et à en proposer le financement - contribution de l’État, versement mobilité, contribution régionale (avec une part accrue de TICPE).

Elle juge "positive" l'obligation de constituer un Groupement d'intérêt public (GIP) ou une autre structure ad hoc pour piloter le projet car allant dans le sens de l'"unicité de la décision". "L'importance d'une maîtrise d'ouvrage unique, solide et responsable financièrement et techniquement est primordiale : il ne s'agit pas seulement de construire des clés de financement des investissements et des 'déficits' de fonctionnement, mais de pouvoir gouverner dans les moments difficiles (aléas des travaux, révision des couts, délais, etc.)", fait-elle valoir.

Financements à programmer sur le long terme 

Les besoins de financement étant très importants, ils doivent être programmés sur le long terme, souligne la Fnaut qui souhaite là encore "une démarche pragmatique permettant une amélioration pour l'usager dès les premières dépenses engagées" dans une logique de "tranches fonctionnelles". Reprenant la recommandation du Comité d’Orientation des Infrastructures (COI), elle estime que les études préalables doivent aborder les deux aspects investissement et fonctionnement. La problématique des frais de fonctionnement des Serm est selon elle identique à celle des transports urbains et constitue à ses yeux "une grande préoccupation". Elle juge aussi "fondamental" le diagnostic préalable à l’état du réseau afin de déterminer les investissements nécessaires.

Dans un premier temps, la Fnaut estime qu'il faut limiter l'engagement de la Société des grands projets (SGP) à une réponse à la demande des collectivités partenaires – "le temps des infrastructures nouvelles ne viendra que dans dix ans", relève-t-elle. Il faudra aussi rester "vigilant" sur la création de sociétés de projet locales dotées de la possibilité de prélever des taxes locales pour "éviter que l'augmentation des emprunts donc des taxes ne constitue la seule variable d'ajustement en cas d'aléa financier".

Les auteurs de l'étude insistent en outre sur une nécessaire coordination avec l'urbanisme et les opérations d'aménagement "pour un meilleur équilibre des flux de transport, pour encourager la ville des courtes distances et faciliter la vie des habitants". Il importe notamment d'avoir des quartiers de gare bien équipés en services et commerces, et plus généralement une plus grande mixité des fonctions urbaines. "L'obligation de vérifier la cohérence du projet avec les documents de planification territoriale régionaux et locaux du périmètre concerné va également dans la bonne direction pour assurer la cohérence urbanisme/mobilité indispensable à l'efficacité du SERM", note l'étude.

Maillage des territoires

Dans une deuxième partie, la Fnaut met en avant ses attentes sur les critères fonctionnels et de service des Serm, au vu des projets par agglomération. Elle insiste d'abord sur le maillage des territoires urbains et métropolitains. "L’aire à desservir doit être la zone d’attraction urbaine de l’agglomération, souligne-t-elle. Elle doit permettre de satisfaire les besoins de déplacements massifs et répétés vers les lieux de travail, d’études, de services ou de santé, de loisirs, culturels et sportifs." Dans cette optique, le réseau ferré régional constitue "un potentiel important". "Sa rénovation et l’intégration des deux réseaux urbain et ferroviaire est la réponse adéquate et nécessaire à ces besoins de mobilité des habitants des territoires périphériques", jugent les auteurs de l'étude. "Il faut une bonne desserte interne de l’agglomération (Serm) et une bonne relation avec les villes voisines (TER), en déduisent-ils. Le choix de la pertinence des lignes concernées par le projet de Serm est essentiel".

Un impératif : l'intermodalité

Outre l'amélioration des dessertes - dessertes diamétrales, interstations courtes, fréquence de dessertes élevée et cadencée, avec un renforcement en pointe, amplitude étendue des services, offre adaptée au trafic des fins de semaine, arrêts brefs rendus possibles par une excellente accessibilité du matériel roulant assurant la fluidité des montées et descentes -, la Fnaut insiste sur la nécessité d'intégrer au projet des cars express disposant de priorités de circulation (feux tricolores, voies réservées, portions de site propre, etc.). Autre objectif "essentiel" : l'intermodalité pour détourner une partie significative du trafic automobile vers le transport ferroviaire. "Cela suppose l’adjonction, dans chaque gare ou point d’arrêt desservis d’un pôle d’échange multimodal (PEM) dimensionné selon le transfert modal escompté et vers lequel doivent converger des lignes routières de rabattement", note la Fnaut qui rappelle que les usagers attendent "un accès élargi à tous les modes de la mobilité, ainsi qu’à l’information et l’achat de titres de transport, qui ne doivent pas être assurés que par les gares centrales".

Le développement des Serm doit aussi s’accompagner d’une intégration de l’information, de la billetterie et de la distribution entre les différents prestataires de mobilité, ce qui est aujourd’hui loin d’être le cas dans la grande majorité des régions urbaines, pointe-t-elle.

Matériel roulant adapté

Enfin, "les transports ferroviaires doivent constituer l'armature principale indispensable des transports de l'aire urbaine et, au-delà, être connectés aux transports publics urbains, suburbains et régionaux par l’intermédiaire de pôles d’échanges multimodaux (PEM)", souligne-t-elle une nouvelle fois. Dans cette configuration, détaille-t-elle, le matériel roulant doit "avoir des capacités d’accélération et de freinage importantes afin de pouvoir s’insérer aisément dans la trame des circulations et permettre l’information dynamique à bord, avoir une capacité d’emport suffisante y compris pour les besoins futurs, permettre une circulation aisée des flux de voyageurs vers les quais et à bord du train, être compatible avec les systèmes de signalisation en cours de déploiement, permettre les circulations vers les pays voisins".