Ministère de la Transition écologique : un nouveau périmètre qui suscite des interrogations

La nouvelle ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, se retrouve à la tête d'un ministère qui englobe l'énergie tout en étant privé des transports et du logement : un "démembrement" critiquent certains, là où l'intéressée espère que l'environnement sera un sujet central pour tout le gouvernement.

La formation d'un gouvernement dirigé par un Premier ministre issu des Républicains, sans majorité à l'Assemblée nationale, n'est pas "un appel à l'inaction", a estimé ce 23 septembre la nouvelle ministre de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, Agnès Pannier-Runacher, lors de la passation de pouvoirs avec Christophe Béchu à l'Hôtel de Roquelaure. Celle qui a été une éphémère ministre déléguée à l'Agriculture auprès de Marc Fesneau après avoir été de 2022 à 2024 ministre de la Transition énergétique, compte être "une voix exigeante au sein du gouvernement, avec la volonté d'agir tous les jours" car selon elle, "la transition écologique et énergétique" reste une "priorité absolue".

"Écologie populaire"

Agnès Pannier-Runacher a fait part de sa volonté de construire "vite" une "écologie populaire où chacun y trouve son compte et son intérêt et qui ne soit pas perçue comme une longue litanie de normes punitives ou restrictives de liberté". "Une écologie qui ne soit pas, comme l’affirme le discours de l’extrême droite, le monopole d’élites déconnectées, mondialisées et surtout qui en ont les moyens." Si elle estime que le gouvernement a "fait beaucoup" sur ce point, elle considère qu’il est encore nécessaire de "porter ce discours au plus près des territoires". Sa "première urgence" sera de "poser des mots clairs sur les bénéfices concrets de l’écologie pour chacun, quels que soient ses revenus et son lieu de résidence", et ainsi permettre une plus grande "justice sociale et territoriale". Il faudra donc que "le budget 2025 permette d'accompagner vraiment les classes modestes et moyennes dans leur transition", a-t-elle affirmé.

"Quatre grands piliers" pour la transition énergétique

Dans ses nouvelles fonctions, Agnès Pannier-Runacher a également dit "emporter le combat" des agriculteurs, "premières victimes du dérèglement climatique et premiers acteurs" de la transition écologique.

Alors qu'elle a également la tutelle sur l'énergie avec la ministre déléguée Olga Givernet, elle a insisté sur la mise en oeuvre des "quatre grands piliers" de la transition énergétique : l'efficacité et la sobriété énergétique, "toutes les énergies renouvelables" et le nucléaire, un "atout pour la souveraineté de la France et de l'Europe et pour le climat". "Chacun de ces piliers est indispensable et aucun ne peut s'envisager sans les autres si on veut tenir nos objectifs", a-t-elle martelé.

Sur les autres dossiers dont elle a la charge — eau, pollution de l’air, biodiversité, adaptation au changement climatique —, elle a évoqué les divers plans et programmes qui étaient en cours de finalisation avant la dissolution et qui pourraient enfin aboutir : stratégie française énergie-climat, stratégie nationale bas carbone, plan national d’adaptation au changement climatique, stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat. Elle promet aussi d'"accélérer" sur les projets déjà adoptés, citant notamment la stratégie nationale biodiversité.

Une nouvelle architecture du ministère vue par des ONG comme un "démembrement"

Mais malgré le volontarisme affiché par Agnès Pannier-Runacher, la nouvelle architecture de son ministère suscite déjà critiques et interrogations. "Le démembrement du ministère de la Transition écologique, qui voit exclus de son périmètre les transports, premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France, et le logement, enjeu-clé pour réduire la facture énergétique des ménages, est un retour en arrière de près de 20 ans", a critiqué auprès de l'AFP Anne Bringault, directrice des programmes du Réseau action climat (RAC), qui fédère de nombreuses associations comme le WWF, Greenpeace ou Les amis de la Terre.

"Le retour de l'énergie dans son giron, après un passage éclair de quelques mois à Bercy, est positif, mais le risque serait d'avoir une focalisation sur le seul enjeu de la production d'électricité." Or, plaide-t-elle, "la planification écologique nécessite de traiter l'ensemble des enjeux, en faisant le lien avec les politiques territoriales", plaide-t-elle. France Nature Environnement (FNE) a dénoncé de son côté "un ministère au nom allongé mais au périmètre rétréci", "avec la perte du logement, devenu ministère de plein exercice, des forêts, mises sous la tutelle de l’agriculture, de la mer et la pêche, renvoyées sous le ministère du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation. Et surtout la disparition pure et simple d’un ministère délégué ou d’un secrétariat d’État à la biodiversité". L'ONG craint que le ministère de la Transition écologique "ne soit réduit à une espèce de super ministère de l’Énergie, qui aurait comme principale et fausse réponse à la crise écologique qui nous frappe, la construction de centrales nucléaires".

Approche transversale défendue par la ministre

Agnès Pannier-Runacher balaie pour sa part les critiques sur le périmètre de son ministère, faisant valoir que "l'écologie est un sujet transversal", qui a vocation à irriguer tout le gouvernement. "Si vous voulez tout mettre dans un seul ministère, ça ne marche pas parce que vous avez une espèce d'administration trop large et pas assez impactante", a-t-elle dit à l'AFP. "Ce qui m'importe, c'est d'entendre très clairement formulé dans les discours de mes collègues que la décarbonation, la biodiversité sont des sujets majeurs", souligne-t-elle. Le Premier ministre, Michel Barnier, a lui-même rapidement cité parmi ses priorités le fait de "réduire la dette écologique", là où son prédécesseur Gabriel Attal s'était peu exprimé sur ces sujets. Il est aussi formellement "chargé de la planification écologique et énergétique".

Certains observateurs sont moins inquiets sur la nouvelle organisation gouvernementale. Enerplan, le syndicat des professionnels de l'énergie solaire, se félicite du retour de l'énergie dans le giron de la locataire de l'Hôtel de Roquelaure. "Elle pourra donc agir rapidement", estime-t-il. 

Le rattachement des transports au ministère des Partenariats avec les territoires, au détriment de la Transition écologique, n'est "pas une mauvaise idée en soi", estime la directrice France de l'ONG européenne Transport & Environnement, Diane Strauss. "Ce qui compte, c'est la capacité des différents acteurs à travailler de concert pour faire émerger des positions fortes dans les arbitrages ministériels", notamment sur le sujet de l'électrification des flottes de voitures d'entreprises ou sur la fiscalité des activités polluantes, a-t-elle déclaré à l'AFP, disant attendre le discours de politique générale et le projet de loi de finances pour "savoir quelle va être l'orientation du gouvernement".

Il faudra toutefois attendre la publication des décrets d'attribution, qui précisent le domaine d'action précis de chaque ministre, pour clarifier un certain nombre de questions. 

 

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