Gouvernement Barnier : un casting très local
Que retenir de la composition du gouvernement de Michel Barnier finalement dévoilée ce samedi 21 septembre ? Au-delà d'une couleur politique penchant largement vers la droite, les acteurs locaux y retrouveront nombre de parlementaires, y compris des sénateurs. Ils remarqueront la dénomination du ministère confié à Catherine Vautrin : "ministère du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation". Ils reconnaîtront des figures connues de l'univers des collectivités, que ce soit la sénatrice Françoise Gatel (ruralité) ou le président de Villes de France, Gil Avérous (jeunesse et sports). Ils constateront des changements de périmètres plus ou moins inédits. Passage en revue.
Il a fallu du temps, beaucoup de temps. C'est finalement ce samedi 21 septembre peu avant 20 heures que la composition du gouvernement Barnier a été annoncée par Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Élysée. Au moins, contrairement à ce qui avait prévalu lors des derniers remaniements en date, c'est un gouvernement au complet qui a été présenté, ministres délégués et secrétaires d'État compris. Soit une équipe gouvernementale de 39 personnes, dont 17 ministres de plein exercice, 17 ministres délégués et cinq secrétaires d’État (voir notre encadré en bas de page pour la liste complète). Leurs premiers pas officiels doivent avoir lieu dès ce lundi. Un petit déjeuner d'accueil doit se tenir à Matignon avant les passations de pouvoir entre 10 et 13 heures (certaines, à Bercy notamment, ont eu lieu dès dimanche). Puis ce sera un premier conseil des ministres à 15 heures à l'Élysée autour du président de la République.
Le spectre de la censure
Les équilibres ou déséquilibres politiques au sein de ce gouvernement "Barnier I" ont naturellement été très commentés depuis samedi soir, avec des choix ayant fait la part belle à la formation présidentielle Renaissance et ayant donné une bonne place, malgré son faible score aux législatives, au parti Les Républicains dont est issu Michel Barnier. Trois postes reviennent à des centristes et le parti Horizons d'Edouard Philippe obtient deux portefeuilles. Le Nouveau Front populaire ayant refusé de participer à ce gouvernement, Michel Barnier n'a pu rallier qu'un responsable issu de la gauche, l'ancien député socialiste Didier Migaud – ancien président de la Cour des comptes puis président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) –, nommé ministre de la Justice. Lequel avait toutefois quitté le PS et la vie politique partisane en 2010.
Cet attelage a d'emblée été jugé trop droitier, y compris par une partie de la macronie. Ce n'est "ni une cohabitation ni un remaniement mais une coalition entre macronistes et républicains", résume le politologue Bruno Cautrès. Un gouvernement "macroniste-LR que laisse survivre le Rassemblement national avec une orientation sans doute plus à droite que précédemment", complète le constitutionnaliste Benjamin Morel. Ce gouvernement privé de majorité absolue "n'a aucun intérêt à légiférer à foison. Il doit être le moins irritant possible", complète-t-il. D'autant que les ministres, sans réel poids politique, vont d'une part "devoir gérer, à l'Assemblée, des députés présidentiables" et d'autre part risquer de devenir les subordonnés des commissions parlementaires sur leurs propres dossiers, relève ce spécialiste. "On a aussi des profils assez juniors sur des postes clés avec des administrations surpuissantes", abonde une ministre sortante.
Pour le programme, il faudra attendre la déclaration de politique générale prévue le 1er octobre, le nouveau locataire de Matignon ayant pour l'heure seulement énoncé de vagues priorités. Parmi elles, l'amélioration du "niveau de vie" et des services publics, la "maîtrise" de l'immigration, la réduction de la "dette écologique" et la "maîtrise des finances publiques". L'élaboration du projet de loi de finances pour 2025, qui a pris un retard inédit, figure nécessairement en tête de l'agenda. D'aucuns prédisent déjà un recours au 49.3.
Une motion de censure sera déposée par la gauche juste après la déclaration de politique générale, a confirmé le patron du PS, Olivier Faure. Celui-ci a toutefois relevé qu'elle ne serait sans doute pas votée par le Rassemblement national et était donc "vraisemblablement vouée à l'échec". Le parti frontiste attend de son côté d'en savoir plus sur le projet de budget pour se prononcer. "Nous nous réservons évidemment la possibilité de censurer" à ce moment-là, a déclaré son vice-président, Sébastien Chenu.
Un gouvernement très parlementaire
Au-delà des colorations politiques, un élément notable : le poids des parlementaires au sein de la nouvelle équipe. Pas moins de 23 parlementaires sur les 39 postes. Dont 14 députés et, du jamais vu, neuf sénateurs. Une poignée d'élus locaux aussi, avec trois maires, un président de département et un conseiller régional. Et pas mal d'anciens élus locaux.
La composition de ce gouvernement amène en outre des changements de périmètres et d'intitulés notables. Y compris du point de vue des collectivités. Avec, en premier lieu, le retour d'un ministère de plein exercice consacré aux "territoires", alors que ce champ était dernièrement rattaché à l'environnement sous la houlette de Christophe Béchu. L'appellation choisie augure-t-elle d'un programme ? Se veut-elle d'emblée un signal envoyé aux élus locaux et à leurs associations ? Elle est en tout cas inédite : on a désormais un ministère du "Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation", confié à Catherine Vautrin, jusqu'ici aux manettes du vaste ministère alliant santé, solidarité et travail.
Catherine Vautrin est une figure connue du monde local. Présidente de la métropole du Grand Reims, elle préside la commission Aménagement urbain et Logement de l'association France urbaine. Elle avait auparavant été députée, membre du gouvernement Raffarin en tant que secrétaire d’État puis ministre déléguée à la Cohésion sociale. Elle a présidé l’Association des villes universitaires de France et présidait depuis 2022 l'Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru). Avant d'entrer au gouvernement de Gabriel Attal en janvier dernier, elle s'était vu confier, avec Boris Ravignon, une mission pour "objectiver les coûts de l’enchevêtrement des compétences et des responsabilités entre les administrations publiques et le coût complet des normes applicables aux collectivités" (c'est donc finalement seul que Boris Ravignon a remis son rapport en mai dernier).
Trois ministres délégués sont rattachés à Catherine Vautrin, dont deux personnalités fortement ancrées dans les arcanes du monde des collectivités. À commencer par Françoise Gatel, chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat (ces deux derniers items étaient traditionnellement liés à Bercy), figure bien connue du monde local. Sénatrice UDI d'Ille-et-Vilaine, longtemps maire et présidente de communauté de communes très présente lors des congrès d'élus locaux, présidente de l'association nationale des Petites Cités de caractère, auteur de nombreuses propositions de loi relatives aux collectivités et aux élus… et infatigable présidente de la délégation aux collectivités du Sénat.
Également placé auprès de Catherine Vautrin : les transports. Transports et collectivités ainsi rapprochés, cela pourrait plaire. D'autant que ce ministère délégué est confié à un élu local, en l'occurrence à François Durovray, le président du département de l'Essonne. "Ses compétences et sa connaissance du transport public, et plus largement de la mobilité, constituent indéniablement un atout pour notre secteur", a d'ailleurs déjà réagi le Gart, l'association des autorités organisatrices de la mobilité, dont François Durovray a d'ailleurs fait partie des administrateurs.
Enfin, c'est encore un élu local, Fabrice Loher, maire de Lorient, qui sera chargé de la mer et de la pêche (là encore, ce rattachement au portefeuille des Territoires est assez nouveau).
Une nomination bien accueillie au Logement
Si les transports n'ont pas de ministre de plein exercice, tel est en revanche le cas du logement. Ici aussi, un nom que l'on connaît bien : Valérie Létard, nommée ministre du Logement et de la Rénovation urbaine. L'introduction explicite de la rénovation urbaine aux côtés du logement pourrait passer pour un clin d'œil à Jean-Louis Borloo, dont Valérie Létard est très proche localement et politiquement (elle a été son adjointe en charge de la politique de la ville lorsque celui-ci était maire de Valenciennes et lui a succédé à la présidence de la métropole) et dont elle a d'ailleurs été secrétaire d'État. S'agissant du logement, la nouvellement élue députée UDI du Nord et ancienne vice-présidente du Sénat sera attendue au tournant par les acteurs de ce secteur en crise. Après les tensions suscitées par son prédécesseur Guillaume Kasbarian et le fameux projet de loi "logements abordables" stoppé net par la dissolution, la nomination de Valérie Létard est semble-t-il bien accueillie, au moment même où doit s'ouvrir ce mardi à Montpellier le Congrès HLM. "Valérie Létard connaît bien le secteur du logement, notamment social, localement dans l'agglomération de Valenciennes et nationalement au travers des nombreux travaux auxquels elle a participé au Sénat", a par exemple réagi la Fédération des offices publics de l'habitat (FOPH). Emmanuelle Cosse, la présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH), salue elle aussi "une experte reconnue des sujets du logement et de la rénovation urbaine mais aussi une élue de terrain qui sait l’importance du logement social", tout en prévoyant que "sa tâche s'annonce difficile".
Le controversé Guillaume Kasbarian reste pour sa part au gouvernement en tant cette fois que ministre en charge de la fonction publique. Ou, plus précisément, "de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l'action publique". Un champ sur lequel on ne l'attendait pas vraiment, sachant que cet ancien cadre du privé situé à l'aile droite de Renaissance, libéral assumé, s'est en tant que député surtout intéressé aux questions d'habitat (la fameuse loi "anti-squat") et d'industrie. Les représentants des agents publics pourront certes se satisfaire de disposer d'un ministre de plein exercice. Mais s'interrogeront notamment sur le devenir du projet de loi pour "l’efficacité" de la fonction publique préparé par son prédécesseur Stanislas Guerini, avec les discussions que l'on sait sur la rémunération au mérite ou l'assouplissement des catégories hiérarchiques. Également en suspens, les négociations sur les rémunérations. Dans son premier message ministériel sur X (ex-Twitter), Guillaume Kasbarian a choisi de mettre en avant sa volonté de "simplifier à tous les étages et ramener les services publics sur le terrain".
Education en terre inconnue
Autre nomination qui a pu surprendre : celle de Anne Genetet à l'Éducation nationale. Elle aussi macroniste, médecin de formation, elle était jusqu'ici, en tant que députée des Français de l'étranger, plutôt connue pour ses travaux sur la défense et la diplomatie. "Je veux travailler sur la dévalorisation du métier et la solitude des enseignants, ainsi que sur le besoin de formation continue", a-t-elle déclaré à l'AFP. Elle aura à gérer l'application de la réforme de la formation initiale des enseignants et les suites du "choc des savoirs", ou encore l'expérimentation de l'uniforme et la place des écrans à l'école. "Elle travaille beaucoup (…), mais je ne lui savais pas un intérêt particulier pour les questions d'éducation", glisse un député. Les syndicats enseignants ont visiblement peu goûté la "surprise".
Anne Genetet sera secondée, encore une nouveauté, par un ministère délégué "chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel", confié à Alexandre Portier. On attendra la définition officielle de "réussite scolaire" (lutte contre le décrochage ? REP ?). Normalien, un temps conseiller de Laurent Wauquiez à la région, élu local dans le Rhône (commune et interco), Alexandre Portier est député LR depuis 2022. En tant que membre de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l’Assemblée, il fait partie du Conseil national des programmes et s'est pas mal engagé sur les questions d'éducation. Par exemple avec une proposition de loi "portant plan d’urgence pour le recrutement et la formation initiale des enseignants du second degré" et un rapport sur "l'instruction des enfants en situation de handicap". Mais aussi avec des prises de position très pro écoles privées.
Le troisième ministre devant être en partie tourné vers la jeune génération est quant à lui bien connu du monde local. Un président d'association d'élus locaux fait en effet son entrée au gouvernement : Gil Avérous, maire LR de Châteauroux et président de Villes de France, devient ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative. On relèvera que c'est la deuxième fois que la présidence cette association représentant les élus de villes moyennes constitue un tremplin pour accéder au gouvernement (après l'entrée, certes de court terme, de Caroline Cayeux au gouvernement Borne en 2022). "Élu local, Gil Avérous, c'est à la fois un convaincu et surtout un grand connaisseur de la place du sport dans les villes", a jugé auprès de l'AFP Jean-Philippe Acensi, président de l'Agence pour l'éducation par le sport (Apels). Celui qui succède à Amélie Oudéa-Castéra a joué un rôle dans l'organisation des Jeux olympiques en parvenant à convaincre le Comité d'organisation de Paris-2024 de délocaliser les épreuves de tir à Châteauroux. "L'organisation des Jeux a changé ma vision des choses. (...) Là, je découvre le sport dans un volet compétition que je ne connaissais pas", déclarait-il juste avant les Jeux. "Par son activité de maire, à la fois avec [le club de foot] de Châteauroux, les activités locales et puis avec les JO, il est conscient de l'importance du sport dans la société", dit Jean-François Debat, maire PS de Bourg-en-Bresse et président délégué de Villes de France au sujet de celui qui va à présent devoir faire fructifier l'héritage des Jeux olympiques.
Autre ancienne élue locale que l'on a connu à la présidence d'une association d'élus locaux : Annie Genevard, ancienne présidente de l'Association nationale des élus de la montagne (Anem), nommée ministre de l'Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt. La vice-présidente LR de l'Assemblée nationale, réélue haut la main en juillet, avait un temps été pressentie pour l'Education nationale. "En tant que maire, conseillère régionale, députée du Doubs, présidente des élus de la montagne, je travaille depuis 20 ans avec les agriculteurs. Je connais la diversité de leurs métiers comme leur respect de la terre et des bêtes. Je connais aussi leurs difficultés et leurs attentes", a-t-elle déclaré en marge de sa nomination.
Trois ministres de plein exercice pour les ministères sociaux
Encore un changement de périmètre : les "ministères sociaux" retrouvent leur division traditionnelle. D'un côté le travail et l'emploi, de l'autre les "affaires sociales". Et la santé n'est plus reléguée au rang de ministère délégué. Au travail et à l'emploi, c'est la députée macroniste Astrid Panosyan-Bouvet qui va entrer en fonctions. Ancienne adhérente PS, cofondatrice d'En Marche en 2016, celle qui va succéder à Catherine Vautrin s'est récemment opposée à la réforme de l'assurance chômage portée par Gabriel Attal. Elle "a beaucoup travaillé les questions de travail et nous a régulièrement consultés, c'est donc quelqu'un de connu qui sait travailler avec les partenaires sociaux", a estimé la CFDT après sa nomination. En tant que députée, elle était membre de la commission des Affaires sociales et coprésidente du groupe d'études sur l'économie sociale et solidaire et la responsabilité sociétale des entreprises.
Côté affaires sociales, le ministère "des Solidarités, de l'Autonomie et de l'Egalité entre les femmes et les hommes" est confié à Paul Christophe, député Horizons. D'abord maire de la ville de Zuydcoote dans la périphérie de Dunkerque (Nord), il a été conseiller départemental, avant de rejoindre l'Assemblée en 2017. "Il s'est vraiment spécialisé dans les questions de famille, petite enfance, handicap", souligne le sénateur Franck Dhersin. Paul Christophe est à l'origine de plusieurs propositions de lois dont l'une sur l'accompagnement de parents d'enfants malades et handicapés. Il a également été rapporteur du texte sur l'autisme.
Il aura pour l'épauler la secrétaire d'État Agnès Canayer (LR), chargée de la famille et de la petite enfance. Ainsi qu'une secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes en la personne de Salima Saa, ex-présidente de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Même si la notion d'"autonomie" recouvre à la fois les personnes âgées et les personnes handicapées, plusieurs acteurs du secteur du handicap se sont inquiétés de ne pas voir explicitement apparaître ce terme dans l'intitulé du nouveau ministère. Paul Christophe a souhaité les rassurer en publiant sur X : "J'ai toujours eu à coeur de défendre les droits fondamentaux des personnes handicapées et une société plus inclusive (…). Je m'y engage comme désormais ministre."
Pour la santé enfin, c'est la centriste Geneviève Darrieussecq qui est promue ministre de la Santé et de l'Accès aux soins. Elle avait jusqu'ici été secrétaire d'État aux Anciens Combattants puis ministre déléguée en charge du handicap. Médecin allergologue originaire de Mont-de-Marsan, ville dont elle a été maire, Geneviève Darrieussecq devra poursuivre plusieurs chantiers parfois jugés inextricables autour de la crise persistante des urgences, de la désertification médicale, de la fuite des personnels hospitaliers... en naviguant entre préservation du réseau de proximité et rationalisation de l'offre de soins.
Recentrage pour l'écologie, dispersion pour Bercy
Après l'ère Béchu à la tête d'un ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, retour à un périmètre plus classique pour l'environnement, désormais baptisé ministère de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques. Écologie et énergie se retrouvent donc de nouveau réunies et confiées à Agnès Pannier-Runacher. Sous Élisabeth Borne, l'énergie disposait d'un ministère à part entière confié, précisément, à Agnès Pannier-Runacher. Dans le gouvernement Attal, l'énergie avait été rapprochée de l'industrie (Roland Lescure, à Bercy) tandis qu'Agnès Pannier-Runacher était ministre déléguée à l'agriculture, sans attributions propres. "Sortir des énergies fossiles, adapter notre pays aux effets du dérèglement climatique, stopper l'effondrement de la biodiversité et inverser la tendance : ce sont les défis du siècle. Très honorée de la confiance du président de la République et du Premier ministre", a-t-elle réagi sur X. "L'écologie que je veux porter ne sera pas seulement ambitieuse. Elle sera aussi populaire pour permettre à tous de vivre mieux", a-t-elle ajouté. Elle sera secondée par une ministre déléguée chargée de l'énergie, en la personne de Olga Givernet, députée Renaissance de l'Ain, entre autres auteur d'un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur "le développement des réacteurs nucléaires innovants en France".
Last but not least… Bercy. Avec le projet de loi de finances qui va devoir être bouclé en des temps records et les appels à un serrage de vis budgétaire, l'identité des successeurs du tandem Le Maire-Cazenave était attendue. Sauf que, du moins sur le papier, tout ne se passera plus à Bercy : le budget et les comptes publics se retrouvent désormais directement rattachés à Matignon, avec un ministère délégué confié à Laurent Saint-Martin. Député macroniste (ex-PS) de 2017 à 2022, il s'est spécialisé sur les questions de fiscalité et d'évaluation des politiques publiques au sein de la commission des finances et a été élu rapporteur général du budget en 2020. "Je proposerai dans les prochains jours au Parlement des choix forts avec trois priorités : financer les priorités du gouvernement, consolider ce qui marche dans notre pays et réduire les dépenses publiques, tout en veillant à améliorer leur efficience", a-t-il déclaré dès dimanche lors de la passation de pouvoir avec Thomas Cazenave.
Le ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie revient quant à lui au député Renaissance de Haute-Savoie (depuis 2022) Antoine Armand. Cet énarque de 33 ans a commencé sa carrière à Bercy en tant qu'inspecteur des finances. En tant que député, il s'est notamment spécialisé sur les questions énergétiques (il a été rapporteur de la commission d'enquête parlementaire sur la souveraineté énergétique) et a été élu l'été dernier président de la commission des affaires économiques. Dans une interview au JDD, Antoine Armand déclare qu'il se battra à Bercy "pour que nos politiques d'investissement d'avenir, de soutien aux usines qui se créent, soient poursuivies et amplifiées". Il a en outre ouvert la porte à des hausses d'impôts ciblées. "Je ne serai pas le ministre de la confiscation fiscale ni celui du sous-investissement dans notre avenir économique et écologique", a-t-il toutefois ajouté.
Il sera épaulé par trois ministres délégués : Marc Ferracci, chargé de l'industrie, Marie-Agnès Poussier-Winsback, chargée de l'économie sociale et solidaire, de l'intéressement et de la participation, et Marina Ferrari, qui quitte le numérique pour se voir chargée de l'économie du tourisme. S'ajoute une secrétaire d'État, Laurence Garnier, chargée de la consommation.
Le numérique ? Encore une brique qui s'éloigne de Bercy pour être cette fois rattachée au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Ce ministère qui sera occupé par Patrick Hetzel (député LR du Bas-Rhin, enseignant-chercheur, ancien directeur d’académie puis directeur général de l’enseignement supérieur) sera en effet rejoint par une secrétaire d'État "chargée de l’Intelligence artificielle et du numérique". L'apparition de l'IA dans l'intitulé même de ce secrétariat d'État retient évidemment l'attention. C'est Clara Chappaz, entrepreneure et directrice de la Mission French Tech durant ces trois dernières années, qui en aura la charge.
Une feuille de route pour la sécurité du quotidien
On notera encore la nomination du maire LR de Valence, Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, chargé de la sécurité du quotidien. Un intitulé qui renvoie à la police du même nom que l'ancien ministre de l'Intérieur Gérard Collomb avait tenté d'instituer en 2018, avec des résultats mitigés, comme l'avait montré la Cour des comptes (voir notre article du 27 avril 2023). En proie à une insécurité chronique sur fond de trafics de drogue et de règlements de compte, Valence fait partie des trois villes, avec Besançon et Maubeuge, où sont expérimentées depuis quelques mois les "Forces d'action républicaine", sous le pilotage du préfet Gilles Clavreul (voir notre article du 6 novembre 2023). Le dispositif est issu des mesures prises après les émeutes de l'été 2023. Déjà élu en 2014 sur un programme de sécurité, Nicolas Daragon a depuis régulièrement dénoncé le manque de moyens de l'État et réclamé plus de fermeté face à des phénomènes comme les rodéos urbains. Valence fait en outre partie des quelques municipalités qui ont adopté des sanctions financières contre les familles de mineurs délinquants. "Face à la délinquance, aux incivilités et aux agressions en tout genre, le rôle et les missions de notre 'police du quotidien' sont plus que jamais essentiels. Proposer à un maire, d’habitude tenu à l’écart de ces sujets, d’agir en première ligne est une grande responsabilité", a réagi l'élu sur les réseaux sociaux. "Travaillant depuis longtemps sur ces sujets, j’ai d’ores et déjà rédigé une feuille de route que je soumettrai rapidement à Bruno Retailleau", a-t-il précisé.
Michel BARNIER, Premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique Didier MIGAUD, garde des Sceaux, ministre de la Justice Catherine VAUTRIN, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation Bruno RETAILLEAU, ministre de l'Intérieur Anne GENETET, ministre de l'Éducation nationale Jean-Noël BARROT, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Rachida DATI, ministre de la Culture Sébastien LECORNU, ministre des Armées et des Anciens combattants Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition écologique, de l'Energie, du Climat et de la Prévention des risques Antoine ARMAND, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie Geneviève DARRIEUSSECQ, ministre de la Santé et de l'Accès aux soins Paul CHRISTOPHE, ministre des Solidarités, de l'Autonomie et de l'Egalité entre les femmes et les hommes Valérie LÉTARD, ministre du Logement et de la Rénovation urbaine Annie GENEVARD, ministre de l'Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt Astrid PANOSYAN-BOUVET, ministre du Travail et de l'Emploi Gil AVÉROUS, ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Patrick HETZEL, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Guillaume KASBARIAN, ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l'action publique |