Mercosur : Ursula von der Leyen fait fi de la position française
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé, vendredi depuis Montevideo, être parvenue à finaliser l'accord de libre-échange avec les pays du Mercosur, en dépit des mises en garde de la France.
"Inacceptable en l'état." Cette phrase répétée à l'envi par les autorités françaises ces dernières semaines (jeudi encore par Emmanuel Macron) n'aura eu aucun effet sur la détermination d'Ursula von der Leyen qui a fièrement annoncé, vendredi 6 décembre, avoir finalisé les négociations avec les pays du Mercosur en vue du vaste accord de libre-échange en discussion depuis 25 ans. Un "accord gagnant-gagnant, qui apportera des avantages significatifs aux consommateurs et aux entreprises des deux régions" et qui met l’accent "sur l’équité et le bénéfice mutuel", s'est-elle félicitée depuis Montevideo, en Uruguay. Il s'agit selon elle du "plus important accord jamais conclu en matière de protection des produits alimentaires et des boissons de l'UE", avec la reconnaissance de 350 indications géographiques protégées, et la garantie du respect des normes européennes "en matière de santé, de sécurité et de qualité alimentaires"…
Le Parlement européen, amené à se prononcer à la majorité simple, considérait, jeudi, que cet accord constituait une "lueur d'espoir" dans un monde de turbulences. "Je crois que les conséquences globales d'une absence d’accord dépasseraient probablement de loin les lacunes d'un accord imparfait. Nous ne devons pas considérer cet accord de manière isolée, mais comme un symbole de la place que nous souhaitons occuper à l’avenir dans le monde", a même déclaré le président allemand de la commission du commerce international Bernd Lange (S&D).
Viande contre voitures
"Un obstacle important à l'accord a été surmonté. Cela créera un marché libre pour plus de 700 millions de personnes avec plus de croissance et de compétitivité", a d'ailleurs aussitôt commenté le chancelier allemand Olaf Scholz, sur X, vendredi. Mais de l'autre côté du Rhin, la pilule est amère, notamment pour les agriculteurs qui ont le sentiment d'avoir servi de monnaie d'échange dans cette tractation qui semblait taillée sur mesure pour l'industrie allemande. "Cette validation est non seulement une provocation pour les agriculteurs européens qui appliquent les standards de production les plus élevés au monde, mais aussi un déni de démocratie alors que la quasi-unanimité de nos parlementaires français se sont exprimés contre cet accord", a martelé, dans un communiqué, l'alliance Jeunes agriculteurs-FNSEA qui, fin novembre, avait annoncé un nouveau round de manifestations les 9 et 10 décembre (en ligne de mire : le Mercosur mais aussi les normes). La Confédération paysanne, elle, parle de "véritable scandale" et de "coup de poignard". "Nous avons démontré que ces accords de libre-échange tirent les prix vers le bas et organisent la course au moins disant social et environnemental."
"Ce n'est clairement pas la fin de l'histoire"
Pour le collectif Stop Ceta-Mercosur, qui évoque un "jour tragique pour le monde agricole, l'alimentation, les emplois et la planète" cet accord "viande contre voitures" est le "plus nocif jamais négocié ces dernières années". Cet accord "signe l'échec patent de la stratégie d'Emmanuel Macron qui n'a rien entrepris à Bruxelles depuis 4 ans pour empêcher ces négociations d'être conclues", estime le collectif.
Le débat va se porter à présent sur ce que la présidente de la Commission a réellement obtenu de ses partenaires, puisque le contenu définitif de l'accord n'est pas encore connu. La France réclamait notamment l'inscription de "clauses miroirs". Pour contourner le veto français, la Commission devrait scinder l'accord, sa partie commerciale pourrait s'appliquer après le consentement du Parlement européen et une majorité qualifiée au sein du Conseil (15 des 27 Etats membres de l'UE représentant 65% de la population). D'où la nécessité pour Paris de constituer une "minorité de blocage" autour de la Pologne, de l'Autriche, des Pays-Bas et de l'Italie encore indécise. Si l'Elysée n'avait pas réagi vendredi soir, la ministre déléguée au Commerce extérieur démissionnaire Sophie Primas a considéré que l'accord ne marquait "clairement pas la fin de l'histoire". "Ce qu'il se passe à Montevideo n'est pas une signature de l'accord mais simplement la conclusion politique de la négociation. Celle-ci n'engage que la Commission, pas les Etats membres", a-t-elle assuré dans une déclaration transmise à l'AFP.