"Mégabassines" : la justice réduit d'un quart les prélèvements d'eau dans le Marais poitevin

Dans une décision rendue ce 9 juillet, la justice administrative a réduit provisoirement d'un quart les prélèvements d'eau pour l'irrigation agricole dans le Marais poitevin. Saisi par l'association Nature Environnement 17, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'autorisation unique pluriannuelle de prélèvement (AUPP), délivrée en novembre 2021 et qui courait jusqu'en 2026, comme il l'avait déjà fait il y cinq ans, pour les mêmes raisons, avec la précédente AUPP. Le tribunal a constaté que les niveaux de prélèvement étaient "similaires à ceux mentionnés dans la première autorisation" annulée en 2019, qu'il jugeait déjà "excessifs", "la création de réserves de substitution (dites aussi 'mégabassines')" entraînant "une augmentation nette des prélèvements annuels". C'est également le cas avec la nouvelle autorisation délivrée en 2021, "les prélèvements hivernaux projetés dans le cadre de la création de nouvelles réserves de substitution n'étant pas compensés par une baisse des prélèvements estivaux", ajoute-t-il dans un communiqué.

Les partisans de ces réserves, destinées à stocker de l'eau puisée dans les nappes en hiver pour irriguer les cultures en été, y voient une assurance-récolte indispensable face aux sécheresses à répétition. Les détracteurs des "mégabassines" dénoncent, eux, un "accaparement" de l'eau par l'agro-industrie. 

Suivant les préconisations du rapporteur public à l'audience le 18 juin, le tribunal a toutefois "délivré à l'EPMP (établissement public du Marais poitevin) une autorisation de prélèvement provisoire", pour "permettre la poursuite de l'irrigation dans des proportions raisonnables". Le volume total annuel de cette autorisation provisoire est de 67,6 millions de m3, contre 87 millions de m3 dans l'AUPP de novembre 2021 délivrée par les préfectures de Vendée, Deux-Sèvres, Charente-Maritime et Vienne à l'EPMP, chargé de répartir l'eau entre les irrigants de ce territoire en déficit structurel.

"Le préfet de région Nouvelle-Aquitaine, préfet coordonnateur des actions de l'État pour le Marais poitevin, prend acte" de cette annulation, a indiqué à l'AFP la préfecture, précisant qu'il allait "saisir le ministère en charge de la Transition Ecologique pour faire appel de cette décision et demander un sursis à exécution".

La Coop de l'eau, collectif d'agriculteurs qui porte le projet de retenues dans les Deux-Sèvres, a dénoncé une décision "incohérente" qui "fragilise le principe même de gestion collective de l'eau". "Elle anéantit tout le travail de dialogue et de concertation mis en place depuis des années sur le territoire pour permettre une répartition raisonnée, équilibrée et durable de la ressource, la prise en compte du changement climatique et la mise en oeuvre de protocoles de gestion permettant d'anticiper les situations de crise", ajoute-t-il dans un communiqué.

À l'audience, le 18 juin, un représentant de la préfecture de Vendée avait souligné qu'une telle décision pèserait fortement sur la saison agricole actuelle, dont les assolements ont été faits en fonction de l'autorisation en vigueur. Au-delà, ce jugement, en bridant la capacité globale de prélèvement d'eau, pourrait compromettre le remplissage des réserves de substitution, actuelles ou futures. Voire obérer l'avenir de ce que l'administration, et d'autres juridictions administratives, considèrent comme un outil pour parvenir à l'équilibre de la ressource dans le Marais poitevin et ailleurs.