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A Meaux, une police municipale "hors norme"

Avec 180 agents pour un budget en personnel de 8,1 millions d'euros, la police municipale de Meaux (Seine-et-Marne) affiche des dépenses "hors normes", juge la cour régionale des comptes d'Ile-de-France, dans un audit. La juridiction financière estime cependant que ces dépenses sont utilisées à bon escient, avec une culture de l'évaluation "très présente" qui se traduit notamment dans une structure originale : le "contrat opérationnel de prévention et de sécurité" (Cops).

Si la police municipale de Nice est souvent présentée comme "la première police municipale de France", celle de Meaux (Seine-et-Marne) n’a pas grand-chose à lui envier si l’on en juge par l’audit plutôt élogieux que la cour régionale des comptes (CRC) d'Ile-de-France vient de publier (audit qui s’inscrit dans un contrôle plus large des comptes de la commune). La municipalité ne lésine pas sur les moyens : elle lui consacre un budget de 8,1 millions d’euros en personnel, soit 13% de sa masse salariale. Des dépenses "hors normes", souligne la juridiction financière. Cet effort est "sans commune mesure" avec ceux que la Cour des comptes avait elle-même pu observer en 2020 dans un rapport sur les polices municipales : les dépenses se situaient entre 2,9% de la masse salariale pour Lille et 5,3% pour Clamart (Meaux ne figurait pas dans cet échantillon). 

La police de Meaux comporte 180 agents, soit un ratio de 3,27 policiers municipaux pour 1.000 habitants, là encore très au-dessus de la moyenne. Seule Cannes parvient à s’en approcher avec un ratio de 2,58 policiers municipaux pour 1.000 habitants. Même Nice, et sa police pléthorique de 428 agents, est loin derrière (1,14 policiers pour 1.000 habitants).

La CRC passe par le menu les moyens matériels mis à disposition des agents : la commune consacre entre 200.000 et 250.000 euros par an à l’équipement de ces derniers (immobilier, tenues, armement, véhicules…). Depuis 2003, la municipalité a cherché à développer la vidéoprotection, sans qu’il n’y ait eu de délibération en ce sens au conseil municipal. Une absence "d’autant plus singulière que la commune établit un lien entre ce déploiement et les opérations de rénovation urbaine". La ville dispose aujourd’hui de 302 caméras dont 259 sont "exploitées", soit un ratio d’une caméra pour 183 habitants, une densité cependant moindre que d’autres villes citées par la Cour des comptes, comme Berre-L’étang (1 pour 99 habitants), Cannes (1 pour 118) ou Nice (1 pour 153). Un effectif de 32 agents est affecté au centre de supervision urbain (CSU) équipé de 41 caméras, là encore un effectif "très largement supérieur" à ceux mentionnés par la Cour dans son rapport.

Un contrat pluriannuel "très complet et opérationnel"

La CRC – c’est son rôle - a cherché à connaître le rapport coût-efficacité de ces dépenses. Elle salue à cet égard une "culture de l’évaluation très présente". Les effectifs de police s’inscrivent dans une politique volontariste au nom évocateur : le Cops (contrat opérationnel de prévention et de sécurité), qui associe l’ensemble des acteurs de la sécurité sur le territoire de la commune, y compris la police nationale. Ce contrat pluriannuel est "très complet et opérationnel", gratifie la cour. Chaque Cops repose sur un "diagnostic réactif et interventionniste de la délinquance sur le périmètre de la commune". Ce qui permet de connaître l’évolution de la délinquance et de s'y adapter. Le Cops 4, signé le 9 mai 2022 par les partenaires, comporte 4 axes et 30 actions, et s’attache aux "manifestations d’insécurité les plus récentes".

La "mue sécuritaire" engagée par le maire Jean-François Copé, dès son élection en 1995, semble porter ses fruits, estime la Cour, puisque le taux de criminalité est passé de 100,8 pour 1.000 habitants en 1995 à 50,66 pour 1.000 en 2017. Un résultat qui n’est pas uniquement dû à l’action de la police municipale, mais à un travail en commun avec la police nationale.

Le nombre d’interpellations en flagrance par les policiers municipaux, suivies d’une mise à disposition des policiers nationaux, est "très élevé". En 2016, il s’élevait à 1.063 interpellations à Meaux, "alors que pour les autres communes de la région Île-de-France figurant dans l’échantillon de l’enquête de la Cour il évoluait entre 0 pour Argenteuil et 187 pour Clamart". Et seulement 2 communes de la région Paca dépassaient le niveau observé à Meaux "avec 1.400 interpellations à Marseille (862.000 habitants) et 2.714 à Nice (342.000 habitants)". Le nombre élevé d’interpellations par les policiers de Meaux est "un indice significatif de la pénétration des polices municipales dans le champ de la lutte contre la délinquance", considère la CRC, même si ce nombre a eu tendance à diminuer fortement depuis 2016, pour s’établir à 764 en 2020. 

"Commentaires très positifs"

La coopération entre les deux polices se manifeste aussi dans les actions de maintien de l’ordre, "en termes de diffusion d’informations mais aussi de gestion du flux de circulation". A noter que si le maire – qui avait reçu la visite du ministre de l’Intérieur en janvier 2021 – s’était porté candidat pour expérimenter de nouvelles compétences de police judiciaire comme le prévoyait la loi Sécurité globale, ces mesures ont par la suite été retoquées par le Conseil constitutionnel. Et aujourd’hui, Gérald Darmanin considère qu’elles ne sont plus à l’ordre du jour pour des raisons constitutionnelles (voir notre article du 11 septembre 2022).

Dans sa réponse datée du 22 juillet 2022, Jean-François Copé se félicite de "commentaires très positifs" des magistrats. Il prend bonne note de la remarque invitant la municipalité à produire des statistiques spécifiques sur les violences sexuelles et sexistes, la ville ayant connu un cas de "féminicide" fin 2021. Les observations de la chambre sur la nécessité d’élaborer une doctrine d’emploi de la police municipale "ont bien été prises en compte", assure-t-il.