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Commission Juncker - Maros Sefcovic amorce une approche légèrement moins libérale des transports

Localtis entame aujourd'hui une série sur les auditions des futurs commissaires européens dont les portefeuilles intéressent au plus près les collectivités. Premier de la série : Maros Sefcovic en passe d'occuper les transports au sein de la Commission Juncker. Lors de son audition, le Slovaque a déployé ses talents d'ex-diplomate pour éluder les questions sensibles, face à des eurodéputés avides de débattre des questions sociales.

Son prédécesseur jurait ses grands dieux qu'on lui faisait un mauvais procès en lui accolant l'étiquette de libéral échevelé. "Ces accusations sont complètement infondées", s'est même défendu l'Estonien Siim Kallas à Berlin fin septembre. S'il ne remet pas en cause l'héritage de son collègue, Maros Sefcovic a entonné un refrain aux accents plus sociaux lors de son audition devant les parlementaires européens, le 30 septembre.
Ce social-démocrate, qui brigue le portefeuille des transports, semble tendre la main aux syndicats, promettant même un code social européen pour les travailleurs du secteur routier, qui s'apparenterait à un "ensemble de règles simples".

"On aurait pu faire mieux ces dernières années"

Chaque fois que la Commission européenne intervient en matière de transports, elle doit se demander "comment cela va affecter l'emploi". C'est un principe très important, a-t-il tenu à souligner, avant d'admettre du bout des lèvres les manquements de la Commission Barroso, dont il est lui-même issu. "On aurait pu faire mieux ces dernières années."
Le sort des personnels confrontés à la mise en concurrence des entreprises de transport en Europe n'a jamais été au cœur des préoccupations de l'exécutif européen. Quasiment absente du nouveau train de mesures destinées à libéraliser les liaisons ferroviaires nationales de voyageurs (quatrième paquet), la dimension sociale était occultée par Siim Kallas.
Contre l'avis des parlementaires européens, l'Estonien a d'ailleurs cherché à faire sauter l'encadrement du cabotage, qui limite la capacité d'action des entreprises de transport hors de leurs frontières nationales. Une façon de contenir les distorsions de concurrence entre l'est et l'ouest de l'Europe, où les salaires et les volumes horaires des conducteurs dépareillent. Un chauffeur polonais ne peut ainsi réaliser que trois livraisons entre les deux villes d'un même Etat, dans un délai de sept jours, avant de regagner son pays. En l'absence de contrôles adéquats, les fraudes prolifèrent dans un registre proche de celui des travailleurs détachés.

Arguments prudents et classiques

Assailli de questions sur cette pratique du cabotage, le Slovaque, diplomate de carrière, s'est retranché derrière des arguments prudents, déjà entendus dans la bouche de Siim Kallas. Le cabotage est une "question difficile, mais il n'y a pas de méchants. Je suis prêt à clarifier les règles, qui doivent être appliquées par le biais des autorités nationales".
En France, le Parlement a cherché à contrecarrer les abus en introduisant des sanctions pénales sévères : les transporteurs européens opérant dans le pays peuvent se voir infliger 30.000 euros d'amende et un an d'emprisonnement si leurs conducteurs prennent leur temps de repos hebdomadaire dans leur cabine et non à l'hôtel. Portée par le député Gilles Savary, l'idée secoue les fédérations professionnelles du secteur et interroge l'exécutif européen. "Nous demanderons des clarifications de la part de la France", a lancé Maros Sefcovic. La Belgique, qui a elle aussi renforcé son arsenal de sanctions en avril, est également concernée…

Libéralisation ferroviaire

La poursuite des négociations sur la libéralisation ferroviaire promet par ailleurs des débats enflammés sur la coexistence du régime très avantageux des cheminots de la SNCF avec celui d'autres entreprises, françaises ou non. A moins que l'avenir du quatrième paquet ne soit vraiment compromis… La présidence italienne patauge et la Commission européenne est elle-même circonspecte. Si les ministres des Transports et le Parlement européen ont des positions proches concernant les aspects techniques (certification des trains, règles de sécurité communes, etc.), les enjeux les plus cruciaux (gestion du réseau séparée de l'opérateur historique, modalités de mise en concurrence, etc.) s'enkystent.
"Il serait dommage que l'aspect technique avance, mais pas le volet politique et que nous l'abandonnions. J'aimerais que le quatrième paquet soit le dernier. Je ne veux pas vous en présenter un cinquième", a réagi Maros Sefcovic, esquissant un sourire désabusé. 

A Bruxelles, Marie Herbet, Contexte pour Localtis


Quid du Lyon-Turin ?
Les eurodéputés écologistes de la commission Transport (tels que l'Allemand Michael Cramer qui la préside, ou la Française Karima Delli, coordinatrice) s'émeuvent de voir l'UE couvrir 40% des coûts du Lyon-Turin, qu'ils qualifient de "grand projet inutile".
Hors de question de toucher à "la liste des projets" qui "a été approuvée" par le Parlement européen et les Etats, a rétorqué Maros Sefcovic. En d'autres termes, le Lyon-Turin, aussi controversé soit-il, reste un projet prioritaire.
M.H.