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Commande publique - Marchés publics : le principe du donnant-donnant, pour une concurrence internationale en toute égalité

La ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, a récemment réaffirmé la position française visant à promouvoir une concurrence internationale équitable. Elle souhaite que soit adopté "au plus vite" le règlement européen destiné à favoriser un accès réciproque des partenaires commerciaux aux marchés publics.

La ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, a confirmé la position française prônant l'adoption du règlement européen sur la réciprocité dans l'accès aux marchés publics. Elle considère qu'en cette période de crise, cette démarche "s'inscrit pleinement dans la bataille pour l'emploi". Il s'agit "d'un levier de croissance pour les entreprises européennes", indique-t-elle dans un communiqué de presse en date du 11 septembre 2012.
Le 16 septembre 2010, le Conseil européen avait annoncé la mise en place d'une nouvelle stratégie commerciale fondée sur la réciprocité avec les principaux partenaires de l'Union européenne (UE). En pratique, l'accès des entreprises de l'UE aux marchés publics internationaux est souvent soumis à des conditions restrictives, voire à des mesures protectionnistes. Cette situation fait naître des inégalités avec les partenaires commerciaux étrangers qui accèdent plus facilement aux marchés publics des Etats membres de l'UE. Cette disparité a par exemple été illustrée en 2006 lorsque la société Alstom a été évincée d'un marché public national pour la modernisation du réseau Transilien au profit de l'opérateur canadien Bombardier, alors même que l'entreprise française ne pouvait pas candidater aux marchés similaires canadiens. Au niveau de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), l'accord plurilatéral sur les marchés publics (AMP) est le seul acte contraignant qui régit les relations commerciales publiques. Or, le Canada avait exclu du champ d'application de cet accord le transport urbain, ce qui favorisait et empêchait les entreprises de l'UE d'accéder aux marchés publics de ce secteur d'activité.
Actuellement, les marchés publics européens ouverts à des partenaires commerciaux originaires de pays tiers représentent 352 milliards d'euros alors que "la valeur des marchés publics ouverts aux soumissionnaires étrangers n'est que de 178 milliards d'euros aux Etats-Unis et de 27 milliards d'euros au Japon". L'accès aux marchés publics chinois reste majoritairement fermé aux candidats étrangers.
Prenant acte de cette concurrence déloyale entre les entreprises de l'UE et celles hors UE, le Parlement européen et le Conseil ont proposé un règlement "concernant l'accès des produits et services des pays tiers au marché intérieur des marchés publics de l'Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l'accès des produits et services originaires de l'Union aux marchés publics des pays tiers". Cette proposition du 21 mars 2012 cherche à limiter ces inégalités et à "favoriser l'ouverture des marchés publics à l'échelon mondial" dans un souci de compétitivité croissante des partenaires commerciaux de l'UE. Pour Michel Barnier, commissaire européen chargé du Marché intérieur et des Services, "l'Union européenne doit cesser d'être naïve, et se fixer pour objectifs l'équité et la réciprocité des échanges mondiaux".

L'incitation à la réciprocité et le rôle de l'acheteur public français

Afin de contraindre les Etats à ouvrir davantage les marchés publics internationaux aux entreprises de l'UE, la Commission européenne encourage à la "réciprocité négative", basée sur le principe du donnant-donnant : l'UE autoriserait le dépôt de candidatures aux marchés publics nationaux des entreprises originaires des pays qui acceptent également d'ouvrir leurs propres marchés à l'UE.
Le règlement européen prévoit ainsi de renforcer et de contrôler les modalités d'accès des entreprises tierces aux marchés publics ouverts par les Etats membres. Les offres déposées dans le cadre des marchés de plus de 5 millions d'euros pourront être exclues de la procédure d'attribution du marché dès lors que 50% de la valeur totale des produits et services provient de l'extérieur de l'Union et n'est pas régi par des accords internationaux existants (article 6 du projet de règlement). Concrètement, une autorité ou une entité adjudicatrice française pourra demander à la Commission européenne d'exclure un partenaire commercial d'une procédure de passation d'un marché public parce qu'il est originaire d'un pays qui discrimine les entreprises européennes. De même, une restriction à l'accès aux marchés pourra être envisagée si un pays ne rectifie pas les inégalités d'accès constatées et dénoncées par la Commission européenne. Ces sanctions n'interviendront qu'à la suite de discussions tendant à ce que l'Etat infléchisse les conditions d'accès à ses propres marchés.
Ce texte complète le projet de révision des directives sur les marchés publics qui réglemente les offres anormalement basses et impose le respect des principales normes de droit du travail de l'OIT aux partenaires commerciaux de l'UE.
Il concerne naturellement, au moins en théorie, l'ensemble des acheteurs publics, dont les collectivités. Le précédent gouvernement l'avait d'ailleurs rappelé en mars dernier à l'issue d'une communication en Conseil des ministres : "Au niveau local, dans chaque pays de l'Union européenne, ce projet de règlement permettra aux adjudicateurs publics, y compris les collectivités locales, d'exclure de leurs appels d'offres, avec l'accord de la Commission, les fournisseurs de pays tiers en situation de non réciprocité."
Afin de convaincre ses homologues européens d'adopter le règlement sur la réciprocité dans l'accès aux marchés publics, Nicole Bricq a obtenu le soutien de l'Italie. Elle était à Berlin le 20 septembre, où elle a rencontré son homologue allemande, Ann-Ruth Herkes, et projette des déplacements à Londres et Madrid. Certains pays comme le Royaume-Uni, la Suède et les Pays-Bas montrent encore une forte réticence quant à cette "formule" de libre-échange. Ils craignent que de nouvelles discriminations apparaissent entre les Etats membres car une entreprise exclue d'un appel d'offres d'un des pays de l'UE pourra néanmoins postuler aux marchés publics des autres pays européens.
 

Références : Communiqué de presse du Ministère du commerce extérieur , 11 septembre 2012 ; Projet de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'accès des produits et services des pays tiers au marché intérieur des marchés publics de l'Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l'accès des produits et services originaires de l'Union aux marchés publics des pays tiers, 21 mars 2012 ; Accord plurilatéral sur les marchés publics de l'OMC, 1994 renégocié en 2011