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Gouvernement - Manuel Valls : les élections locales, ce sera en deux temps

Relance de l'investissement public, compétitivité des entreprises... En marge de ces priorités économiques, la déclaration de politique générale a mis l'accent sur le rôle de l'Etat et sur l'impératif d'égalité sociale et territoriale. Le Premier ministre a aussi confirmé les "solutions" trouvées pour les départements dans le cadre de la réforme territoriale et a annoncé un découplage entre élections départementales (mars) et régionales (fin 2015).

"L'investissement, c'est la clef de la reprise". Tel est sans doute le message sur lequel le Premier ministre a le plus insisté ce 16 septembre lors de sa déclaration de politique générale prononcée devant l'Assemblée nationale sur un ton offensif.
Après avoir mis l'accent sur l'"action puissante" que la France entend obtenir de l'Europe en matière d'investissement, Manuel Valls a évoqué les leviers que peuvent représenter pour l'investissement public des chantiers tels que la future loi de transition énergétique, le numérique (avec l'ouverture prochaine, a-t-il rappelé, d'une "grande concertation"), la rénovation urbaine (un domaine où "les investissements seront au rendez-vous") ou encore les transports, parlant de la réalisation "de grandes infrastructures de transports, avec les collectivités locales". Il en a profité pour rappeler que "les contrats de plan Etat-région seront signés d'ici la fin de l'année" et s'est engagé dans la foulée à "préserver la capacité d'investissement des collectivités". Il n'en a toutefois pas dit davantage sur ce point. Ce qui confirme que l'exécutif n'a pas l'intention de lâcher du lest sur la baisse prévue des dotations de l'Etat aux collectivités, bien que les élus locaux aient largement prévenu depuis plusieurs mois que cette baisse aurait inévitablement un impact sur l'investissement.
Manuel Valls a d'ailleurs rappelé, plus globalement, que même si le gouvernement prévoit d'"adapter le rythme de réduction des déficits publics à la nouvelle situation" (à savoir "une croissance faible" et donc des "recettes publiques moins élevées que prévu"), en revanche, l'objectif de réduction des dépenses publiques reste inchangé : 50 milliards d'euros en trois ans, dont 21 milliards en 2015.
L'absence d'annonce concernant les concours financiers de l'Etat aux collectivités n'est certes pas une surprise : à l'issue de leur réunion en fin de semaine dernière avec trois ministres, les représentants des associations d'élus avaient déjà compris que le gouvernement resterait inflexible sur cette baisse des dotations, que ce soit en termes de montant ou de rythme (voir notre article du 11 septembre). En tout cas, tout se passe comme si le chef du gouvernement entendait privilégier la logique du cofinancement par les contrats de plan, qui permet un fléchage sur un certain nombre de projets jugés prioritaires, plutôt qu'un maintien du niveau actuel des dotations dont les collectivités disposent librement.
Première à réagir, l'Association des régions de France (ARF) s'est félicitée de "l'engagement du Premier ministre sur la relance de l'investissement public", en soulignant "l'importance de maintenir la commande publique, notamment sur les lycées, les universités et l'appareil productif français". L'ARF juge d'ailleurs elle aussi nécessaire de faire des contrats de plan Etat-région "le premier vecteur de la modernisation de notre pays et de ses infrastructures"… mais redemande en outre que les régions soient "dotées de ressources dynamiques et en lien avec leurs compétences", un point qui n'a, donc, pas été évoqué par Manuel Valls.

Un nouveau calendrier électoral

L'autre point de satisfaction de l'ARF se situe sur un tout autre terrain. Celui des élections. L'information avait commencé à circuler dès lundi et a en effet été confirmée par le Premier ministre : les élections régionales et départementales n'auront pas lieu au même moment. La "concomitance" de ces élections "n'est plus une obligation", a-t-il dit.
On se souvient qu'avec l'annonce de la réforme territoriale, le gouvernement avait initialement prévu que ces deux scrutins seraient organisés le même jour, en décembre 2015. Fin août, on apprenait qu'ils seraient peut-être avancés à mai ou juin, le gouvernement cherchant à sortir d'un double casse-tête constitutionnel (voir notre article du 1er septembre).
La voie qui a finalement été choisie est la suivante : les élections départementales seront "maintenues en mars 2015", tandis que les élections régionales auront lieu "fin 2015". "Le Premier ministre a entendu les arguments des régions unanimes : ce calendrier est le seul réaliste pour réussir la réforme territoriale (…), laisse du temps à la démocratie et à la construction d'une nouvelle aventure territoriale dans les nouvelles régions", écrit l'ARF.
Ces "nouvelles régions" ont été évoquées par Manuel Valls, qui s'est félicité que l'Assemblée nationale ait "déjà voté le passage de 22 à 13 régions" alors même qu'"hier encore, cela semblait infaisable". Le Premier ministre a en outre rappelé qu'avec la réforme territoriale engagée, "les intercommunalités seront renforcées" et a répété à peu près mot pour mot ce qu'il avait déclaré le 12 septembre en donnant le coup d'envoi des Assises des ruralités (voir notre article du 15 septembre) : concernant l'avenir des départements, "pragmatisme" oblige, "trois solutions" sont envisagées selon les territoires. A savoir : fusion du département et de la métropole sur le modèle lyonnais ; transfert des compétences du département à une "fédération d'intercommunalités" sur les territoires dotés d'EPCI assez forts ; maintien, notamment sur certains territoires ruraux, du conseil départemental, avec des compétences clarifiées et simplifiées.
Prenant acte de ce "nouveau triptyque", Claudy Lebreton, le président de l'Assemblée des départements de France, estime que "la réflexion sur ces pistes concernant l'avenir du conseil départemental après 2020 ne peut être précipitée"… et souhaite par conséquent un report de la discussion parlementaire sur le projet de loi "Nouvelle organisation territoriale de la République". Selon Claudy Lebreton, ce report se justifie aussi par la tenue des élections départementales en mars 2015, dans la mesure où il ne serait "pas opportun que les compétences des collectivités soient en discussion au Parlement" au moment même où "des candidats se présenteront devant les Français".

L'Etat comme vecteur d'égalité

S'il a été relativement peu question des collectivités dans cette déclaration de politique générale - la deuxième en cinq mois pour Manuel Valls, un exercice inédit… -, il a été beaucoup question d'Etat. "Pas moins d'Etat mais mieux d'Etat", a-t-il lancé, ayant auparavant rappelé qu'un "exercice de revue des missions de l'Etat, qui associera les collectivités", était à l'ordre du jour.
Ce rôle de l'Etat a surtout été évoqué en matière d'économie et d'emploi. "Je crois à la main visible de l'Etat", a-t-il affirmé, citant le cas d'Alstom, précisant qu'il présidera dans quelques semaines le nouveau Comité de suivi des aides publiques et rappelant ce qui a déjà été engagé en matière de soutien à la compétitivité des entreprises : le Cice, le pacte de responsabilité… "Aider nos entreprises, ce n'est pas un choix idéologique, c'est un choix stratégique", a de même énoncé le Premier ministre.
L'Etat, encore, comme vecteur d'égalité. Ce terme d'égalité a été maintes fois répété. "Nous devons reprendre le combat de l'égalité. Et pour cela, rien n'est possible sans l'Etat, sans nos services publics, sans nos fonctionnaires", a-t-on pu entendre.
Il aura ainsi été question d'égalité des territoires, Manuel Valls citant "les périphéries, les villes moyennes, les petites villes, les espaces ruraux"… mais aussi "ces quartiers devenus de véritables ghettos urbains malgré les efforts des maires".
Faisant par ailleurs rimer égalité et citoyenneté, le chef du gouvernement a dit songer à "ceux qui n'y croient plus" et sont tentés par "le repli". Et a évoqué aussi bien l'enjeu de la laïcité que le grand dossier de l'école (création de postes, éducation prioritaire, rythmes scolaires, décrocheurs…) ou l'accès aux soins, à la justice ou et au logement. "Le grand dessein de la République, c'est l'égalité des possibles."
Manuel Valls a obtenu la confiance d'une majorité des députés. 269 ont voté pour (il y a cinq mois, il avait obtenu 306 voix), 244 ont voté contre.

Claire Mallet

Elections départementales : les règles de prudence en matière de communication sont applicables depuis… ce 1er septembre
Les candidats aux prochaines élections départementales sont donc enfin fixés : le scrutin aura lieu en mars 2015 au lieu de décembre 2015, date envisagée initialement par le gouvernement.
Conséquence : le compte à rebours a déjà commencé pour les prétendants aux mandats départementaux. Ceux-ci doivent en particulier veiller au respect des obligations du code électoral concernant la communication en période pré-électorale. Est notamment interdite "l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle". Est aussi bannie l'organisation sur le territoire départemental d'une "campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion" du département. Ces dispositions sont applicables… dès le 1er septembre 2014.
Compte tenu de l'incertitude du calendrier électoral, l'Assemblée des départements de France (ADF) indiquait avant le discours de Manuel Valls, que, depuis cette date, "l'ensemble des actions de communication ne possédant pas d'antériorité ou valorisant le bilan du mandat se terminant, ou encore mettant en avant une personnalité politique susceptible de se représenter pourra être imputé aux comptes de campagne des futurs candidats aujourd'hui membres de l'exécutif du conseil général. L'association invitait "l'ensemble des conseils généraux" à "rester prudents quant à l'ensemble des éléments de communication qu'ils souhaiteraient développer". Elle l'a fait savoir à ses adhérents dans une communication en date du 15 septembre. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) avait appelé auparavant l'ADF à la vigilance. T.B. / Projets publics