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Commande publique - Maîtrise d'oeuvre : doit-on payer plus quand le chantier est plus long que prévu ?

Dans un arrêt du 29 septembre 2010, le Conseil d’Etat a rappelé les conditions permettant au maître d’œuvre d’obtenir le paiement de missions ou de prestations supplémentaires.
La société Babel s’était vu confier la maîtrise d'œuvre de la réalisation du pôle culturel de la commune d'Orange. Les travaux se sont achevés avec un retard de quatorze mois et la société a notifié au maître d'ouvrage délégué de la commune un mémoire en réclamation afin d’obtenir le paiement de prestations supplémentaires dues à l'allongement de la durée du chantier. Le maître d’ouvrage délégué et la commune d'Orange ont refusé de faire droit à cette demande. D'où l'ouverture par l'entreprise, d'un contentieux.
Dans son arrêt, le Conseil d’Etat rappelle que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'œuvre est rémunéré par un prix forfaitaire - c'est-à-dire déterminé à l’avance - "couvrant l'ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu'il en escompte". Une augmentation de la rémunération du maître d’œuvre n’est donc justifiée que lorsque la prolongation de sa mission est due à une modification du programme ou à des prestations expressément décidées par le maître d'ouvrage et contractualisées par avenant.

Il existe toutefois deux exceptions à cette règle. En effet, lorsque les missions ou les prestations supplémentaires n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage, le maître d’œuvre a droit à être rémunéré si elles "ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art" ou si le maître d'œuvre "a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat".
En l’occurrence, l’allongement de la durée de la mission du maître d’œuvre n’était pas dû à des prestations indispensables à la réalisation de l'ouvrage "selon les règles de l'art" ou à des sujétions imprévues. Le Conseil d’Etat va néanmoins accorder une indemnisation à la société Babel pour une partie des prestations exécutées. Le contrat initial a en effet fait l’objet de trois avenants. Or, "le projet d'avenant n° 3, prévoyant une rémunération forfaitaire supplémentaire du maître d'œuvre de 25 306,54 euros hors taxes au titre d'une recherche d'économies sur le projet, a été signé par la société Babel mais pas par le maître d'ouvrage et n'a, en conséquence, pas donné lieu à paiement". Un avenant doit normalement être signé par les deux parties au contrat pour être valide. Mais puisque l'étude visée par l’avenant a bien été réalisée par la société et "qu'il s'agissait de prestations utiles décidées par le maître d'ouvrage", les juges de la Haute Juridiction administrative ont considéré que la société Babel était en droit d’obtenir le paiement de la somme correspondant "aux études complémentaires relatives aux économies sur le projet que le maître d'ouvrage lui avait demandées" assortie des intérêts légaux. La commune a donc été condamnée à régler la facture en question.

L’Apasp

 

Références : Conseil d'État, 29 septembre 2010, Société Babel, n° 319481 ; Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre ; Décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé.
 

La rémunération du maître d’œuvre

L'article 9 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre précise que "La mission de maîtrise d'œuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l'étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux". L'article 30 du décret du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé dispose en outre que "le contrat de maîtrise d'œuvre précise, d'une part, les modalités selon lesquelles est arrêté le coût prévisionnel assorti d'un seuil de tolérance, sur lesquels s'engage le maître d'œuvre, et, d'autre part, les conséquences, pour celui-ci, des engagements souscrits. (...) En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, le contrat de maîtrise d'œuvre fait l'objet d'un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d'œuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel".