Maisons de services au public : un manque d'évaluation et de formation ?
1.350 maisons de services au public ont été déployées depuis leur lancement en 2015. Si les opérateurs de services impliqués en sont globalement satisfaits, ils ont fait part de leurs pistes d'amélioration lors d'une table ronde organisée le 16 janvier 2019 par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale. Ils pointent un manque de formation, d'évaluation et de remontée d'informations sur les usagers qui s'y rendent, et réclament une meilleure visibilité sur les questions financières.
Depuis 2015, les maisons de services au public (MSAP) se sont déployées dans toute la France. Actuellement, on en compte quelque 1.350 à travers le territoire. Lors d'un déplacement à Sarliac-sur-l'Isle (Dordogne) en juillet 2018, Emmanuel Macron avait appelé à "profondément accélérer" le déploiement de ces "guichets uniques". Thème qui aujourd'hui se trouve au coeur du grand débat national. Mais ces maisons sont-elles bien calibrées pour recevoir les demandes des publics et y a-t-il des points d'amélioration ? Ce sont les questions qui ont été posées aux différents réseaux de services au public, lors d'une table ronde organisée le 16 janvier 2019 par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale. Espaces mutualisés de services au public, ces maisons délivrent une offre de proximité à l'attention des habitants : en un lieu unique, qu'ils soient particuliers ou professionnels, ils peuvent accéder à des premières informations et orientations délivrées par des animateurs-médiateurs. Elles sont constituées autour d'une structure porteuse (collectivité, association ou La Poste) qui réunit plusieurs opérateurs (minimum deux dans le champ social et de l'emploi).
Des offres plus accessibles grâce aux maisons de services au public
Globalement, les opérateurs de services impliqués sont satisfaits de ces structures qui "rendent plus accessibles nos offres sur le territoire", comme l'a souligné Cécile Chaudier, directrice appui à la relation de service et aux métiers à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), et "évitent de faire déplacer les gens sur un accueil CAF plus lointain". Les MSAP correspondent aussi à "une réelle réponse aux questions de maintien des services sur les territoires", d'après Smara Lungu, déléguée aux affaires territoriales et parlementaires de La Poste. Des attraits positifs qui poussent les organismes de services à réclamer un déploiement encore plus large de ces maisons sur les territoires, notamment les moins bien desservis, comme les petites villes, les villes moyennes et les quartiers de la politique de la ville. La majorité des représentants participant à la table ronde a aussi plaidé pour un caractère itinérant que pourraient prendre ces structures, une manière d'aller au-devant des publics.
Toutefois, les organismes en soulignent aussi les limites. Première critique : le manque de formation du personnel, qui doit pourtant répondre à des demandes variées, les services couverts étant très hétérogènes. Certains posent même la question de la "taille critique" des MSAP. "Un conseiller peut-il accompagner les usagers pour une dizaine d'organismes de services au public ? N'y a-t-il pas une limite pour garantir une qualité de service ?", a ainsi questionné Cécile Chaudier. De son côté, Antonin Blanckaert, directeur national retraite de la Cnav a parlé d'un "point d'équilibre" à trouver, entre la polyvalence des agents et la complexité inhérente à leur service. "Il y a encore beaucoup à faire", a-t-il assuré. La Poste est très investie dans le domaine de la formation mais aussi de l'accompagnement des usagers, avec "la volonté de monter en gamme", comme l'a indiqué Smara Lungu.
"Il faut savoir quels profils d'usagers viennent"
Autre critique : le manque d'évaluation de la qualité du service rendu par ces structures mais aussi le manque de remontées d'informations sur les usagers qui s'y rendent et sur les besoins couverts. "Nous restons aveugles sur le nombre d'usagers venus en ce qui nous concerne", a indiqué Antonin Blanckaert, tandis que Cécile Chaudier estime que "pour pouvoir accompagner nos usagers, il faut savoir quels profils d'usagers viennent dans les MSAP et leur volumétrie".
La question de l'efficience de ces structures est au cœur des préoccupations. "Il faut compter 10 euros pour l'accueil dans un point CAF (caisse d'allocations familiales) et 40 euros pour une MSAP, donc les réseaux doivent faire preuve de leur efficience", a encore souligné Cécile Chaudier, estimant qu'il fallait être vigilant, avant de développer encore le réseau.
Enfin, la question du modèle économique et du financement des MSAP a été débattue. Un point "à clarifier" d'après Antonin Blanckaert. La loi de finances pour 2019 prévoit un budget de 15 millions d'euros pour les MSAP qui viennent s'ajouter au financement des principaux opérateurs (SFR, Free, Bouygues Télécom, Orange).
Auditionnée par la commission des Affaires économiques de l'Assemblée le 16 janvier, la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault a aussi considéré que les MSAP étaient "absolument fondamentales" en milieu rural mais qu'il était nécessaire de "hiérarchiser ce qu'on entend par service public". Elle attend les résultats du grand débat pour savoir ce que souhaitent les Français. Selon elle, il n'est pas question de revenir à "une vision du XXe siècle". Et de s'étonner qu'on fasse "autant de barouf pour la fermeture d'une école que pour une perception". Pour ce qui est des trésoreries justement, elle propose que soit mis en place un service provisoire "au moment des déclarations d'impôts", afin d'aider les contribuables à faire leurs démarches en ligne. "Il y a des gens qui, en France, sont loin du numérique, on estime à 20% la part de la population qui n'a pas l'habitude d'utiliser le numérique", a-t-elle fait remarquer, appelant à installer un "vrai service public" d'accompagnement.