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Culture - Maison de l'Histoire de France en réseau : quelle place pour les musées de collectivités ?

A l'occasion de sa visite de la grotte de Lascaux, aux Eyzies (Dordogne), Nicolas Sarkozy a annoncé que le siège de la Maison de l'Histoire de France - plus communément appelée le musée de l'Histoire de France, bien que cette dénomination soit aujourd'hui celle du musée de l'Histoire de France installé au château de Versailles - serait implanté sur le site des Archives nationales à Paris (hôtels de Soubise et de Rohan), libéré par le transfert des Archives sur leur nouveau site de Pierreffite. Le choix de Paris n'est pas vraiment une surprise au regard du sujet et se pressentait depuis longtemps (voir notre article ci-contre du 19 janvier 2009), même s'il ne fera que renforcer une situation qui voit déjà la capitale concentrer 75% de la fréquentation de l'ensemble des musées français.
Mais, dans son annonce, le chef de l'Etat est resté fidèle à son projet initial de musée en réseau, en indiquant que la Maison de l'Histoire de France "s'incarnera dans un réseau de musées, dans une continuité". Ce réseau doit déjà englober, dès sa création, neuf musées nationaux consacrés à divers aspects de l'histoire : le musée de la Préhistoire des Eyzies de Tayac, le musée d'archéologie de Saint-Germain-en-Laye, le musée du Moyen Age de Cluny, le musée de la Renaissance d'Ecouen, le château de Pau, le château de Fontainebleau, la Malmaison, le musée de Compiègne et le musée des plans reliefs aux Invalides.
Cette première liste ne peut toutefois être que provisoire, tant elle fait apparaître de paradoxes. Il reste en effet à régler, en premier lieu, la question de la place des autres musées nationaux ou assimilés, qui ont un rapport évident avec l'histoire : musée de l'Armée aux Invalides, musée de l'Histoire de France à Versailles... Mais il demeure aussi et surtout la question des musées de collectivités. Celle-ci se lit déjà dans la topographie, puisque la future Maison de l'Histoire de France se situera à moins de 300 mètres du musée Carnavalet, appartenant à la ville de Paris et entièrement consacré à l'histoire de la capitale... Dans son discours des Eyzies, le chef de l'Etat a d'ailleurs bien pris soin de préciser que les neuf musées qui seront "intégrés" à la Maison de l'Histoire lors de son lancement officiel dans les prochains jours, "constitueront le premier cercle d'un réseau appelé à tisser des liens avec les mille musées d'histoire éparpillés sur tout le territoire". Les trois rapports d'Hervé Lemoine, Jean-Pierre Rioux et Jean-François Hébert - qui ont précédé l'annonce du chef de l'Etat - se sont d'ailleurs penchés sur cette question. Le rapport d'Hervé Lemoine (avril 2008), par exemple, se montrait ainsi favorable à un "réseau des maisons d'histoire, qui associerait donc les collectivités locales", mais n'en disait pas plus sur le sujet. Dans la lettre de mission adressée le 22 septembre 2009 à Jean-François Hébert - l'actuel président du château de Fontainebleau, nommé responsable de la préfiguration de la Maison de l'Histoire de France -, Frédéric Mitterrand se contentait d'indiquer que "le deuxième rôle assigné à la Maison de l'Histoire [après celui de musée présentant la chronologie de l'histoire de France, NDLR] est de réunir autour d'objectifs communs le millier de musées, petits ou grands, qui traitent de questions historiques". Le ministre de la Culture ajoutait : "Il faut les rassembler au sein d'un réseau et créer pour eux un référent national, comme le Louvre, Orsay et le Centre Pompidou le sont chacun dans leur domaine."
La question centrale est en effet celle de la nature du réseau dont la Maison de l'Histoire serait le centre et le "référent". Si le rôle de cette dernière se limite à l'animation du réseau, au développement des échanges, aux partenariats dans le montage d'expositions et à la promotion collective des établissements membres, la mise en place du réseau ne devrait guère rencontrer d'opposition. En revanche, les choses pourraient être plus compliquées avec le comité scientifique qui devrait accompagner la mise en place de la Maison de l'Histoire. S'il est appelé à perdurer au-delà de la phase d'élaboration du projet muséal, la question se posera du rôle de ce comité au regard des activités et expositions programmées par les établissements membres du réseau. Sans oublier la place qui sera réservée à l'actuel réseau des villes et pays d'art et d'histoire, autrement dit les 146 collectivités labellisées à ce titre par le ministère de la Culture. Les précisions qui devraient être apportées sur ces différents points, dans les prochains jours, par Frédéric Mitterrand et par Jean-François Hébert seront donc les bienvenues pour les nombreuses collectivités gestionnaires d'un musée à vocation historique.

Jean-Noël Escudié / PCA