« Ma bouteille s’appelle reviens » : insertion et filière verte en Drôme Ardèche (26)
La société coopérative d’intérêt collectif Locaverre offre depuis 2019 un service de collecte et de lavage de bouteilles pour les producteurs de Drôme Ardèche. Pensée comme un outil de résilience territoriale, elle se donne des objectifs à la fois sociaux et environnementaux.
« L’idée est née en 2017 à l’initiative de producteurs de boissons, qui trouvaient dommage de vendre en circuits courts sans avoir de solution locale pour leurs contenants », se souvient Clémence Richeux, coordinatrice de ce projet immédiatement baptisé Ma bouteille s’appelle reviens. Une association se constitue alors, autour de plusieurs objectifs complémentaires : promouvoir l’agriculture locale et les circuits courts, créer des emplois locaux dont des contrats d’insertion, réduire les déchets et les dépenses énergétiques liées au recyclage du verre. Dans un premier temps, l’association Locaverre est accompagnée par la Fab-T, la fabrique d’entreprises de territoire de Valence Romans Agglo (54 communes, 227 000 habitants).
Deux ans sont nécessaires pour étudier la faisabilité technique, établir le modèle économique sur la base d’une étude de marché auprès des producteurs et commerçants, mobiliser les partenaires sur le territoire. « Au démarrage, les collectivités en charge des déchets craignaient que l’introduction d’une filière de réemploi brouille les messages pour l’usager et perturbe la filière de recyclage, poursuit la coordinatrice. Mais les deux filières sont complémentaires. » En 2020, la loi AGEC, antigaspillage pour une économie circulaire, impose 10 % d'emballages réemployés à l’horizon 2027 et assoit la légitimité du projet. Pour ce qui concerne la question économique, une activité de réemploi du verre nécessite de traiter beaucoup de volume pour être à l’équilibre. « Mais aujourd’hui, la tension sur la silice augmente le coût de la bouteille neuve, ce qui est favorable à la filière du réemploi. »
Collecte et lavage
Les premiers freins levés, l’unité de lavage ouvre en 2019 et reçoit l’agrément de l’État pour être entreprise d’insertion. Le service de collecte et de lavage des bouteilles s’adresse principalement aux producteurs de jus de fruits, de bière et de vin du territoire. Le consommateur rapporte la bouteille au magasin partenaire après rinçage. Elle est alors collectée par Locaverre, lavée puis revendue au producteur. Le chiffre d’affaires, de 150 000 € en 2022, est constitué des recettes de la vente des bouteilles et de prestations d’accompagnement et d’expertise. Le reste du budget d’exploitation est abondé par une vingtaine de financeurs, notamment des fonds européens (Leader) et une subvention territoire d’innovation grande ambition jusqu’en 2023. Le projet reçoit aussi le soutien de l’Ademe et de collectivités pour la gestion des déchets, et le financement des emplois d’insertion par l’État. Les points de collecte (magasins) ont un conventionnement sans échange financier.
Service d’intérêt économique général
Locaverre a son siège sur le territoire de Valence Romans Agglo. « Le conseil communautaire a pris une délibération pour déclarer le réemploi du verre couplé au dispositif d’insertion comme service d’intérêt économique général, explique Véronique Sayer, responsable du service prévention des déchets de l’Agglo. Cela s’inscrit dans notre politique de prévention des déchets, qui concerne aussi d’autres flux : textile, objets, vélo… » Dans ce cadre, l’Agglo a signé en 2022 une convention de 5 ans avec la Scic, comprenant une compensation financière liée au tonnage de verre réemployé (plafonnée à 7 000 euros par an) ainsi qu’un programme de sensibilisation à la gestion des déchets, avec un objectif de 10 animations par an réalisées par Locaverre.
L’association Locaverre est devenue une société coopérative d’intérêt collectif (Scic) en janvier 2022, avec 28 membres fondateurs et 5 collèges de sociétaires : salariés (permanents et en insertion), producteurs et magasins, partenaires, citoyens, veilleurs (ex-adhérents et ex-sociétaires). « Adopter le statut de Scic était prévu dès le démarrage, il y avait déjà des collèges dans l’association. Notre objectif est d’être un outil au service du territoire », souligne Clémence Richeux. Parmi les partenaires institutionnels figurent la mairie de Chabeuil, où est implantée l’unité de lavage, et le Sytrad, Syndicat de traitement des déchets Ardèche Drôme.
Mutualisation de l’outil industriel
Début 2023, l’outil industriel est en pleine montée en charge. 575 000 bouteilles ont été lavées et réemployées en 2022. « Pour que le prix de la bouteille réemployée soit compétitif avec celui de la bouteille neuve, il faut en laver 8 millions par an. Nous devons industrialiser encore, implémenter une autre ligne de lavage et automatiser la palettisation. » Ce projet ne pouvant être amorti sur le seul territoire, la Scic s’est associée avec deux autres structures du réemploi, Alpes Consigne (Isère, Savoie) et Rebooteille (Ain, Loire, Rhône), afin de mutualiser l’outil industriel. Les trois partenaires ont prévu une levée de fonds de 2 millions d’euros en 2023.L’enjeu de la Scic est de parvenir à consolider le modèle économique par l’industrialisation, tout en restant un projet de territoire au service de l’emploi durable. En 2022, elle emploie 7 personnes en insertion et 5 permanents. La projection à terme est d’environ 20 salariés. « Notre souhait est de qualifier les personnes pour qu’elles trouvent des débouchés dans l’agroalimentaire ou même la maintenance industrielle » confie la coordonnatrice. L’une des premières personnes ayant terminé son contrat d’insertion a immédiatement été embauchée… chez Locaverre.
Chiffres clés 2021
- 48 partenaires proposant des points de collecte
- 50 clients producteurs, générant 112 000 € de recette
- 9 emplois dont 4 en insertion, soit 132 000 € de salaire
- Subventions : 139 000 €
Valence Romans agglo
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