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Lutte contre les plantes invasives aquatiques : des députés appellent à un copilotage  Etat-collectivités territoriales

La mission flash de l'Assemblée nationale sur l'impact des plantes invasives aquatiques sur la biodiversité, qui a présenté les conclusions de ses travaux ce 22 février, défend une approche territorialisée pour lutter contre ces espèces et un copilotage entre l'Etat et les collectivités en la matière. 

Dans la continuité du rapport d'information "sur la prolifération des plantes invasives et les moyens pour endiguer cette situation" qu'ils avaient remis en juillet 2021,  les députés Nadia Essayan (MoDem, Cher) et Patrice Perrot (LREM, Nièvre) ont présenté ce 22 février devant la commission du développement durable les conclusions d'une mission flash portant sur l'impact des plantes invasives aquatiques sur la biodiversité. Ces espèces aquatiques envahissantes dont les principales sont actuellement la crassule de Helms, l'égérie dense, les différents types de jussie et d'élodée, le myriophylle du Brésil et celui à feuilles variées, empêchent le développement des espèces locales à la fois en réduisant les surfaces et les nutriments disponibles et les capacités de photosynthèse, rappellent les députés. Elles peuvent également être porteuses de parasites dommageables aux espèces locales et à la faune et modifier la biochimie des écosystèmes locaux, voire porter atteinte à la santé humaine.

La Bretagne, un cas d'école

Tous les territoires, en métropole et en outre-mer, sont confrontés à l'introduction ou à la prolifération de nouvelles espèces végétales mais les corapporteurs ont fait le choix de cibler leurs travaux sur la région Bretagne, jugée particulièrement représentative de la réalité des invasions biologiques, dans les milieux terrestres, les cours d'eau et le milieu marin, et aussi pour son expérience dans la gestion des algues vertes. "Comme dans les autres régions, les administrations déconcentrées de l’État ont un rôle important à jouer en matière de prévention de l’introduction d’espèces envahissantes, à la fois pour appliquer la réglementation concernant les espèces interdites mais aussi pour détecter la progression d’espèces qui s’avèrent invasives sans être réglementairement interdites", relèvent-ils. Des plans d’actions régionaux ou départementaux de lutte contre une espèce invasive sont aussi mis en place pour favoriser la coordination d’autres acteurs, au-delà de l’État, sur un territoire donné. "Ils permettent de mobiliser des outils techniques et financiers pour traiter les espaces publics, naturels ou urbanisés mais aussi pour inciter les propriétaires privés à agir, notent-ils. Un arrêté en ce sens a été pris par le préfet du Morbihan contre le Baccharis. Le plan d’action associe l’État, le département et un collectif d’associations mobilisées pour limiter la progression de cette plante invasive qui s’est adaptée au climat breton."

Implication des différents niveaux de collectivités

Pour les députés, cet exemple montre bien l’implication des collectivités territoriales dans la politique de prévention et de lutte contre les espèces invasives. "La région Bretagne a ainsi en charge l’élaboration des trames vertes et bleues (via le Sraddet) et la gestion des parcs régionaux et des réserves naturelles. Elle est donc sensible à la protection de la biodiversité, comme, dans un autre registre sensible, à la qualité de l’eau", soulignent-ils. 
Les départements, de leur côté, sont responsables des espaces naturels sensibles qui font l’objet de plans de gestion pouvant intégrer la prévention contre les espèces invasives. Le département d’Ille-et-Vilaine a ainsi indiqué lutter depuis 2013 contre la présence de la jussie dans les marais par des actions d’arrachage régulier, un entretien manuel et un suivi de l’évolution des espaces traités. "La gestion des routes départementales est également l’occasion pour les départements de constater les évolutions des espèces invasives dans les territoires", ajoutent les rapporteurs. Quant aux communes, EPCI et établissements publics ou syndicats mixtes gérant des bassins versants, ils peuvent également porter des actions de prévention et de lutte.
"L’action de l’Agence bretonne de la biodiversité, récemment créée, vient s’insérer dans ce paysage déjà complexe de la prévention et de la lutte contre les espèces invasives, constatent aussi les rapporteurs. Cette agence régionale a d’abord un rôle d’animation pour mettre en relation les acteurs, aider les associations et animer des opérations de formation mais elle coordonne aussi le réseau régional des gestionnaires d’espaces naturels qui regroupe de très nombreux acteurs, à la fois publics, associatifs et privés (Conservatoire botanique de Brest, conseils départementaux, autres gestionnaires d’espaces protégés, Office national des forêts, Conservatoire du littoral, parc marin de la mer d’Iroise).

Une gouvernance perfectible

Si la Bretagne, comme les autres régions, ne manque pas d’acteurs impliqués dans la lutte contre les espèces invasives, la communication fait souvent défaut sur les actions conduites par les uns et les autres. "Les collectivités ne sont pas nécessairement associées ou informées de l’action de l’État, la réciproque pouvant être également vraie ; les acteurs scientifiques ne sont pas nécessairement consultés sur la connaissance qu’ils ont du développement de certaines espèces invasives", pointent les députés, alors que le manque de moyens financiers et humains est également mis en avant pour expliquer les difficultés d’animation et de mise en réseau. Face au manque de gouvernance, la Dreal pourrait être amenée à jouer un rôle plus important d'impulsion et de pilotage, estiment les députés.
De manière générale, les corapporteurs plaident pour une gouvernance plus ambitieuse de la politique de lutte contre les plantes invasives. Selon eux, l’expertise et l’engagement des acteurs de terrain doivent être reconnus. Ils estiment donc que "des représentants du monde associatif et professionnel doivent être étroitement consultés dans la hiérarchisation des actions à mener, notamment à travers leur participation aux instances de gouvernance". Ils jugent aussi nécessaire d'adopter une approche territorialisée dans la déclinaison du plan d’action pour prévenir l’introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes qui a été ouvert à la consultation en janvier.

Volet curatif : le rôle des communes et des EPCI

Ils estiment aussi qu'il faut "réfléchir à un pilotage conjoint de l’État et des collectivités territoriales".  L’État, par l’intermédiaire des Dreal et des DDTM, doit jouer un rôle central dans la prévention et les services déconcentrés renforcer leurs actions de coordination et de supervision, soulignent-ils. "S’agissant du volet curatif, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) devraient être les entités en charge des actions d’arrachage et de réhabilitation d’espaces, eu égard à leur connaissance de l’écosystème local", ajoutent-ils. "Cependant, un copilotage entre l’État et les collectivités territoriales ne doit pas se faire au détriment de la lisibilité, préviennent-ils. C'est pourquoi il nous paraît utile de désigner un expert de haut niveau interdépartemental sur les invasions biologiques." Enfin, ils proposent la mise en place d'une instance de coordination nationale pour faire le bilan des actions menées. Ce rôle pourrait revenir à l'actuel Centre de ressources espèces exotiques envahissantes à condition de renforcer ses moyens humains et financiers, concluent les députés.