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Lutte antiterrorisme : le Sénat plaide pour pérenniser les mesures transitoires de la loi Silt

Dressant le double constat d'une mise en œuvre "équilibrée" de la loi anti-terrorisme de 2017 (Silt) et de l'efficacité de ses mesures, les sénateurs plaident pour pérenniser et renforcer les dispositions de ce texte inspiré de l'état d'urgence (dispositions qu'ils avaient pourtant eux-mêmes rendues provisoires). Les sénateurs devraient déposer une proposition de loi dans les prochains jours. Le ministère travaille également à la rédaction d'un projet de loi, sans préciser de calendrier.

Les essayer, c'est les adopter. Au terme de deux ans de travaux, la mission sénatoriale de contrôle et de suivi de la mise en œuvre de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (dite Silt) de 2017 préconise, dans son rapport rendu public mercredi 26 février, non seulement de pérenniser les mesures provisoires de ce texte, rendues caduques au 31 décembre 2020, mais encore de les renforcer.
C'est pourtant à l'initiative du Sénat que les mesures du texte s'inspirant directement de l'état d'urgence – périmètres de protection, fermeture des lieux de culte, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) ainsi que "visites" domiciliaires et saisies –, qu'il considérait comme "les plus sensibles au regard des libertés individuelles", avaient été revêtues d'un caractère expérimental faisant l'objet d'un contrôle resserré du Parlement.

Des mesures efficaces, une mise en œuvre équilibrée

Dans un premier rapport déposé en décembre 2018, le sénateur Marc-Philippe Daubresse avait dressé "un premier bilan contrasté de ces mesures". Ses interrogations portaient toutefois davantage sur l'utilité de certaines mesures – les "visites domiciliaires", "qui pourraient sans doute être remplacées par des solutions judiciaires plus étayées" ou "la non-appropriation par certains préfets de dispositifs utiles, notamment les périmètres de protection" – que sur leur utilisation abusive, le sénateur relevant dans une formulation paradoxale "à quelques exceptions près", "aucun excès ou détournement de procédure".
Après une nouvelle année de mise en œuvre, la mission fait désormais le double constat de l'efficacité desdites mesures et d'une mise en œuvre de la loi "équilibrée et conforme à l'esprit du législateur". Entre l'entrée en vigueur du texte le 1er novembre 2017 et le 31 décembre dernier, les sénateurs ont recensé l'instauration de 504 périmètres de protection (contre 214 à fin 2018), la fermeture de sept lieux de culte (5 à fin 2018), 205 personnes astreintes à une mesure individuelles de contrôle administratif et de surveillance (74 à fin 2018) et 149 visites domiciliaires (74 à fin 2018).

Pour un nouvel renforcement de l'arsenal antiterroriste

Alors que, lors de la présentation du premier rapport, le président de la mission, Philippe Bas, indiquait ne plus être "à la recherche de nouveaux instruments juridiques", s'interrogeant même sur le fait de savoir s'ils n'en avaient "pas créé trop", la mission préconise même – foi du jeune converti ? – d'apporter plusieurs ajustements et compléments "pour renforcer l'arsenal antiterroriste". Elle recommande ainsi un élargissement de la mesure de fermeture des lieux de culte. Et propose surtout la création d'une nouvelle surveillance judiciaire des personnes condamnées pour des crimes et délits en lien avec le terrorisme à leur sortie de prison, qui pourraient ainsi "être soumises à une interdiction de paraître dans certains lieux, une interdiction d’entrer en relation avec certaines personnes, ou encore être placés sous surveillance électronique mobile". Pour le rapporteur de la mission, Marc-Philippe Daubresse, si les mesures administratives sont "utiles", elles restent toutefois "insuffisantes pour faire face à l’enjeu que pose, en termes de sécurité publique, la libération de dizaines de terroristes à partir de cette année". Lors de son audition à l'Assemblée nationale le 12 février dernier, relevons que le ministre de l'Intérieur avait indiqué que 57% des Micas (assignation géographique ou obligation de pointage) concernaient des personnes sortant de prison, condamnées pour terrorisme ou s'étant radicalisées en détention.

Un rapport d'application tardif et à éclipse, un projet de loi sine die

À l'occasion de son audition, passablement agitée, par la commission des lois de l'Assemblée nationale le 12 février dernier, également dans le cadre du contrôle parlementaire de la loi Silt, le ministre de l'Intérieur a remis le rapport annuel d'application de la loi. Rappelant son "attachement au bon contrôle" de la loi, Christophe Castaner a déploré le retard pris dans son édition, "anormal et qui ne devra pas se renouveler". Un rapport qui, comme l'a révélé le député Éric Ciotti, comportait dans une première version adressée aux députés "des pistes de réflexion sur les évolutions législatives" – jugées par ailleurs par l'élu "pertinentes et intéressantes" – qui ont disparu de la seconde version, définitive, publiée par le ministère. En dépit des demandes, le ministre de l'Intérieur a refusé de les évoquer. "Je souhaitais justement vous entendre pour pouvoir ensuite proposer au Premier ministre un certain nombre de réflexions, d’actions ou d’axes supplémentaires. Il me semblait donc nécessaire et de bon aloi d’inverser le processus et de ne pas considérer que les choses étaient déjà écrites avant de me présenter devant vous", s'est-il justifié auprès des parlementaires. Il faudra donc attendre le dépôt du projet de loi pérennisant les mesures pour en savoir davantage. "Rien n’est arrêté au moment où je vous parle, je n’ai pas la maîtrise du calendrier parlementaire, mais nous sommes en train d’affiner cette question sous l’autorité du Premier ministre", a toutefois indiqué Christophe Castaner.

 

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