Fonds européens - L'utilité de la politique régionale ternie par les circuits administratifs compliqués
Depuis 2007, les fonds européens ont été suffisamment mobilisés dans les territoires pour donner une idée de leurs effets. Malgré la crise, la France a fait le choix de ne pas réorienter l'affectation des aides de Bruxelles. Dans un document d'une quinzaine de pages publié en décembre, la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire (Datar) dresse une synthèse des évaluations à mi-parcours réalisées dans chaque région.
Certains problèmes sont bien connus, comme l'usage conjoint du Fonds européen de développement économique régional (infrastructures, TIC, innovation…) et du Fonds social européen (emploi, formation, chantiers d'insertion…). Dans les zones urbaines notamment, Bruxelles encourage les projets qui combinent les deux dimensions. L'idéal serait aussi de pouvoir s'appuyer sur le FSE pour former des travailleurs dans des domaines encouragés par le Feder (énergies renouvelables, par exemple). Mais "certaines évaluations font le constat de l'impossibilité d'évaluer l'articulation entre les deux fonds". La coexistence de deux gestionnaires différents (Sgar pour le Feder et Direccte pour le FSE) complique sérieusement la donne.
Certaines actions sont par ailleurs mises en avant pour leur utilité concrète auprès des populations. C'est le cas de la réhabilitation thermique des bâtiments. "Une baisse des charges de 157 euros/an/foyer a pu être observée dès la première année" à la suite d'une "opération de rénovation de 180 logements sociaux à Carcassonne", relate le document.
Mais les fonds européens ne sont pas épargnés par les effets d'aubaine. "On note une surreprésentation des projets photovoltaïques par rapport aux autres types d'énergies renouvelables", rapportent les évaluations. Jusqu'à la mise en place du moratoire gouvernemental, la France a assisté à une ruée sur cette énergie, conséquence d'un prix de rachat de l'électricité par EDF très avantageux. Certaines évaluations recommandent ainsi de cesser les aides au photovoltaïque, sauf dans les régions "intégrant une démarche globale de maîtrise des consommations énergétiques".
Primat de l'industrie
Les choix d'investissements, guidés par la stratégie de Lisbonne qui mettait fortement l'accent sur la compétitivité, ont abouti dans certaines régions à un "primat de l'industrie". En Midi-Pyrénées, par exemple, "la moitié des interventions sectorielles estimées est ciblée sur l'industrie, alors que ce secteur ne représente que 20% de l'emploi régional". Le document note par ailleurs que les secteurs de l'agroalimentaire et de l'aéronautique ont constitué un rempart contre la crise, alors que les régions dotées d'industries plus traditionnelles (comme l'automobile) ont été davantage exposées, à l'image de la Picardie ou du Poitou-Charentes.
L'accent mis sur l'innovation a en outre découragé le recours au Feder au profit d'autres fonds. "Certaines évaluations constatent un détournement vers le Feader", dédié aux zones rurales, qui trouvent peut-être plus difficilement leur place dans la stratégie de Lisbonne.
Sur la mise en œuvre technique enfin, une marge de progression réelle existe. Les bénéficiaires de fonds européens regrettent par exemple que le "service instructeur" qui étudie les demandes de subventions (préfectures, régions, départements ou des structures diverses comme l'Ademe, par exemple) "se cantonnent à la gestion administrative des dossiers au détriment d'un accompagnement au montage". Le versement des subventions, qui prend parfois plusieurs années, reste un frein très important. A noter que la révision générale des politiques publiques, qui impose une cure de minceur aux administrations est parfois perçue comme un facteur de désorganisation. "Des services instructeurs ne savent plus qui est leur référent", note le document. Et l'information en direction des bénéficiaires potentiels reste trop faible. Les PME ou les petites associations gardent leur distance avec les fonds européens, qu'elles jugent trop complexes.