Culture - L'ouverture de la Philharmonie de Paris ne fait pas que des heureux

Le 14 janvier, la Philharmonie de Paris, installée dans le parc de la Villette, accueillera son concert inaugural, auquel devrait assister François Hollande. Cet équipement exceptionnel offre un auditorium de 2.400 places digne des plus grandes salles mondiales, six salles de répétition et dix studios. Il devrait accueillir 270 concerts en 2015, dont 70 hors musique classique.

Un équipement hors normes

Avec ses balcons "flottants" et son acoustique qui devrait se révéler hors du commun, la Philharmonie de Paris a connu toutes les vicissitudes habituelles des grands chantiers : doublement du budget initial (380 millions d'euros au lieu d'une estimation autour de 150 millions), menace de la ville de Paris de ne pas aller au-delà de la subvention prévue, multiples prouesses techniques (et coûteuses) sur un chantier hors normes, ouverture précipitée (le chantier n'est toujours pas complètement achevé et la commission de sécurité doit passer la veille de l'inauguration), tensions avec le cabinet d'architecture de Jean Nouvel (qui menace de ne pas assister à l'inauguration), polémique autour de l'interdiction faite à la salle Pleyel - également propriété de la Cité de la Musique - de donner désormais des concerts classiques pour ne pas faire d'ombre à la Philharmonie...

La querelle des modernes contre les anciens ?

Mais la mise en service de cet équipement fait également grincer des dents du côté des musiques actuelles. Dans un communiqué du 12 janvier ironiquement intitulé "Do you feel harmony", le Syndicat des musiques actuelles (SMA) et une quinzaine d'organisations du secteur (dont plusieurs réseaux ou pôles régionaux de musiques actuelles) font entendre une voix dissonante. Tout en soulignant qu'"il ne s'agit pas du combat des musiques actuelles contre les musiques classiques", les signataires relèvent néanmoins que "les projections budgétaires du ministère de la Culture pour 2015 inscrivent 9 millions d'euros de budget pour les lieux de musiques actuelles sur l'ensemble du territoire national... et 9,8 millions pour la seule Philharmonie [...]. La juxtaposition de ces deux chiffres laisse perplexe et explicite le fossé qui se creuse entre une vision des politiques culturelles élitistes et jacobines et la réalité des pratiques artistiques de nos concitoyens".

Répondre à "l'inextinguible désir de musique des populations"

Depuis sa reconnaissance officielle en 1998, le secteur des musiques actuelles (rock, chanson, jazz, rap, électro, musiques du monde, musiques traditionnelles...) "n'en finit plus d'appeler de ses voeux un rééquilibrage des soutiens publics afin de donner des moyens décents à toutes les initiatives qui répondent à l'inextinguible désir de musique des populations". Le secteur des musiques actuelles ne se porte toutefois pas si mal (voir notre article ci-contre du 9 octobre 2014). Malgré les précautions oratoires évoquées plus haut, les représentants des musiques actuelles voient dans cette affaire "ce que la force de 'La Culture', pensée comme objet pompeusement symbolique pour les uns, peut produire d'arrogances insupportables pour les autres"...
Une bonne nouvelle toutefois pour les signataires : Fimalac, la holding de Marc Ladreit de Lacharrière, vient d'être retenue pour la reprise de la salle Pleyel et a annoncé son intention de consacrer le lieu aux musiques actuelles et à la comédie.