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Données publiques - L'Open Data en construction

L'Open Data se porte bien, mais le mouvement présente aussi quelques défauts de jeunesse et semble encore à la recherche de ses marques. En effet il ne se réduit pas à une simple publication d'informations mais vise aussi à mettre à disposition des données de manière à les rendre accessibles, exploitables et réutilisables par tous. Depuis quelques semaines, les initiatives s'enchaînent : études, manifestations, concours, nouveaux portails, projets de mutualisation et de normalisation… jusqu'au Premier ministre qui l'introduit dans sa charte éthique. "Le gouvernement a un devoir de transparence. Il respecte scrupuleusement les dispositions garantissant l'accès des citoyens aux documents administratifs. Il mène une action déterminée pour la mise à disposition gratuite et commode sur internet d'un grand nombre de données publiques" : cet alinéa de la charte de déontologie signée par les ministres à la demande de Jean-Marc Ayrault apparaît très favorable à l'Open Data. Il confirme les positions de Jean-Marc Ayrault en tant que maire de Nantes et président de la communauté urbaine qui, depuis novembre 2011, enchaîne les initiatives en faveur de l'ouverture des données publiques : lancement d'un portail commun ville-agglomération, appel à projet publié fin avril 2012, doté de 50.000 euros, pour stimuler la création d'applications et de services locaux... et aujourd'hui, la semaine Européenne de l'Open Data, manifestation internationale et technique qui débutait ce 21 mai à Nantes. Jean-Marc Ayrault n'est d'ailleurs pas le seul. Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif et jusqu'ici président du conseil général de Saône-et-Loire, avait aussi voulu faire de son portail "open data 71" une initiative exemplaire.
S'il est encore prématuré d'en tirer des conclusions, un consensus favorable semble bien se dessiner à la tête de l'Etat. Le portail "Data.gouv.fr" devrait s'en trouver conforté. Mais cela ne suffit pas. Le mouvement doit être suivi par toutes les administrations, notamment au niveau local.

Transparence, services de qualité et développement économique local

Les collectivités territoriales ne sont pas en reste. Elles ont sensiblement progressé en termes de taux de présence et montrent une appétence croissante pour l'Open Data. Depuis Rennes, première ville a se lancer, en 2010, 18 projets ont été réalisés et on pourrait en compter plus d'une trentaine d'ici la fin de l'année. Les motivations des élus portent sur trois points qui suscitent toujours des débats. 
Le premier point est le souci de transparence "afin que le citoyen exerce un contrôle plus efficace sur l'action publique", comme le soulignait Arnaud Montebourg il y a quelques mois. Cet axe va s'amplifier, bien qu'il reste encore assez théorique. Ainsi, seuls Rennes et le conseil général de la Saône-et-Loire ont à ce jour publié le détail de leur budget, de leurs dépenses et subventions. Et il n'existe nulle part de jeux de données relatifs à la vie des assemblées, un élément pourtant déterminant de la vie démocratique, à l'instar du suivi de l'activité des députés proposé par le site "NosDeputes.fr".
Second point, la création de nouveaux services à destination des citoyens et des autres publics (touristes, professionnels…) à travers la diffusion d'applications sur le web ou sur smartphones. Quelques collectivités, après avoir lancé des concours ou des appels à projets (Aquitaine, Montpellier, Rennes, Saône et Loire), ont obtenu des résultats. La ville de Rennes présente une vingtaine d'applications sur son site, la Saône-et-Loire en compte aujourd'hui une quinzaine, Bordeaux huit. Mais dans l'ensemble, à quelques exceptions près, Handimap (Rennes), "parking direct" ou "Bordeaux on live" - des applications d'aide au déplacement en temps réel -, ou encore les applications touristiques primées par le conseil général de Saône-et-Loire, le résultat demeure relativement décevant. Les applications sont souvent redondantes (à Rennes, 10 applications sur 18 concernent les transports) et il n'existe aucune statistique publique d'audience sur l'usage de ces nouveaux services.
Troisième axe : le développement économique généré par l'activité dont devraient bénéficier les entreprises locales de technologie.  Ce dernier point est conforme au précédent. Le faible résultat des retombées n'efface pas pour autant le potentiel existant. Mais lorsque la Commission européenne avance le chiffre macro-économique de 27 milliards d'euros de retombées économiques pour l'Europe, la prévision se situe dans une réalité encore  lointaine par rapport au contexte actuel…

L'Open Data ne tient pas encore toutes ses promesses

L'Open Data doit donc poursuivre sa construction. La création d'une nouvelle dynamique économique repose sur la diffusion d'une culture de l'information au niveau des producteurs (les administrations) et des utilisateurs (les entreprises, les citoyens) qui n'existe pas encore. Les questions d'échelles sont également déterminantes. Un éditeur sera par exemple plus tenté d'investir dans le développement d'une application transport s'il a l'assurance de pouvoir diffuser sur les principales villes de France. Le secteur touristique est également sensible à ces questions de territoire. Il parait difficile en effet d'imposer au vacancier une douzaine d'applications différentes à consulter pour visiter une région... Par ailleurs, l'exploitation des données libérées localement repose sur des outils de datavisualisation accessibles, ergonomiques et utilisables par tous qui n'existent pas au niveau des portails, à de rares exceptions près. Cela suppose également de gros moyens financiers et sans doute aussi une mutualisation des efforts au niveau national.

Une coordination nationale pour mutualiser et consolider les données...

Ce diagnostic réaliste a conduit les collectivités initiatrices de projets à se réunir de manière informelle début février à Paris pour structurer, harmoniser, mutualiser leur action et mettre ainsi "un peu d'ordre dans le millefeuille des données publiques". Objectif : construire des ensembles pertinents, à la bonne échelle, afin de motiver plus fortement les publics susceptibles de réutiliser les données (acteurs privés, associatifs). Les travaux réalisés ont déjà conduit à la publication d'une norme de catalogage des données publiques afin de constituer un outil de référencement national. D'autres projets sont en cours sur le recensement des applications, des bonnes pratiques et sur la création d'un observatoire de l'Open Data. Mais pour réussir, une coopération plus étroite entre l'Etat et les territoires, déjà esquissée,  semble nécessaire. Coopération si possible assortie de moyens financiers car, en la matière, le bénévolat ne suffira probablement pas.