Urbanisme - Loi SRU et constat de carence : droit de préemption, mode d'emploi
Dans les communes faisant l'objet d'un constat de carence au titre de l'article L. 302-9-1 du Code de la construction et de l'habitation (CCH), c'est-à-dire n'ayant pas atteint l'objectif de 20% de logements sociaux prévu par la loi Solidarité et Renouvellement urbains (SRU), le Code de l'urbanisme a prévu le transfert de l'exercice du droit de préemption au représentant de l'Etat dans le département. Une circulaire de la ministre de l'Ecologie et du secrétaire d'Etat au Logement, en date du 21 février 2012 et publiée le 28 mars sur le site circulaire.legifrance.gouv.fr, précise le champ d'application, la durée et les modalités du transfert de l'exercice du droit de préemption ainsi que les conditions de délégation de ce droit à un établissement public foncier (EPF) d'Etat, à une société d'économie mixte ou à un organisme HLM et le recours possible à une convention prévue à l'article L. 302-9-1 du CCH.
Durée et modalités de transfert
Une fois la carence prononcée, "l'exercice du droit de préemption (...) est systématiquement transféré lorsque l'aliénation porte sur un terrain, bâti ou non bâti, affecté au logement ou sur lequel une opération de logements locatifs sociaux est prévue par la convention visée au L. 302-9-1 du Code de la construction et de l'habitation", rappelle la circulaire. Lorsque les communes concernées n'ont pas ouvert ce droit de préemption, le représentant de l'Etat peut "l'instituer ou le rétablir, par arrêté, conformément à l'article 211-1 du Code de l'urbanisme". Les biens acquis via le droit de préemption doivent être utilisés en vue de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction permettant d'atteindre les objectifs de réalisation de logements sociaux qui incombent à ces communes.
L'exercice du droit de préemption est transféré à compter de la date de signature de l'arrêté prononçant la carence et pendant sa durée d'application. "Par conséquent, à l'occasion de chaque bilan triennal, les décisions de mise en état de carence prises au titre des périodes triennales précédentes doivent être rapportées, par la prise d'un nouvel arrêté mettant fin à cet état et, ainsi, au transfert du droit de préemption", souligne le texte. Dès que la carence est prononcée, les maires des communes concernées et, le cas échéant, le titulaire de l'exercice du droit de préemption sur ces communes, doivent être informés, par le représentant de l'Etat dans le département, "du transfert de l'exercice de ce droit sur les aliénations rappelées ci-dessus".
La circulaire insiste sur la nécessité de veiller "lors du contrôle de légalité à ce que les décisions de préemption qui seront prises sur ces communes concernent bien des aliénations qui continuent de relever de leur compétence". "Il convient de préciser au maire l'obligation lui incombant de (...) transmettre copie des déclarations d'intention d'aliéner (DIA) relevant de (la) compétence" des destinataires de la circulaire (préfets de région, directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, direction régionale et interdépartementale de l'habitat et du logement d'Ile-de-France, directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement, préfets de département), ajoute-t-elle. Le représentant de l'Etat devra définir avec l'élu ou le titulaire du droit de préemption "les modalités opérationnelles du transfert de l'exercice de ce droit d'une part en identifiant les secteurs et parcelles sur lesquelles [les destinataires ont compétence] et d'autre part en définissant les modalités de transmission des DIA les concernant". La décision de préemption devant être prise dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de l'avis en mairie, la circulaire appelle les représentants de l'Etat à "mettre en place le circuit le plus efficace quant à la transmission des DIA ".
Délégation du droit de préemption
A propos de la possibilité de délégation du droit de préemption, le texte note que "près de 90% des communes qui ont fait l'objet d'un arrêté de carence sont situées sur des territoires de compétence des EPF d'Etat". "Dans cette situation et dans la mesure où la compétence essentielle des EPF est leur capacité à capter le foncier, il (...) est demandé de prendre l'attache de l'EPF afin de lui déléguer (le) droit de préemption", préconise-t-il. "Cette délégation à l'EPF de l'exercice du droit de préemption sera inscrite en tant qu'orientation stratégique de l'Etat à prendre en compte dans le programme pluriannuel d'intervention de chaque EPF d'Etat, en application de l'ordonnance n°2011-1068 du 8 septembre 2011 qui modifie le cadre juridique des établissements publics fonciers et d'aménagement de l'Etat", souligne encore la circulaire. La délégation est encadrée par une convention qui en précise les modalités, et qui, "à elle seule, légitime l'intervention de l'établissement sur le territoire des communes concernées", ajoute-t-elle, précisant qu'"il (...) est recommandé d'identifier dans le cadre de cette convention, le ou les bailleurs susceptibles d'intervenir sur les communes carencées".
Si les communes concernées ne relèvent pas de l'intervention d'un EPF d'Etat ou si cela est jugé "plus opportun", les représentants de l'Etat peuvent décider de déléguer l'exercice de leur doit à une SEM ou un organisme d'HLM. Il leur est alors demandé de "consulter les organismes susceptibles de réaliser ou d'acquérir des logements locatifs sociaux sur le territoire des communes carencées". Il est aussi recommandé d'"associer le maire ou le titulaire du droit de préemption le cas échéant, notamment lorsqu'ils étaient engagés préalablement dans une politique volontaire d'acquisition foncière en faveur du développement de l'offre locative sociale". Une convention indiquant les modalités de transmission et d'examen des DIA concernées sera conclue avec chaque bailleur. En outre, si l'acquisition et l'opération de logements locatifs sociaux proposées par l'organisme sont jugées "opportunes et économiquement viables", le représentant de l'Etat peut lui déléguer, par arrêté, l'exercice du droit de préemption pour le ou les biens aliénés. Dans les deux cas, la circulaire recommande "d'associer l'EPCI dont la commune est membre à la définition des modalités opérationnelles de délégation lorsque ce dernier est compétent en matière de politique de l'habitat ou lorsqu'il était préalablement délégataire ou titulaire du droit de préemption".
Quelles que soient les conditions de délégation mises en oeuvre, les représentants de l'Etat ont par ailleurs la possibilité de compléter ce dispositif par la conclusion, avec un promoteur, social ou non, d'une convention prévue par l'article L.302-9-1 du CCH qui identifie le ou les opérations de réalisation ou d'acquisition de logements sociaux qu'il compte mener sur les communes concernées, indique la circulaire. Cette convention est jugée "particulièrement adaptée lorsque l'opération envisagée ne recueille pas l'adhésion du maire" et "présente l'intérêt d'assurer d'une part la participation financière de la commune égale à la subvention foncière versée par l'Etat (1) et d'autre part la délivrance des permis de construire par le maire en tant qu'agent de l'État ".
Anne Lenormand
(1) Dans la limite de 13.000 euros par logement construit ou acquis en Ile-de-France et 5.000 euros sur le reste du territoire.
Référence : circulaire du 21 février 2012 relative à l'exercice du droit de préemption dans les communes ayant fait l'objet d'un constat de carence au titre de l'article L. 302-9-1 du Code de l'urbanisme.