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Loi Climat et Résilience : ce qu'il faut retenir des mesures de verdissement de la commande publique

Localtis a entamé le 7 septembre une série d'articles récapitulatifs des principales dispositions de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 intéressant les collectivités territoriales. Deuxième volet : les mesures de verdissement de la commande publique. Inscrites aux articles 35, 36 et 39 du texte, au sein du titre III "Produire et travailler", elles visent à mieux prendre en compte le développement durable lors de la passation et l'exécution des marchés.

Titre III Produire et travailler

Chapitre Ier - Verdir l'économie

Verdissement de la commande publique (art.35). Les mesures de la loi Climat visent à mieux prendre en compte le développement durable lors de la passation et l'exécution des contrats de la commande publique. À noter, compte tenu de leur spécificité, les marchés de contrats de concession de défense ou de sécurité ne sont pas concernés par ces dispositions. Le texte stipule que la commande publique "participe à l'atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale". Plus précisément, l’article L.2111‑2 du code de la commande publique, selon lequel "les travaux, fournitures ou services à réaliser dans le cadre du marché public sont définis par référence à des spécifications techniques", est complété pour préciser que ces dernières "prennent en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale".

L’article L.2111-3, créant le schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (dit Spaser), obligatoire lorsque le montant total annuel des achats dépasse les 100 millions d'euros hors taxes, est modifié pour préciser qu’il devra être rendu public, notamment par sa mise en ligne sur le site internet de la collectivité ou de l’acheteur concerné, lorsqu'un tel site existe. Il devra désormais comporter "des indicateurs précis, exprimés en nombre de contrats ou en valeur et publiés tous les deux ans, sur les taux réels d’achats publics relevant des catégories de l’achat socialement et écologiquement responsable parmi les achats publics réalisés par la collectivité ou l'acheteur concerné". Il devra aussi préciser "les objectifs cibles à atteindre pour chacune de ces catégories, notamment ceux relatifs aux achats réalisés auprès des entreprises solidaires d’utilité sociale agréées […], ou auprès des entreprises employant des personnes défavorisées ou appartenant à des groupes vulnérables". Ces dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2023. De plus, d'ici le 22 août 2024, le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport permettant d'évaluer la prise en compte des considérations environnementales et sociales dans les marchés passés par les acheteurs soumis à l'obligation d'adopter un Spaser. Ce rapport devra proposer un modèle de rédaction du schéma.

"Les conditions d’exécution prennent en compte des considérations relatives à l’environnement. Elles peuvent également prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations", est-il ajouté à l’article L.2112-2.

Un nouvel article (L.2112-2-1) précise que "l’acheteur prévoit des conditions d’exécution prenant en compte des considérations relatives au domaine social ou à l’emploi, notamment en faveur des personnes défavorisées, dans ses marchés dont la valeur estimée est égale ou supérieure aux seuils européens figurant dans un avis annexé au présent code". Quatre dérogations sont possibles : si "le besoin peut être satisfait par une solution immédiatement disponible ; si "une telle prise en compte n’est pas susceptible de présenter un lien suffisant avec l’objet du marché" ; si "une telle prise en compte est de nature à restreindre la concurrence ou à rendre techniquement ou économiquement difficile l’exécution de la prestation" ; "lorsqu’il s’agit d’un marché de travaux d’une durée inférieure à six mois." Lorsque l’acheteur ne prévoit pas de conditions d’exécution prenant en compte des considérations relatives au domaine social ou à l’emploi, "il en indique les motifs", précise cet article.

La loi crée aussi un nouvel article (L.2141‑7‑1) qui établit que "l’acheteur peut exclure de la procédure de passation d’un marché les personnes soumises à l’article L.225‑102‑4 du code de commerce qui ne satisfont pas à l’obligation d’établir un plan de vigilance (…) pour l'année qui précède l''année de publication de l'avis d'appel à la concurrence ou d'engagement de la consultation". "Une telle prise en compte ne peut être de nature à restreindre la concurrence ou à rendre techniquement ou économiquement difficile l’exécution de la prestation", ajoute toutefois le texte. Ces plans de vigilance s'imposent depuis 2017 aux grandes entreprises afin de prévenir, notamment, les risques d'atteinte grave à l'environnement induits par leurs activités.

L’article L.2152-7, selon lequel le marché est attribué à l’offre "économiquement la plus avantageuse sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution", est modifié pour préciser qu'"au moins un de ces critères prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre". Une formulation laissée suffisamment large pour laisser "une certaine souplesse" aux acheteurs et aux autorités concédantes, indique la direction des affaires juridiques de Bercy dans une fiche explicative. "Il leur revient ainsi de déterminer le critère qui leur paraît le plus approprié au regard des caractéristiques du contrat concerné. En pratique, cette évolution interdit le recours au critère unique du prix. Ainsi, si l'acheteur fait le choix de ne retenir qu'un seul critère de sélection, seul le critère unique du coût global intégrant nécessairement des considérations environnementales pourra désormais être retenu."

L'article 35 de la loi climat prévoit également la prise en compte des objectifs de développement durable dans les spécifications techniques et fonctionnelles des contrats de concessions, ainsi que des considérations relatives à l’environnement dans les conditions d’exécution du contrat. Ces dernières "peuvent également prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, au domaine social ou à l’emploi". Pour les concessions dont le montant est supérieur aux seuils européens, l’autorité concédante devra prévoir "des conditions d’exécution prenant en compte des considérations relatives au domaine social ou à l’emploi, notamment en faveur des personnes défavorisées". Des exemptions sont néanmoins prévues (pas de lien suffisant avec l’objet du contrat de concession, lorsqu’une telle prise en compte serait de nature à restreindre la concurrence ou à rendre techniquement ou économiquement difficile l’exécution du contrat de concession) ainsi que la possibilité de ne pas prévoir ces considérations (l’autorité devra alors "consigner les motifs par tout moyen approprié"). De la même manière que pour les marchés, l’attribution du contrat ira au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, dont "au moins un" prendra en compte les caractéristiques environnementales de l’offre. Les entreprises concernées par la loi sur le devoir de vigilance mais n’ayant pas de plan de vigilance pourront être exclues. Enfin, la loi prévoit que le rapport devant être remis chaque année par le concessionnaire à l'autorité concédante comporte la description des mesures mises en œuvre pour garantir la protection de l'environnement et l'insertion par l'activité économique dans le cadre de l'exécution du contrat.

Hormis les mesures sur les Spaser, qui s'appliqueront à partir du 1er janvier 2023 comme précédemment mentionné, toutes les autres dispositions de l'article 35 entreront en vigueur "à une date fixée par décret, et au plus tard cinq ans après la promulgation de la présente loi", soit le 22 août 2026.

Mise à disposition des acheteurs publics d'outils opérationnels d'analyse du cycle de vie (art.36). La loi prévoit qu'"au plus tard le 1er janvier 2025", l'État mette à la disposition des pouvoirs adjudicateurs des outils d'analyse du coût du cycle de vie des biens pour les principaux segments d'achat. "Ces outils intègrent le coût global lié notamment à l’acquisition, à l’utilisation, à la maintenance et à la fin de vie des biens ainsi que, lorsque c’est pertinent, les coûts externes supportés par l’ensemble de la société, tels que la pollution atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre, la perte de la biodiversité ou la déforestation", précise le texte.

Utilisation de matériaux biosourcés ou bas-carbone (art.39). "À compter du 1er janvier 2030, l'usage des matériaux biosourcés ou bas‑carbone intervient dans au moins 25% des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique", est-il stipulé. Un décret en Conseil d’État viendra préciser les modalités d’application de cet article, en particulier la nature des travaux de rénovation lourde et les seuils au‑delà desquels l’obligation est applicable aux acheteurs publics.