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Logement social : les exonérations de taxe foncière suscitent l'inquiétude des élus

Pour compenser l'exonération de 500 millions d'euros de taxe foncière dont les bailleurs sociaux ont bénéficié en 2018, les communes et leurs groupements n'ont perçu que 16 millions d'euros de la part de l'État, indique un rapport. Le gouvernement et sa majorité ne prévoient pas de modifier la donne. L’enjeu sera plus important encore au terme de la réforme de la fiscalité locale.

Les exonérations de longue durée (jusqu’à trente ans) de taxe foncière sur les propriétés bâties en faveur de l'acquisition ou de la construction de logements sociaux ne seront pas mieux compensées en 2020 que cette année. Par un amendement du rapporteur général de la commission des finances, l'Assemblée nationale s'apprêtait, ce mardi 17 décembre, dans le cadre de l'examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2020, à doucher les espoirs du Sénat.
Lors de la discussion de la première partie du projet de budget, la Haute Assemblée avait adopté un amendement de Philippe Dallier (LR) prévoyant une compensation intégrale de ces exonérations décidées par le législateur. L'objectif était de revenir sur la réduction continue entre 2009 et 2017 de la compensation accordée par l'État. Sur cette période, celle-ci avait servi de "variable d'ajustement" : dans le cadre d'une enveloppe des concours financiers de l'État gelée dans un premier temps, puis en baisse dans un second temps, la réduction de la compensation avait permis de financer en particulier les dotations dont le montant progressait. Après un tel siphonnage, la compensation s'avère considérablement amoindrie.

"Aucun retour sur le plan fiscal"

Un rapport que le ministère de l'Action et des Comptes publics a remis mi-novembre au Parlement et que Localtis s'est procuré (le document est à télécharger ci-dessous) fait le point sur le coût en 2018 pour les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale des diverses mesures d'exonérations et d'abattements d'impôts locaux. Il en ressort que les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties sont particulièrement mal compensées. En cumulant l'exonération en faveur des personnes de condition modeste, les exonérations décidées dans le cadre de la politique de la ville et celles qui portent sur les logements sociaux, le montant de taxe foncière sur les propriétés bâties exonéré est grimpé en 2018 à plus de 1,3 milliard d'euros (en prenant en compte tous les bénéficiaires de cet impôt, que sont les communes, les intercommunalités et les départements). Or, en face, la compensation de l'État ne s'est élevée qu'à 123,2 millions d'euros, soit 11% du montant exonéré.
Dans ce bilan, l'avantage fiscal accordé aux bailleurs sociaux pèse lourd. Pour une exonération de taxe foncière de 500,4 millions d'euros l'an dernier, au titre de cette mesure, les communes ont obtenu une compensation de seulement 16,2 millions d'euros. Cela représente un taux de compensation de 3,2%. "On demande aux maires de faire l’effort de construire du logement social, ils le font et ils n’ont aucun retour sur le plan fiscal", concluait Philippe Dallier, dans l'hémicycle du Sénat, le 25 novembre dernier. Ce qui n'est pas tout à fait exact, en tout cas aujourd’hui, puisque les communes qui voient croître leur parc de logements sociaux perçoivent un supplément de recettes de taxe d'habitation (y compris lorsque les habitants concernés bénéficient d'abattements et d'exonérations).

Faire face aux nouvelles charges

Mais lorsqu'en 2021, la réforme de la fiscalité locale s'appliquera, cette incitation disparaîtra. A cette échéance, la taxe foncière sur les propriétés bâties constituera la principale recette des communes. Mais pour les nouveaux logements sociaux, celle-ci fera l'objet d'exonérations quasiment non compensées. Les communes qui augmenteront leur part de logements sociaux n'auront donc pas, pendant de nombreuses années, de recettes fiscales supplémentaires. Comment feront-elles face aux charges nouvelles engendrées par l'accueil de nouveaux habitants ayant parfois des besoins sociaux plus élevés ? Les maires s'interrogent.
Le gouvernement et le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale refusent pourtant de porter à 100% la compensation par l'État de l'exonération de taxe foncière pour les bailleurs sociaux. La mesure aurait pour le budget de l'État un coût important, objectent-ils. D'après les données du rapport du gouvernement, il s'élèverait à 484 millions d'euros pour l'année 2018. Une compensation intégrale de la seule allocation compensatrice, avant sa "minoration", ramènerait ce coût à 216 millions d'euros.