Ressources humaines - L'interdiction de fumer fait peu d'étincelles
"On s'attendait à des difficultés, reconnaît Valérie David, directrice générale adjointe à la ville de Rennes. On pensait par exemple que des fumeurs solliciteraient des équipements complémentaires, ou la possibilité de fumer là où aujourd'hui ce n'est plus possible." Pourtant, sept semaines après l'entrée en vigueur des nouvelles mesures, le service des ressources humaines n'a connu aucune demande de ce genre. Les fumeurs sont priés d'allumer leur cigarette dehors. Et pour eux, aucun aménagement n'a été réalisé, y compris à l'extérieur des locaux. Les personnes concernées ont simplement la possibilité de demander à leur chef de service l'installation de cendriers supplémentaires.
A Rennes, la rébellion des fumeurs n'a donc pas eu lieu. "Il n'y avait pas de discussion possible, étant donné la portée légale de l'interdiction, analyse Valérie David. En revanche, si la municipalité avait pris une initiative isolée, cela ne se serait peut-être pas passé aussi bien." Pour préparer la mise en œuvre de l'interdiction, notamment le plan de communication, la ville a créé un groupe de travail constitué du responsable sécurité, du médecin du travail, d'un représentant du service des ressources humaines et d'un "gros" fumeur membre du personnel. Ce groupe de travail devait aussi être consulté sur les conflits pouvant survenir. Or, depuis le 1er février, il n'a pas eu à se réunir, signe que l'ambiance est bonne. Seule une réunion de bilan est prévue dans les prochaines semaines.
A la ville de Rouen, "les choses se sont bien passées, témoigne de même Oleg Netchaeff, médecin de prévention. Mais, on va voir sur la durée". Le médecin reste prudent : "Par le passé, nous avons eu affaire à des conflits avec des intolérances réciproques - des réactions arrogantes de la part des fumeurs, comme des non fumeurs qui ne supportaient même plus une petite odeur de fumée venant du local réservé aux fumeurs".
"Esprit de responsabilité"
A Gennevilliers, la situation n'était pas parfaite avant l'entrée en vigueur de l'interdiction totale de fumer dans les bureaux. "Les fumeurs ne se gênaient pas si les collègues ne disaient rien, témoigne un agent du service de la médecine professionnelle. Sinon, ils trouvaient refuge dans l'escalier de secours." Aujourd'hui, les fumeurs effectuent dehors leur pause cigarette. Mais cette pause risque de durer un peu plus longtemps qu'ailleurs. L'hôtel de ville de Gennevilliers est en effet situé dans une tour de dix-huit étages. "C'est la tour municipale la plus haute d'Europe", dit un agent municipal. "Les fumeurs descendent en ascenseur jusqu'au rez-de-chaussée, indique la directrice des ressources humaines, Claudette Padé, qui tente de relativiser : il faut bien aussi prendre l'ascenseur quand on veut faire sa pause café, ou bien pour aller voir des collègues." La DRH poursuit : "Nous n'avons pas voulu stigmatiser le personnel en fixant des plages horaires obligatoires pour les pauses. Mais nous avons demandé par une note que si l'on s'absente de son bureau, on le fasse avec un esprit de responsabilité pour ne pas nuire au travail."
Les collectivités contactées ont toutes mis en place des mesures d'accompagnement des fumeurs ayant décidé d'arrêter de fumer. Ceux-ci ont en effet la possibilité de rencontrer gratuitement un tabacologue. Certaines mairies, comme celle de Gennevilliers, ont décidé de participer au remboursement intégral des frais liés au sevrage (en moyenne 150 euros pour un traitement de trois mois). La mairie d'Angers n'a pas fait ce choix. "Des études montrent que les traitements ont de meilleurs résultats lorsque l'individu participe financièrement à l'achat du patch anti-tabac", argumente un médecin du travail de la ville. Et selon lui, il faudra attendre encore deux ou trois ans pour disposer de statistiques sur les personnes qui ont vraiment arrêté de fumer à la suite du 1er février.
Thomas Beurey / Projets publics