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Industrie - L'industrie est de moins en moins industrielle, d'après le CEPII

Le phénomène de "servitisation" de l'industrie, c'est-à-dire la montée en puissance des services, progresse en France de manière modérée mais régulière. Dans une étude publiée en février 2014, le CEPII a identifié le nombre d'entreprises industrielles, de plus en plus importantes, qui produisent des services. Près de 83% des entreprises industrielles sont dans ce cas et 26% d'entre elles ne vendent que des services.

"Près de 83% des entreprises industrielles ont une production de services pour autrui et 26% d'entre elles ne vendent que des services." C'est ce que révèle le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) dans sa lettre de février 2014 "Vers une industrie moins… industrielle ?". Les auteurs de l'étude, Matthieu Crozet et Emmanuel Milet, ont cherché à mesurer la désindustrialisation différemment, en s'appuyant sur ce que les entreprises produisent effectivement, et non en fonction de leur classification sectorielle. Les auteurs expliquent que les entreprises industrielles ont nécessairement une production de services pour compte propre, mais que certaines d'entre elles, relativement nombreuses, ont aussi une production de services pour compte d'autrui. Il s'agit le plus souvent de services complémentaires au bien manufacturé produit et vendu, comme l'installation, pour un producteur de fenêtres, la maintenance, pour un producteur de machines ou encore des offres de contenus (musique, films, jeux, vidéo) pour un producteur de matériel électronique. Dans cette catégorie entrent aussi les entreprises qui externalisent les activités les plus industrielles, les modèles de sociétés "sans usine".
Forts de ces nouvelles données, le CEPII conclut que "dans tous les secteurs manufacturiers, on compte une proportion importante d'entreprises produisant plus de services que de biens". La proportion est de 33% en moyenne dans l'ensemble de l'industrie manufacturière. Elle varie entre 15% (pour l'agroalimentaire, le secteur industriel le moins intense en services) et 51% (pour les autres matériels de transport).

"Servitisation"

Le phénomène de "servitisation" de l'industrie est donc bien en marche. Il se produit "à un rythme modéré mais régulier", précisent les auteurs. La part des services dans la production vendue a ainsi augmenté de 2,7% par an entre 1997 et 2001 et de 0,7% par an entre 2003 et 2007. En moyenne, sur cette période, la part des services dans les ventes totales de chaque entreprise industrielle a progressé de 1,7 point de pourcentage.
Le CEPII a utilisé la même méthode pour estimer le nombre d'emplois industriels et leur évolution sur plusieurs années. En prenant en compte l'emploi industriel au sens strict, c'est-à-dire les emplois véritablement dédiés à la production de biens manufacturés dans les entreprises enregistrées dans les secteurs industriels mais aussi les emplois destinés à la production de biens dans les entreprises de services, le CEPII estime que la part de ces emplois dans l'emploi total est passée de 35,1% à 25,6% entre 1997 et 2007. Cela correspond à plus de 520.000 emplois industriels détruits durant cette période.
Face à la part de plus en plus importante d'entreprises qui produisent à la fois des biens et des services, et qui combinent donc plusieurs fonctions de production, les auteurs s'interrogent sur les spécificités de l'industrie. "L'opposition traditionnelle industrie/services apparaît singulièrement brouillée, signalent-ils, ceci devrait amener à réviser les grilles d'analyse de la désindustrialisation et les fondements des politiques industrielles."