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L'inclusion des élèves handicapés à l'école en progression

Selon un rapport d'information parlementaire, l'inclusion des élèves et étudiants handicapés à l'école et à l'université est en progression. Toutes les propositions du rapport Jumel de 2019 n'ont toutefois pas été mises en œuvre et la perception sur le terrain reste mitigée.

"Beaucoup de choses se sont indéniablement produites en deux ans, et ce malgré la crise sanitaire. Je retire des auditions et de mon analyse que nous avons progressé." C'est avec ces mots que Jacqueline Dubois, députée de la Dordogne, a introduit, le 23 juin 2021 devant la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, la présentation de son rapport d'information sur la mise en œuvre des recommandations de la commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République. La réalisation de ce rapport avait été décidée par le bureau de la commission en début d'année. Il s'agissait d'évaluer, deux ans après, la mise en œuvre des 57 propositions du rapport de Sébastien Jumel sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République quatorze ans après l'adoption de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005.

Sur les 57 propositions, "je considère que les trois quarts sont, soit mises en mises en œuvre, soit en cours de mise en œuvre avec une évolution attendue dans les prochaines semaines ou mois, ou encore partiellement mises en œuvre", s'est réjouie la rapporteure. Selon elle, la progression est d'abord quantitative. Le nombre d'élèves en situation de handicap présents à l'école est ainsi passé de 320.000 en 2017 à plus de 400.000 attendus à la rentrée 2021. Quant aux étudiants dans la même situation, leur nombre a augmenté de 30% depuis 2017. Jacqueline Dubois relève également une progression qualitative. Elle évoque "la diversification des modes d'accueil et d'enseignement, l'attention croissante aux besoins de chaque enfant et à la parole des familles." Pour la rapporteure, "ces efforts sont inédits tant sur le plan institutionnel et financier que par l'engagement des différents personnels."

Perception "mitigée" sur le terrain

Ce satisfecit n'empêche pas l'élue de faire état, sur le terrain, d'une perception plus "mitigée" de certaines situations. "Il serait donc illusoire de penser que toutes les difficultés qui avaient été relevées il y a deux ans ont été résolues", pointe Jacqueline Dubois, selon laquelle il reste encore aujourd'hui à garantir la pleine mise en œuvre de certains engagements, et ce, de manière harmonisée sur l'ensemble du territoire.

La députée est revenue dans le détail sur les différentes propositions du rapport Jumel et sur leur mise en œuvre. L'un des premiers constats portait sur l'insuffisance du pilotage de la politique d'inclusion, d'une part, et sur la méconnaissance statistique précise et en temps réel d'un certain nombre de données nécessaires pour fonder le pilotage et la programmation des ressources, d'autre part.

Sur ces points, huit recommandations avaient été faites et 90% ont été mises en œuvre ou sont en cours de mise en œuvre. C'est le cas avec l'installation des deux comités nationaux de suivi de l'école inclusive et de l'université inclusive et des comités départementaux. Par ailleurs un décret, dit "Coopération", est en cours de rédaction pour une meilleure programmation conjointe des ressources de l'Éducation nationale et du secteur médicosocial. On note également la réforme en cours du financement et des activités des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

En revanche, il n'existe pas encore de pilotage centralisé de la mesure statistique, qui souffre en outre "d'une absence de définition harmonisée du handicap et du caractère variable du périmètre retenu selon les structures". De la même façon, il n'existe pas d'outils permettant de connaître en temps réel l'adéquation entre l'offre et la demande d'affectation en milieu ordinaire ou d'identifier les besoins d'accompagnement non pourvus. "Si ce type d'outils se développent pour le secteur médicosocial, note Jacqueline Dubois, l'Éducation nationale doit encore se contenter d'enquêtes ponctuelles ou de la lecture conjointe de plusieurs logiciels en cours de déploiement."

La formation, un "enjeu-clé"

Sur la question de la scolarisation en milieu ordinaire, le rapport Jumel formulait plus de quarante propositions. Celles portant sur la simplification des parcours peuvent être considérées comme mises en œuvre, même partiellement, à 80%. C'est par exemple le cas à travers le renforcement de la participation des familles au parcours de scolarisation avec les mises en place d'un entretien d'accueil ou d'un suivi simplifié par l'instauration d'une plateforme regroupant tous les documents.

Sur la formation et les conditions de travail des enseignants, "le constat est également positif, bien que plus nuancé". Les formations initiale et continue des enseignants et enseignants spécialisés ont été renforcés. Mais en pratique, "celles-ci ne semblent pas encore pleinement exploitées", selon la rapporteure. Or la formation de l'ensemble des équipes pédagogiques est "un enjeu-clé de la réussite de l'école inclusif".

Le constat est encore "mitigé" sur l'amélioration des conditions de travail des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) : la moitié des propositions n'a pas été mise en œuvre. Si une réflexion est en cours sur l'amélioration de la reconnaissance du métier, notamment par le développement des CDI, la revalorisation salariale ou les modalités de recrutement, il reste beaucoup à faire et cela de façon d'autant plus urgente que les besoins vont croissant.

De la logique de place au parcours adapté

La coopération du secteur ordinaire avec le secteur médicosocial enregistre pour sa part de "très grandes avancées ces deux dernières années". La rapporteure évoque ici le développement important de certaines modalités de scolarisation partagée et la volonté commune des réseaux de l'Éducation nationale et du ministère de la Santé de "réunir leurs forces". Elle livre également une analyse : "À la logique de places en établissement se substitue celle de parcours adapté à chaque enfant, modulable en fonction de l'évolution de ses besoins."

Autre constat du rapport : plus de la moitié des propositions portant sur l'augmentation des moyens pour la scolarisation en milieu ordinaire sont en cours de mise en œuvre. Le nombre d'Ulis (unités localisées pour l'inclusion scolaire) augmente, comme celui des robots de téléprésence au sein même des classes. Pour autant, Jacqueline Dubois déplore qu'un certain nombre de dispositifs soient "saturés avec des listes d'attente encore bien trop longues". Surtout, sur ce chapitre, les moyens varient selon les territoires et les ressources de la médecine scolaire n'évoluent pas à la hauteur de ce qui serait nécessaire.

À l'université, un "parcours du combattant"

Dernier aspect traité par le rapport d'information : l'enseignement supérieur. Là encore, plus de la moitié des propositions sont en cours de mise en œuvre ou en voie de l'être. Le nombre d'étudiants accueillis en universités et écoles supérieures est en augmentation, qui plus est dans un nombre croissant de formations. "Les enfants de la loi de 2005 arrivent aux portes de l'enseignement supérieur et réalisent des parcours de plus en plus variés", juge la rapporteure. Des décrets sont attendus pour concrétiser les propositions du rapport Jumel, dont l'un portera sur la portabilité des aménagements de l'enseignement secondaire vers le supérieur. On regrettera pourtant la stagnation des moyens alloués aux missions Handicap alors que le nombre d'étudiants concernés est en hausse, ou encore celle – à hauteur de 80% - du déploiement des schémas directeurs du handicap dans les universités. Jacqueline Dubois insiste à ce propos sur la persistance des difficultés de la prise en compte de l'étudiant dans l'ensemble de sa vie quotidienne (logement, transport, etc.) et précise qu'un groupe de travail sur l'université inclusive devrait se pencher sur cette question. "Certains parcours dans le supérieur demeurent des parcours du combattant", lance-t-elle.

"J'indiquais en 2019 que nous étions au milieu du gué, je pense aujourd'hui que nous avons franchi ce cap, que nous nous rapprochons de l'autre rive et que des efforts restent à accomplir pour y parvenir. Certaines lacunes demeurent à combler et doivent l'être rapidement tant les enjeux sont importants pour les jeunes et leurs familles, mais la dynamique est présente et le chemin tracé", a conclu Jacqueline Dubois, en assurant qu'elle pousserait à la mise en œuvre des mesures nécessaires.