Sports / Sécurité - L'Euro 2016 va-t-il dégarnir les effectifs de surveillance des plages ?
Les communes qui chaque année ont recours à des nageurs-sauveteurs issus des compagnies républicaines de sécurité (CRS) pour la surveillance de leurs plages et plans d'eau auront-elles assez d'effectifs durant l'été 2016 ?
La question se pose avec une acuité particulière depuis l'envoi aux préfets d'une note du ministère de l'Intérieur (avant les attentats du 13 novembre) précisant que les CRS, qui assurent traditionnellement une part non négligeable de la surveillance estivale des plages et plans d'eau, seraient affectés à la sécurité de l'Euro 2016 de football jusqu'au 20 juillet.
Dans une lettre adressée par le préfet de Vendée aux maires des communes du littoral de ce département, dont Localtis a obtenu une copie, il est indiqué que "lors de la prochaine saison estivale, les effectifs policiers jusqu'alors mobilisés pour le renfort saisonnier pourront être déployés sur le dispositif de sécurité de l'Euro 2016 […] qui se déroulera du 10 juin au 10 juillet prochains".
"Dans ce cadre, ajoute le préfet de Vendée, le déploiement des nageurs-sauveteurs des CRS s'opérera à partir du 20 juillet 2016, dans un format qui ne pourra pas excéder celui de 2015, et prendra fin le 22 août 2016." Et le préfet de conclure : "Afin d'assurer la sécurité des baignades en mer sur toute la période estivale, il est donc indispensable de mettre en œuvre des dispositifs alternatifs."
L'absence des nageurs-sauveteurs issus des CRS durant un mois va poser un double problème aux communes cet été. En termes de savoir-faire d'une part, en termes de coût d'autre part.
"Les CRS sont plus pertinents et efficaces"
Côté savoir-faire, Denis Foehrle, directeur de la Fédération nationale des métiers de la natation et du sport (FNMNS), pointe les carences que l'absence des CRS va entraîner : "Les CRS ont aujourd'hui une culture du sauvetage, acquise année après année. Ils connaissent très bien ce travail et mènent des actions de prévention des risques assez pointues. Ils sont beaucoup plus pertinents et efficaces qu'un jeune qui a peu d'expérience." Et le responsable de la FNMNS de citer l'exemple du littoral aquitain où le phénomène des baïnes (trous formés dans le sable à proximité du rivage provoquant des courants dangereux) exige d'être "affûté" : "Là-bas, la gestion des zones de baignade demande de l'anticipation et de l'expérience, sans quoi, on peut laisser les baigneurs s'exposer à un risque."
Autre point noir dans les recrutements à venir : le certificat de surveillance et de sauvetage aquatique (SSA), une formation mise en place en 2014 pour permettre aux maîtres-nageurs sauveteurs de se familiariser avec les techniques et le matériel spécifiques au sauvetage en mer. Si ce certificat n'est que facultatif, il permet aux maires de satisfaire à leur obligation de moyens au regard du dispositif de surveillance mis en place dans la commune. Pour Denis Foehrle, "il va falloir que les organismes qui délivrent le certificat SSA soient au top pour fournir aux communes du personnel en nombre suffisant et répondre à cette nouvelle demande". Selon lui, le nombre de nageurs-sauveteurs formés au SSA serait trop peu élevé actuellement. "Les jeunes sont un peu réticents pour intégrer cette formation qui représente un coût supplémentaire et demande encore plus de disponibilité durant leur année universitaire. Des communes vont certainement se retrouver en difficulté cet été", ajoute le directeur de la FNMNS.
Un surcoût important pour les communes
En ce qui concerne le coût, l'Etat met actuellement les CRS à disposition des communes et paye l'intégralité de leurs salaires, pour un coût estimé en 2012 par le rapport de la Cour des comptes consacré à l’organisation du secours en montagne et de la surveillance des plages à 4,5 millions d'euros. Les communes s'acquittant pour leur part des frais de mission (repas, nuitées, déplacements) pour un coût total estimé à 2,1 millions d'euros. Le recours à du personnel directement recruté par les communes durant la période d'absence des CRS va ainsi entraîner un surcoût important pour les collectivités concernées.
Mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le dispositif de renforts saisonniers de policiers prélevés sur des compagnies républicaines de sécurité a diminué depuis 2002, année où 722 maîtres-nageurs sauveteurs CRS étaient déployés dans 126 communes. Selon la Cour des comptes, sur les 3.243 nageurs-sauveteurs déployés durant la saison 2012, 465 étaient des CRS et 1.003 étaient issus des Sdis (sous statut sapeur-pompier), tandis que parmi les 1.775 "autres sauveteurs" recrutés directement par les communes, environ les trois quarts provenaient des rangs de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), le reliquat étant constitué d’employés communaux, notamment de policiers municipaux, titulaires de brevets de sauveteurs.