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Confiance dans la vie politique - L'essentiel sur la réforme après la validation par le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a validé le 7 septembre l'essentiel des dispositions des deux projets de loi pour la confiance dans la vie politique, qui concrétisent la promesse faite par Emmanuel Macron de "moraliser" les pratiques politiques. L'Assemblée et le Sénat étant parvenus à une version commune sur le projet de loi ordinaire, les deux chambres l'avaient adopté dès le 3 août. Elles sont en revanche restées en désaccord sur la suppression de la réserve parlementaire prévue par le projet de loi organique. Les députés ont donc procédé à une nouvelle lecture de ce texte, avant une adoption définitive intervenue le 9 août. Certaines mesures auront des effets sur les collectivités territoriales et leurs élus. Peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité, interdiction pour les autorités territoriales d'employer des membres de leur famille, financement de la vie politique, fin de la réserve parlementaire… Retour sur toutes ces dispositions.
 

Peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité

En plus des peines prévues par le code pénal, dont ils sont passibles, les auteurs de crimes ou de certains délits (violences sexuelles, discriminations, abus de confiance, délits terroristes, violences les plus graves, escroquerie, association de malfaiteurs…) sont obligatoirement déclarés inéligibles (article 1 de la loi ordinaire). Toutefois, au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur, le juge peut considérer que cette peine complémentaire n'est pas justifiée. Sa décision doit alors être spécialement motivée.
Saisi par l'opposition d'une demande d'avis, le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision du 7 septembre, que ces dispositions sont conformes à la règle fondamentale, sauf celles qui prévoient l'inéligibilité obligatoire des auteurs de propos appelant aux crimes et délits, ainsi que de diffamation et d'injure (18e alinéa du paragraphe I de l'article 1er de la loi ordinaire). Pour les Sages, "le législateur a porté à la liberté d'expression une atteinte disproportionnée".
L'application de la peine complémentaire d'inéligibilité est systématiquement mentionnée, pendant toute sa durée, sur le bulletin B2 du casier judiciaire du condamné. L’autorité chargée de l’examen des candidatures aux élections politiques peut accéder à ce bulletin et ainsi vérifier si un candidat est éligible ou non. Selon le gouvernement, ce dispositif permet de concrétiser un des engagements formulés par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle et ce, dans le respect de la Constitution.

Interdiction pour les autorités territoriales d'employer des membres de leur famille

A l'instar des membres du gouvernement et des parlementaires, les exécutifs locaux ne peuvent recruter des membres de leur famille comme collaborateurs de leur cabinet.
L'article 15 de la loi ordinaire leur interdit d'employer leur conjoint, le partenaire avec lequel il ont souscrit un Pacs ou leur concubin, de même que leurs parents ou les parents de leur conjoint (ou concubin ou partenaire), ainsi que leurs enfants ou les enfants de celui ou celle qui a la qualité de conjoint, ou de partenaire ou de concubin. En cas d'infraction, le contrat du collaborateur cesse de plein droit et la collectivité a l'obligation de rembourser les sommes versées à ce dernier (selon des modalités qui seront définies par décret en Conseil d’Etat).
Les exécutifs locaux peuvent recruter tout autre membre ou ancien membre de leur famille ou de leur belle-famille. Toutefois, les exécutifs des plus grandes collectivités (présidents de conseils départementaux et régionaux, maires des communes de plus de 20.000 habitants et des EPCI à fiscalité propre dont la population dépasse ce seuil ou dont les dépenses de fonctionnement excèdent 5 millions d'euros, de même que présidents des autres EPCI répondant à ce critère financier) ayant recours à cette faculté ont l'obligation d'en informer "sans délai" la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Les collaborateurs des autorités territoriales qui se trouvent au jour de la publication de la loi en infraction avec les nouvelles règles voient leur contrat prendre fin de plein droit (article 18 de la loi ordinaire). Une exception est faite pour les femmes enceintes et en congé maternité : leur licenciement n'est effectif qu’à l’expiration de la période légale de protection (soit dix semaines après la fin du congé de maternité).
L’autorité territoriale notifie le licenciement à son collaborateur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dans les trois mois suivant la publication de la loi. La durée du préavis est fixée à huit jours pour le collaborateur justifiant d’une ancienneté de six mois, à un mois pour une ancienneté égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans et à deux mois pour une ancienneté égale ou supérieure à deux ans.
Le collaborateur licencié perçoit une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice de congés payés, lesquelles sont à la charge de la collectivité territoriale ou de l’établissement public qui a prononcé le licenciement.

Financement de la vie politique

L'article 27 de la loi ordinaire renforce le droit pour les candidats à une élection de disposer d'un compte bancaire. Elle prévoit que la personne, ou l'association de financement électorale mandatée par le candidat, a également droit à "la mise à disposition des moyens de paiement et services bancaires nécessaires" au fonctionnement du compte.
L'article 28 institue un médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques, dont la nomination revient par décret au président de la République (pour une durée de six ans non renouvelable). Il peut être saisi par des candidats et des partis auxquels les banques refusent d'ouvrir un compte ou d'accorder un prêt. Le médiateur est alors en charge d’une mission de conciliation avec les banques. Il présente annuellement au Parlement un bilan de son activité qui peut être l'occasion pour lui d'émettre des recommandations relatives au financement des candidats et partis ou groupements politiques.
Le Sénat, qui y était d'abord opposé, a finalement donné son accord lors de la réunion de la commission mixte paritaire, pour autoriser le gouvernement à créer par ordonnance une "banque de la démocratie" (article 30 de la loi ordinaire). Cette structure aiderait les candidats, partis et groupements politiques à financer leur campagne électorale lorsqu'ils ne parviennent pas à obtenir d'offre bancaire malgré l'intervention du médiateur du crédit. Cette aide consisterait en des prêts, des avances ou des garanties. Le dispositif serait opérationnel à partir du 1er novembre 2018 et concentrerait ses actions sur le financement des élections nationales (présidentielle, législatives, sénatoriales) et européennes.

Fin de la réserve parlementaire

L'article 14 de la loi organique met fin à la pratique de la réserve parlementaire à compter de 2018. Les subventions accordées au titre de ce dispositif jusqu’en 2017 et dont le versement peut s’échelonner jusqu’au 31 décembre 2023 feront l'objet d'une publicité dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui. L'Assemblée nationale a en effet réussi à imposer son point de vue. Le Sénat souhaitait, au contraire, la poursuite de la réserve parlementaire sous la forme d'une dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements. Le but était de soutenir les projets locaux "au caractère non permanent". Députés et sénateurs ont campé sur leurs positions lors de la réunion de la commission mixte paritaire, ce qui a conduit à l'échec de leur tentative pour écrire un texte commun. L'Assemblée nationale a donc eu le dernier mot lors de l'examen en nouvelle lecture.
Les crédits de la réserve parlementaire seront réalloués (en partie ou totalement ?) aux associations et aux collectivités territoriales, notamment au moyen de "fonds autour de politiques transversales", a déclaré, début juillet, la ministre de la Justice devant les députés. Les options finalement retenues par le gouvernement figureront dans le projet de loi de finances pour 2018.
La réserve ministérielle, qui était vouée au même sort que la réserve parlementaire, demeurera finalement. Le Conseil constitutionnel a censuré l'article 15 de la loi organique qui mettait un terme au dispositif. Les Sages ont jugé qu'en limitant les prérogatives du gouvernement, la disposition portait atteinte à la séparation des pouvoirs. En 2017, ces subventions aux collectivités territoriales et à leurs groupements s'élèvent à 5 millions d'euros.
On notera encore, au chapitre des finances des collectivités territoriales, que les parlementaires ont renforcé l'information dont disposent les élus membres des commissions départementales donnant un avis sur la répartition de la dotation d'équipement des territoires ruraux (article 15 de la loi ordinaire).

Références : pr ojets de loi ordinaire et organique  pour la confiance dans la vie politique adoptés définitivement par le Parlement ; décision du Conseil constitutionnel n° 2017-752 DC du 8 septembre 2017.
 

 

 

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