Confiance dans l'action publique - En commission, les députés détricotent le projet de loi établi par le Sénat
La réforme pour "la confiance dans l'action publique" était, les 19 et 20 juillet, à l'ordre du jour de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Voulue par le Sénat, la transformation de la réserve parlementaire en dotation de soutien à l'investissement des petites communes n'a pas été du goût de la commission. Celle-ci a adopté l'obligation pour les candidats à une élection d'avoir un casier judiciaire vierge, mesure hautement symbolique. Synthèse des amendements adoptés et concernant les collectivités territoriales.
Conformément à la volonté du gouvernement, les députés ont décidé de supprimer la réserve parlementaire, mais seulement à partir du 1er janvier 2024, date à laquelle seront toutes achevées les quelque 25.000 opérations actuellement mises en chantier grâce au dispositif. L'utilisation des crédits de paiement pour ces chantiers continuera ainsi jusqu'à cette échéance à faire l'objet des mêmes règles de transparence qu'aujourd'hui.
L'amendement adopté ne prévoit pas de dispositif de remplacement. La dotation de soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements imaginée par les sénateurs n'a donc pas convaincu leurs collègues du palais Bourbon.
Les députés ont aussi décidé que pour pouvoir se présenter à une élection politique, tout candidat devrait avoir un casier judiciaire vierge. Plus exactement, le bulletin n°2 (B2) du casier judiciaire du candidat devrait être exempt des infractions citées par l'amendement (les infractions criminelles, un certain nombre de délits d'ordre sexuel, les manquements au devoir de probité, les fraudes électorales et fiscales, le faux et usage de faux en écriture publique).
L'amendement adopté reprend mot pour mot la proposition de loi d'origine socialiste visant à instaurer une obligation de casier judiciaire vierge concernant les candidats à une élection locale que l'Assemblée nationale a adoptée à l'unanimité dans les derniers jours de la précédente législature. Tout en émettant un avis favorable sur cette modification, la rapporteure, Yaël Braun-Pivet (LREM) a émis des réserves juridiques. "Adopter une telle disposition revient à établir une peine d'inéligibilité automatique, qui est contraire à la Constitution", a-t-elle déclaré en se référant à une décision des Sages datant de 2010. La discussion se poursuivra sans doute en séance à la lumière des éclaircissements juridiques que le gouvernement apportera.
En outre, les députés ont apporté des précisions à l'interdiction pour les parlementaires, les membres du gouvernement et les autorités territoriales de recruter leurs collaborateurs parmi les membres de leur famille. Ils ont ainsi prévu que l'élu local ou le ministre souhaitant "recruter une personne membre ou anciennement membre de sa famille ou de sa belle-famille ou toute autre personne avec laquelle il entretient un lien personnel direct n'appartenant pas à sa famille proche" doit "le déclarer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique".
S'agissant des collaborateurs des parlementaires, les députés n'ont pas souhaité, contrairement aux sénateurs, qu'ils puissent passer les concours internes de la fonction publique. Une telle dérogation aurait été une première, puisque ces personnels ont des contrats de droit privé, a mis en avant la commission des lois.
Les députés ont tiré un trait sur les dispositions introduites au Sénat visant à prévenir les conflits d'intérêts ou la prise illégale d'intérêts pouvant survenir de la part d'anciens agents publics passés dans le secteur privé. Ils les ont en effet considérées comme des "cavaliers législatifs".
Les députés sont aussi revenus sur les dispositions concernant les commissions départementales donnant un avis sur la répartition de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) qui, forte d'un milliard d'euros, vise à soutenir les investissements des petites communes. Les sénateurs voulaient élargir la composition de ces instances et leur conférer un pouvoir décisionnel dès le premier euro.
De plus, contrairement aux sénateurs, les députés ont jugé qu'il n'y a pas lieu de rendre inéligibles les personnes occupant les fonctions de directeurs généraux et de directeurs généraux adjoints de sociétés publiques locales et de sociétés d'économie mixte (Sem) dont les actionnaires majoritaires sont des collectivités territoriales. Ils ont donc supprimé ces dispositions.
Après être passée à la trappe au Sénat, l'habilitation donnée au gouvernement de créer par ordonnance une banque de la démocratie dans le but de financer les candidats et les partis et ainsi favoriser le pluralisme, refait son apparition. Malgré les critiques de l'opposition sur "le flou" des dispositions et sur le fait que le Parlement n'aura pas son mot à dire sur le dispositif, la majorité LREM a en effet adopté l'amendement gouvernemental qui réintroduit la mesure dans le projet de loi ordinaire. A noter : le champ de l'habilitation ne concerne désormais plus que le financement des campagnes électorales à caractère national.
Décidément, les projets de loi ne cessent de changer de dénomination. La commission des lois a souhaité qu'ils visent "la confiance dans la vie publique". Les députés examineront la réforme dans l'hémicycle à partir du 24 juillet prochain.