Médicosocial - Les trois délégués à l'accès aux soins rendent leurs conclusions et font des propositions
Politiques d'accueil des étudiants en médecine sur les territoires, exercice coordonné, télémédecine, nouveaux modes d'exercice, coopérations interprofessionnelles, temps médical préservé… Le rapport remis le 15 octobre à Agnès Buzyn sur le renforcement des soins de proximité, nourri par des cas concrets recueillis au cours de déplacements, vient d'une certaine façon conforter les orientations de la stratégie "Ma santé 2022".
Désignés en novembre 2017 par Agnès Buzyn, les trois délégués nationaux à l'accès aux soins avaient un an pour rendre leurs conclusions sur le renforcement des soins de proximité (voir notre article ci-dessous du 16 novembre 2017). Il s'agit en l'occurrence de Sophie Augros, médecin généraliste et présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), d'Elisabeth Doineau, sénatrice (Union centriste) de Mayenne et vice-présidente de la commission des affaires sociales, et de Thomas Mesnier, député (LaREM) de Charente et médecin urgentiste. Les trois délégués ont respecté les délais impartis en remettant, le 15 octobre, leur rapport à la ministre des Solidarités et de la Santé.
Un rapport tardif... mais pas inutile
Seul bémol dans ce calendrier : le rapport est remis le 15 octobre, alors que le président de la République a présenté, un mois plus tôt, "Ma santé 2022", la stratégie de transformation du système de santé (voir notre article ci-dessous du 18 septembre 2018). Dans ces conditions - et sans surprise -, les propositions des trois délégués épousent étroitement celles de la stratégie santé du gouvernement. Elles visent toutefois un aspect bien délimité de cette stratégie d'ensemble : celui du renforcement des soins de proximité, l'une des priorités du plan (voir notre article ci-dessous du 18 septembre 2018). Sur ce point, le rapport s'appuie sur les retours d'expérience, initiatives et bonnes pratiques recueillies au cours des déplacements des trois délégués sur le terrain (voir notre article ci-dessous du 24 janvier 2018). Ceux-ci tirent de leurs déplacements la vision d'un secteur en rapide évolution : "Ce qui se joue dans ces territoires, ce sont des changements profonds dans les pratiques et les cultures professionnelles. On assiste à une transformation rapide de la manière d'exercer la médecine : de façon mixte, mobile, en équipe, en coopération avec d'autres professionnels de santé, en prenant en charge collectivement la santé de la population d'un territoire - et non plus de sa seule patientèle -, en s'appuyant sur les outils numériques, en gérant des entreprises complexes comme le sont devenues les structures d'exercice coordonné".
Développer l'exercice coordonné
Ce mouvement doit néanmoins être soutenu. Reprenant les principaux engagements de la stratégie santé, le rapport formule ainsi des préconisations sur la mise en œuvre de six grands axes. Le premier consiste à encourager les stages ambulatoires et à accompagner les projets d'installation, à travers une amélioration de l'encadrement et la mise sur pied de véritables politiques d'accueil des étudiants. Deuxième axe : le développement de l'exercice coordonné, élément clé de l'attractivité de l'activité médicale dans les territoires peu denses. Il repose essentiellement sur l'émergence de "leaders professionnels" - à l'image des coordinateurs - capables d'accompagner le développement de structures comme les maisons de santé.
Le troisième axe - le développement de la télémédecine - est déjà bien engagé avec la récente prise en charge des téléconsultations par l'assurance maladie. Il reste aujourd'hui à développer des politiques de formation et d'information et à inciter les autres professionnels de santé (infirmières, kinés, pharmaciens) à accompagner les téléconsultations et à recourir à la télé-expertise.
Le parcours de soins n'est pas toujours la panacée
Le quatrième axe consiste à soutenir les nouveaux modes d'exercice : cabinets secondaires des médecins libéraux, consultations avancées, antennes d'un centre de santé, médecine itinérante... Sur ce point - et contrairement à la logique de ces dernières années - les délégués trouvent la règle du parcours de soins "peu adaptée à ces nouvelles formes de présence médicale à temps non complet" et prônent la possibilité, pour les médecins d'une même communauté professionnelles territoriales de santé (CPTS), de devenir conjointement médecins traitants d'un même patient.
Sur un thème voisin, le cinquième axe prévoit de favoriser les délégations et coopérations interprofessionnelles, qui doivent constituer une orientation forte de la réforme des études de santé - prévue par la stratégie santé - comme de la formation professionnelle continue.
Enfin, le dernier axe consiste à simplifier l'exercice libéral et à dégager du temps médical. Il s'agit en l'occurrence de réduire non seulement la complexité administrative, mais aussi les consultations sans véritable plus-value médicale.
La mission des trois délégués prolongée pour un an
Lors de la remise du rapport, Agnès Buzyn a expliqué que "le travail des délégués à l'accès aux soins a mis en évidence les leviers et les conditions de réussite qui sont ceux de 'Ma santé 2022'. Il nous faudra nous inspirer de ces réussites, nous appuyer sur elles pour convaincre l'ensemble des professionnels de santé de faire évoluer leur manière d'exercer".
Confirmant l'utilisation du rapport et de ses préconisations comme un outil au service de la mise en œuvre d'une stratégie présentée avant la remise du document, la ministre des Solidarités et de la Santé a également annoncé la prolongation, pour une année, de la mission des trois délégués nationaux, "afin de contribuer à l'organisation territoriale future et au développement des soins de proximité dans le cadre de Ma santé 2022".