Les tensions sur le marché de l'emploi n'épargnent pas les collectivités
Avant la crise, des difficultés de recrutement étaient déjà perceptibles dans le secteur public local. A la faveur de la reprise économique et du reflux de l'épidémie, celles-ci resurgissent, comme le révèle la douzième édition du baromètre Randstad de la "gestion RH" locale. Prenant le pouls sur une multitude de sujets liés aux ressources humaines, cette enquête montre par ailleurs que la crise a conduit à une très forte dégradation du climat social dans les collectivités.
Les tensions sur le marché de l'emploi n'épargnent pas les collectivités territoriales. Selon la douzième édition du baromètre RH des collectivités locales réalisé par le pôle public du groupe Randstad, 39% d'entre elles rencontrent "souvent" ou "toujours" des difficultés de recrutement. L'an dernier, la crise sanitaire avait fait reculer cette préoccupation à 28%, mais désormais elle remonte à son niveau de 2019.
Élus, directeurs généraux des services, DRH, DRH adjoints… issus de collectivités et intercommunalités de toutes tailles, ils sont 572 au total à avoir répondu en ligne à l'enquête menée en partenariat avec Villes de France, l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et la Gazette des communes notamment. Ils se sont prêtés à l'exercice entre le 6 mai et le 13 juin derniers, donc dans un contexte où la situation sanitaire et économique était en voie d'amélioration.
Les départements et régions (48%), mais plus encore les communes de 5.000 à 50.000 habitants (52%) sont davantage confrontés au problème. Dans ces communes, les difficultés de recrutement s'avèrent être plus profondes qu'avant la crise : en 2019, seulement 39% de leurs responsables mettaient en avant cette question. "La concurrence s’accentue déjà sur plusieurs métiers territoriaux (police municipale, médicosocial) mais aussi avec le privé, notamment sur les profils techniques", analyse le groupe Randstad, spécialiste de l'intérim.
Manque de candidatures
Le manque de candidatures pour certains postes (69%), l'inadaptation des profils des candidats aux offres d'emploi (52%) et la rémunération pas toujours à la hauteur des attentes (59%) sont les principaux freins au recrutement. Ce dernier élément est en augmentation de huit points par rapport à l'an dernier. Parmi les motifs des difficultés de recrutement, les élus et les cadres territoriaux chargés des RH citent aussi la concurrence de collectivités plus attractives (39%), la concurrence du secteur privé (21%) ou encore les contraintes liées au statut (16%). "L'appartenance à une zone très rurale" et "le coût de la vie dans la région" ne sont évoqués que par 5% des répondants.
Pour parvenir à pourvoir leurs emplois dans ce contexte, les collectivités ne restent pas inactives. Elles mettent parfois la main au portefeuille. Ce levier est même le premier pour gagner en attractivité vis-à-vis des candidats. Un tiers des collectivités et groupements de communes le mettent en avant. Toutefois, avec des budgets locaux plus difficiles à boucler qu'avant la crise, ce levier est en perte de vitesse (48% en 2019). Pour séduire les candidats, les collectivités misent aussi sur leur projet de territoire (28%) comme source de motivation, la mise en place de mesures d'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle (25%), ou encore la diversification des sources, méthodes et canaux de recrutement (22%).
Certes, le recrutement ne se situe qu'à la septième place des priorités des collectivités en matière de ressources humaines, loin derrière la maîtrise de la masse salariale, la santé et la qualité de vie au travail et l'amélioration de la performance. Mais l'enjeu du recrutement gagne 11 points en un an.
Climat social dégradé
Le secteur public local ne compte pas embaucher à tour de bras dans les 12 prochains mois : "Le pourcentage net de collectivités qui projettent d’augmenter leur personnel est de 12%" et ces augmentations sont qualifiées de "légères", semblant "correspondre à des profils ciblés", explique Randstad. Les communes de moins de 50.000 habitants (17% envisagent une hausse) et les intercommunalités (35%) seront principalement à l'origine des recrutements. Ceci, du fait que ces dernières "se saisissent de nouvelles compétences". Mais aussi du fait d'un "effet mécanique de rattrapage sur des projets de recrutements différés en 2020". À l'inverse, les grandes villes (plus de 50.000 habitants) affichent une orientation une baisse nette des effectifs.
Lorsqu'elles comptent augmenter leurs effectifs, les collectivités entendent principalement "créer ou développer des services aux usagers" (76%), répondre à "l'enjeu de la transition énergétique" (47%) et, dans une moindre mesure, aux "attentes en matière de sécurité publique (33%).
Au-delà de la question du recrutement, la très vaste enquête menée par Randstad livre un panorama de la gestion des ressources humaines au moment où semble s'amorcer l'issue de la crise sanitaire. Avec des enseignements intéressants notamment sur la pratique du télétravail dans les collectivités. Interrogées sur le recours futur à cette modalité de travail, une majorité d'entre elles répondent qu'elles vont privilégier une réduction de voilure. Cette perspective est davantage envisagée dans les communes, du fait en particulier de la forte proportion de leurs agents dont les tâches ne peuvent être effectuées en télétravail. À l'inverse, les intercommunalités, les départements et les régions sont plus enclins à développer l'usage du télétravail.
Autre information à retenir : le très net recul du climat social dans les collectivités. 45% des élus et cadres en charge des RH estiment qu'en un an il s'est dégradé, contre 45% jugeant qu'il s'est maintenu et 8% qu'il s'est amélioré. Les villes de plus de 5.000 habitants ne sont pas loin de la cote d'alerte : elles enregistrent un repli de l'indicateur de plus de 25 points par rapport à 2019.