Les structures culturelles labellisées peu implantées mais actives en milieu rural
Les 367 structures culturelles labellisées sont très peu implantées dans les zones rurales, selon un rapport de l'inspection générale des affaires culturelles. En revanche, elles savent aller à la rencontre du public rural à travers différentes actions dont certaines, comme la diffusion hors les murs et les résidences délocalisées, sont en nette augmentation.
En dépit d'importants obstacles, les structures labellisées par le ministère de la Culture, et bénéficiant à ce titre d'un soutien de l'État mais aussi des collectivités territoriales, déploient une large palette d'actions en milieu rural et obtiennent des résultats significatifs. Tels sont les principaux enseignements du rapport de l'inspection générale des affaires culturelles intitulé "L'action des labels de la création dans les zones rurales", publié le 22 janvier.
La France compte actuellement treize labels chargés de soutenir la création et la production d'œuvres mais aussi d'irriguer leur territoire d'implantation. Onze concernent le spectacle vivant – dont quatre labels en théâtre, quatre en musique, deux en danse et un pluridisciplinaire – et deux les arts visuels. 367 structures bénéficient de ces labels. Parmi les plus nombreux, on recense 92 scènes de musiques actuelles (Smac), 44 centres d'art contemporain d'intérêt national (Cacin), 38 centres dramatiques nationaux (CDN), 23 fonds régionaux d'art contemporain (Frac) ou encore 19 centres chorégraphiques nationaux (CCN).
Logique de peuplement plus que spatiale
Après ce décompte, la mission fait un premier constat : le maillage territorial de ces structures répond plus à une logique de peuplement qu'à une logique spatiale. Un constat qui se traduit par des chiffres saisissants : 89% des structures labellisées se situent dans des grands centres urbains et des centres urbains intermédiaires, et seulement 5% dans des bourgs ruraux et des zones rurales à habitat dispersé ou à habitat très dispersé, lesquels regroupent pourtant près de 33% de la population. La faible implantation des labels en zone rurale est alors pour les rapporteurs le signe que "la logique d'aménagement culturel du territoire semble avoir atteint ses limites".
Une fois ce constat posé, le rapport dresse un bilan globalement positif de l'action des labels en milieu rural. Il avance tout d'abord que les structures labellisées sont investies dans leur mission territoriale et déploient une large palette d'actions. Celles qui sont implantées en zone rurale jouent sur une proximité qui "permet de développer dans la durée un travail avec les habitants des territoires environnants". D'autres, implantées dans des villes importantes, mettent en œuvre des politiques volontaristes d'accueil de la population rurale.
Action hors les murs
Mais c'est surtout l'action hors les murs des structures labellisées qui permet de palier le déficit d'implantation en milieu rural, que ce soit à travers l'itinérance de spectacles et expositions, les résidences artistiques, les projets d'éducation artistique et culturelle (EAC), les ateliers d'action culturelle, les festivals ou les coopérations avec des lieux relais. À titre d'exemple, le rapport cite la scène nationale Cratère d'Alès qui a effectué plus de quatre cents représentations dans des communes rurales ces dix dernières années. Certaines structures ont même conçu des dispositifs mobiles facilitant l'itinérance, à l'image du centre dramatique national de Valence, dont le dispositif ambulant permet l'accueil de 40 à 75 spectateurs sur des gradins mobiles.
Le rapport se félicite ensuite qu'en dépit d'importants obstacles à surmonter – absence de lieux, de réseaux professionnels et de ressources en ingénierie, mais aussi la question "centrale" des transports –, les structures labellisées obtiennent des résultats probants qui, de surcroît, permettent d'identifier les facteurs de réussite.
Ainsi, l'analyse des évolutions constatées de 2019 à 2021 pour les quatre modes de diffusion (diffusion hors les murs, résidences, ateliers, EAC) montre une hausse des actions en ruralité pour la diffusion hors les murs (+13%) et les résidences délocalisées (+55%). En revanche, on observe une baisse du nombre d'ateliers d'action culturelle (-8%) et des actions destinées aux établissements scolaires (-15%).
Facteurs de réussite
En ce qui concerne les facteurs de réussite, la mission note que le temps long est indispensable pour construire des relations entre l'artiste et les habitants, y compris pour des dispositifs limités dans le temps comme les résidences de création. Mais aussi que l'intervention en milieu rural ne peut se réaliser sans l'implication des acteurs locaux, à commencer par les élus. Et que la coconstruction des projets avec les habitants – en s'appuyant sur la mémoire, les traditions locales, les compétences et les savoir-faire des habitants – est, bien plus que la simple transposition d'une offre existante, un gage de réussite. Enfin, la capacité à agir en réseau avec les lieux de proximité est mise en avant.
Sur la mise en réseau mais également pour s'adapter aux spécificités des contextes territoriaux, le rapport relève que les Drac (directions régionales des affaires culturelles) ont développé des stratégies d'intervention différenciées permettant d'optimiser et de compléter l'action des labels, notamment à travers la contractualisation avec différents types partenaires, comme des EPCI ou des acteurs de la ruralité.
La ruralité, priorité de Rachida Dati
Parmi les propositions de la mission, on note en premier lieu une volonté générale visant à mieux prendre en compte la ruralité dans les textes régissant les missions des labels. La mission demande également le renfort des capacités d'ingénierie locale et la formation des élus ruraux en la matière, ou encore la poursuite du soutien financier à l'itinérance et aux résidences en milieu rural. Enfin, la question des transports est largement détaillée, la mission recommandant d'encourager l'achat de navettes et de dispositifs artistiques mobiles par les structures labellisées, mais aussi d'expérimenter la prise en charge les dépenses de transport pour favoriser les sorties effectuées dans le cadre de la part collective du Pass culture ou encore d'accorder des tarifs préférentiels aux collectivités territoriales qui organisent des transports collectifs jusqu'aux lieux labellisés.
Rachida Dati, récemment nommée à la tête du ministère de la Culture, a souligné lors de ses vœux, le 29 janvier, que la ruralité serait la priorité de son début de mission. Elle tient, avec ces propositions, de quoi nourrir sa réflexion.