Les sénateurs prônent un programme de revitalisation pour les communes rurales
Mettre en place un programme de 600 millions d'euros sur cinq ans pour financer 2.000 projets de maintien ou d'implantation de commerce de proximité en milieu rural, supprimer la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), créer un fonds de 200 millions d'euros pour faciliter la transmission des commerces… Doté d'une quarantaine de mesures, le rapport de la mission d'information sénatoriale sur les perspectives de l'aménagement du territoire, adopté à l'unanimité le 15 mars 2022, tente de trouver des solutions pour maintenir et développer le commerce de proximité dans les communes rurales les plus petites.
60% des communes ne disposent d'aucun équipement commercial aujourd'hui, elles représentaient 20% des communes en 1980. "Dans ces communes, la moitié des habitants doivent par exemple parcourir plus de 2,2 kilomètres pour atteindre une boulangerie", alertent les rapporteurs Bruno Belin, sénateur LR de la Vienne et Serge Babary, sénateur d'Indre-et-Loire (LR), dans un rapport (non encore publié), adopté à l'unanimité le 15 mars 2022 par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques du Sénat. Installée en début d'année (voir notre article du 18 janvier 2022), la mission sénatoriale a mené ses travaux tambour battant afin de proposer un socle de préconisations pour la redynamisation des petites communes rurales, en vue du prochain quinquennat.
Principale préconisation : la mise en place d'un programme d'actions territorialisées "400 territoires de commerce" qui serait piloté par l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT). Le programme serait alimenté par un fonds de 600 millions d'euros sur cinq ans, pour soutenir environ 2.000 projets de maintien ou d'implantation de commerce de proximité : actions de préemption, opération de réhabilitation de logements, dérogations réglementaires, soutien renforcé en ingénierie. Il ne s'agirait rien de moins qu'une sorte de pendant pour les territoires hyper-ruraux aux programmes aujourd'hui à l'œuvre, Action cœur de ville pour les villes moyennes et Petites villes de demain pour les plus petites communes.
Supprimer la Tascom
Les sénateurs proposent aussi de supprimer la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), avec une compensation intégrale aux collectivités pour la part de recettes qu'elles percevaient. La question fait depuis longtemps débat, cette taxe provoquant des distorsions de concurrence entre les commerces physiques et les acteurs du e-commerce, notamment les entrepôts de logistique commerciale type Amazon. Cette question a notamment été abordée lors des Assises du commerce qui se sont tenues en décembre 2021 et dont on attend toujours les conclusions officielles, les acteurs du secteur demandant à rétablir l'équité fiscale (voir notre article du 15 mars 2022). Le Sénat estime aussi qu'il faudrait mieux analyser les impacts des implantations de ces entrepôts.
Les sénateurs proposent par ailleurs de créer un fonds de 200 millions d'euros pour la transmission des entreprises commerciales, notamment pour aider les jeunes commerçants à racheter un fonds de commerce. Le fonds permettrait dans un premier temps de traiter quelque 6.000 dossiers. Ils estiment qu'il faut faire aboutir rapidement les travaux relatifs à la nouvelle géographie prioritaire de la ruralité. Dans l'attente de cette nouvelle carte, ils proposent de proroger les zonages spécifiques institués par la loi de finances pour 2020 du 28 décembre 2019. Cette loi a créé les zones de revitalisation des commerces en milieu rural (Zorcomir) qui permettent aux collectivités (communes et leur EPCI) d'instaurer des exonérations pérennes partielles ou totales de CFE (cotisation foncière des entreprises), CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) et TFPB (taxe foncière sur les propriétés bâties). Ces exonérations sont compensées par le budget de l'Etat à hauteur de 33%. Le rapport propose aussi de porter à 70% la compensation de l'Etat aux collectivités territoriales. A l'heure actuelle, 14.114 communes sont classées en Zorcomir. Près de 88% d'entre elles ont moins de 500 habitants.
Recréer le Fisac ?
Pour les sénateurs, il faut aussi "renforcer le pilotage et les outils de la redynamisation commerciale dans les zones rurales", ce qui se traduirait notamment par un renforcement des études d'impact produites à l'appui d'un projet commercial, du déploiement des managers de commerce et de centre-ville, ou encore de l'inventaire des friches. Ils imaginent même la réactivation du Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (Fisac) dont la disparition avait été actée par la loi de finances de 2019.
Le rapport s'intéresse aussi aux enjeux de la transition numérique et digitale et souligne le besoin d'un soutien massif aux commerçants (suramortissement fiscal pour les dépenses de ce type, crédit d'impôt pour les dépenses de formation numérique, appel d'offres pour déployer des plateformes locales de commerce en ligne). Autre proposition : la mobilisation des élus et citoyens au service de la revitalisation commerciale à travers par exemple la création de conseils économiques locaux pour renforcer les liens entre élus et commerçants et une semaine du commerce de proximité.