Les sénateurs misent sur un élargissement des ouvertures de casinos
Le Sénat a adopté en première lecture une proposition de loi élargissant les dérogations permettant l'ouverture de casinos. Si des villes de tradition équestre étaient tout d'abord visées, le texte touche désormais certains départements frontaliers.
Et si les sénateurs avaient ouvert la boîte de Pandore en votant le 16 mai, en première lecture, une proposition de loi (PPL) visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos ? À l'origine destiné à régler les difficultés financières de deux communes – Arnac-Pompadour et Saumur – qui ont vu l'État se désengager de leurs activités dans le domaine équestre, le texte va finalement concerner potentiellement plusieurs dizaines de communes dans un domaine où la règle est, depuis deux cents ans, l'interdiction.
Porté par Catherine Deroche, sénatrice du Maine-et-Loire, la PPL visait à introduire un nouveau critère de dérogation à l'interdiction générale des casinos. En l'occurrence, il s'agissait de permettre l'ouverture d'établissements de jeux dans les communes sites historiques du cadre noir et des haras nationaux ayant organisé, au moins pendant cinq années avant 2023, au minimum dix événements hippiques au rayonnement national ou international par an.
Manne financière
En commission, un amendement avait élargi la possibilité d'implanter un casino en embarquant les communes disposant soit du site historique du cadre noir soit d’un haras national, à condition d’être le siège d’une société de courses hippiques au 1er janvier 2023, d’une part, et d’avoir organisé annuellement au moins dix événements équestres au cours des cinq dernières années, d’autre part. Les communes qui comptent aujourd'hui un haras national sont Saint-Lô, Lamballe, le Pin, Hennebont, Lion d'Angers, la Roche-sur-Yon, Pompadour, Villeneuve-sur-Lot, Aurillac, Pau-Gelos, Uzès, Rosières-aux-Salines et Cluny.
Une douzaine de communes seraient donc venues s'ajouter aux 196 qui bénéficient déjà d'une dérogation en tant que communes classées stations balnéaires, thermales, climatiques, de tourisme ou villes principales d'agglomérations de plus de 500.000 habitants dotées d'établissements culturels spécifiques.
C'était sans compter sur les convoitises suscitées par la manne financière importante des casinos : 1,4 million d'euros annuels de revenus fiscaux directs en moyenne pour les communes concernées ainsi que des revenus indirects liés à l'attractivité du territoire.
Départements frontaliers
Si les sénateurs ont rejeté un premier amendement visant à élargir aux communes riveraines des étangs salés et des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1.000 hectares le champ des dérogations, un second amendement a connu un meilleur sort.
Présenté par Else Joseph, sénatrice des Ardennes, il étend la possibilité d'ouverture d'un casino pour chaque département frontalier qui en serait dépourvu, dans une ville classée commune touristique membre d’une intercommunalité à fiscalité propre de plus de 100.000 habitants. Si, en évoquant explicitement les problèmes de blanchiment d'argent, Nathalie Goulet, sénatrice de l'Orne, s'est refusée à "mettre une lessiveuse" à la frontière luxembourgeoise, ses collègues ne l'ont pas suivie. Il faudra encore faire le compte du nombre potentiel d'ouvertures d'établissements que cette mesure pourrait entraîner, mais il est déjà certain qu'elle redressera un tort largement souligné durant les débats : les inégalités d'aménagement du territoire en matière d'implantation de casinos.
Cet élargissement pourrait toutefois n'être qu'une étape dans un processus plus vaste. François Bonhomme, rapporteur du texte, a ainsi souhaité "envisager à l'avenir une réflexion plus globale sur les critères permettant l'installation d'un casino". Fin 2024 verra en effet la fin d'une expérimentation portant sur les cercles de jeux à Paris et devrait permettre une clarification et une remise à plat des règles au niveau national.
Le gouvernement pose ses conditions
Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la Citoyenneté, a reconnu que cette PPL "n'était pas une fin en soi". Elle a cependant posé les conditions d'une "évolution maîtrisable" : d'une part, la capacité du ministère de l'Intérieur à assurer ses missions de surveillance des casinos devra se faire "à moyens constants", d'autre part, l'évolution ne devra pas "fragiliser le réseau de casinos existants et [devra] leur garantir une aire de chalandise suffisante". Le tout à travers une "large concertation".
Sur un sujet qui mêle santé publique et risques d'endettement, Nathalie Delattre, sénatrice de la Gironde, a finalement tenté de garder la tête froide : "L'implantation d'un casino ne saurait être une solution pérenne pour répondre aux difficultés financières que rencontrent nos collectivités." Autour d'elle, pourtant, beaucoup espèrent que leurs territoires toucheront le jackpot !