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Cour des comptes - Communes, casinos et crise sanitaire : rien ne va plus !

Dans son rapport public 2021, la Cour des comptes consacre un chapitre à la question des casinos. Elle n'était plus revenue sur le sujet depuis son rapport public de 2002, dont les recommandations ne semblent guère avoir été avoir été suivies d'effet, notamment au regard de la situation juridique des casinos au regard du régime des délégations de service public et des règles de prélèvements publics. Vingt ans après, la Cour retrouve la même situation de dépendance des communes à l'égard de leur casino, mais avec des conséquences aggravées par la crise sanitaire.

La France compte 202 casinos répartis dans 196 collectivités. Ils représentent pour celles-ci à la fois très souvent une image forte, un pôle d'attractivité touristique et une importante source de recettes. La principale d'entre elles réside dans les 293 millions d'euros de prélèvements sur le produit des jeux en 2019, "soit une somme voisine des redevances des droits et services à caractère culturel perçues par l'ensemble des communes". En termes économiques, le secteur des casinos représente un chiffre d'affaires de 10,4 milliards d'euros et un produit brut des jeux (PBJ) de 2,4 milliards sur la saison 2018-2019.
Très liée aux stations thermales ou balnéaires, ainsi qu'à quelques grandes villes, la typologie des casinos présente de grands écarts, puisqu'on en trouve à Lyon comme à Castéra-Verduzan (Gers, 997 habitants). De même, dans l'échantillon de 16 casinos dans quatre régions (*) étudiés par la Cour des comptes, le produit brut des jeux va de 42,5 millions à Lille (au huitième rang national) à 132.600 euros à Vernet-les-Bains (Pyrénées-Orientales, 1.352 habitants).
Le rapport dégage néanmoins un certain nombre de constantes. La commune d'implantation d'un casino apparaît ainsi comme "une autorité délégante passive". La Cour constate en effet que "la majorité des collectivités manifestent une certaine passivité, voire un désintérêt pour la gestion des délégations qu'elles considèrent sans risque pour elles et comme une source de revenus pérenne. Ces sociétés [les casinos, ndlr] se sont ainsi taillées des positions privilégiées, parfois d'ailleurs avec l'appui même de leur délégant". Différents montages juridiques font obstacle à un renouvellement de l'opérateur et la collectivité publique manque de moyens de pression pour faire réaliser, par le délégataire, les investissements nécessaires à la pérennité de l'exploitation sur le long terme.
La participation à l'animation, qui figure parmi les obligations des casinos (voir notre article du 1er juillet 2016), est également sujette à variations. Le rapport relève en effet que les éléments relatifs à l'animation (et à la restauration) "sont définis en termes souvent imprécis et peu contraignants" et que "les engagements du délégataire en matière d'offre de spectacles ne sont pas non plus toujours respectés".

Roulette et Covid-19 ne font pas bon ménage

Ceci conduit la Cour des comptes à estimer que "la présence d'un casino est conçue comme une rente de situation par les communes" : pas d'engagement financier de la part de la commune (contrairement à d'autres délégations de service public comme l'eau potable ou les transports), une dépendance au prélèvement sur le produit brut des jeux...
Mais cette situation crée "une dépendance forte à cette ressource, ce qui n'est pas sans conséquence en période de crise". En 2020, les casinos ont été fermés entre le 17 mars et le 22 juin, puis à compter du 30 octobre, à la suite de l'entrée en vigueur des mesures prises pour faire face à l'épidémie de Covid-19. La conséquence pour les collectivités concernées a été immédiate, dans la mesure où le prélèvement sur le PBJ est versé aux communes le mois suivant la perception de l'impôt. Au 31 décembre 2020, les collectivités de l'échantillon avaient encaissé seulement 45% du montant des recettes perçues en 2019, les communes les plus touristiques semblant être les plus affectées. A cela s'ajoute, pour les communes concernées, la perte des produits de la taxe de séjour.
Ce retournement de situation avec la crise sanitaire est toutefois partiellement compensé par l'État. En effet, selon les estimations du gouvernement, 53% des communes sièges d'un casino en 2020 ont bénéficié de l'acompte prévu (25,87 millions) par le dispositif de compensation. Les incertitudes perdurent cependant, le mécanisme de garantie de recettes n'étant que temporaire, et la crise sanitaire se poursuit en 2021. Dans ce contexte plus qu'incertain, la Cour invite donc les collectivités "à s'approprier à nouveau le contrôle de leurs délégataires de service public gérant leur casino", notamment en s'inspirant des quelques bonnes pratiques relevées dans le rapport.
Elle formule également deux recommandations. La première s'adresse à l'État et consisterait à élaborer, à titre informatif, un modèle de cahier des charges et de contrat pour ce type de délégation de service public (notamment pour protéger les petites communes, dépourvues de compétence juridique). La seconde s'adresse aux collectivités territoriales et leur suggère de procéder à l'évaluation des retombées de la présence du casino sur le territoire, en matière de développement touristique et culturel et d'en présenter les résultats à l'assemblée délibérante à l'occasion de l'examen du rapport du délégataire.

(*) Auvergne-Rhône-Alpes : Annemasse, Lyon ; Bourgogne-Franche-Comté : Luxeuil-les-Bains ; Hauts-de-France : Berck-sur-Mer, Dunkerque, Lille, Le Touquet-Paris-Plage, Saint-Amand-les-Eaux ; Occitanie : Salies-du-Salat, Balaruc-les-Bains, Argelès-Gazost, Bagnères-de-Bigorre, Castéra-Verduzan, Vernet-les-Bains et Lectoure.

 

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