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Culture / Education - Les responsables du Pass Culture précisent l'articulation avec les dispositifs locaux

Quel coût pour les finances publiques ? Quelle articulation avec les dispositifs déjà mis en place par certaines collectivités ? Quelle valorisation de l'offre culturelle locale "de qualité" ? Quels effets escomptés sur les inégalités d'accès à la culture ? Frédéric Jousset, président de la mission chargé du projet Pass culture, a répondu aux nombreuses questions des députés sur ce dispositif devant bientôt être expérimenté dans quatre départements.

Le 12 décembre, la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a auditionné les responsables du projet Pass culture. Signe de l'intérêt, mais aussi des nombreuses interrogations, que suscite ce dispositif innovant, les nombreux députés présents ont posé pas moins d'une quarantaine de questions. Les réponses ont été apportées par Frédéric Jousset, le président bénévole de la mission chargé du projet Pass culture - par ailleurs fondateur et co-président de Webhelp, administrateur du Louvre et ancien président de l'Ecole nationale des beaux-arts de Paris - et Eric Garandeau, inspecteur des finances et directeur de la mission (et ancien président du CNC).

Des coûts qui n'en sont pas...

Outre une présentation de l'application mobile géolocalisée et de ses diverses fonctionnalités, Frédéric Jousset a insisté sur les quatre originalités principales de ce projet hors normes : la première fois qu'une politique publique culturelle soutient la demande plutôt que l'offre en donnant un pouvoir d'achat aux jeunes, l'utilisation massive de la technologie en s'appuyant sur les modes de consommation des jeunes, le recrutement de nouveaux "consommateurs culturels" face aux Gafa, le recours à un effet multiplicateur (100 euros de dépenses publiques devant donner 500 euros de pouvoir d'achat).

Le président de la mission est également revenu sur la question controversée du coût du Pass culture. Pour lui, le coût de 400 à 500 millions par an régulièrement cité dans l'hypothèse d'une généralisation est un chiffre théorique, correspondant à la multiplication du crédit individuel de 500 euros par les 800.000 jeunes qui atteignent chaque année l'âge de 18 ans. Mais plusieurs éléments devraient réduire fortement le coût final : la non utilisation par certains jeunes (phénomène classique du non recours aux droits), la "gratuité de certaines dépenses" (le Pass est débité de la dépense correspondante, mais l'offreur ne la facture pas au dispositif) - la mission table sur environ 50% de "dépenses gratuites" - et les partenariats et mécénats pour réduire les coûts de fonctionnement (20% du Pass pourrait ainsi être financé par les partenaires, notamment les banques). L'argent public assurera le solde, d'où l'effet multiplicateur et l'engagement de l'Etat limité à 100 millions d'euros. Le coût final variera aussi selon la consommation du jeune : par exemple, il sera plus élevé sur la pratique artistique et faible ou nul sur des consommations subventionnées par les offreurs. L'expérimentation sur un échantillon de 10.000 jeunes dans cinq départements, qui va débuter le 1er février, permettra d'affiner le coût final.

Interfacer le Pass culture et les pass locaux

Plusieurs questions ont porté sur l'articulation entre le Pass culture et les dispositifs déjà mis en place par certaines collectivités. Rien n'est encore figé sur ce point, et les responsables du projet travaillent précisément sur cette articulation. Deux des cinq départements expérimentateurs disposent d'ailleurs de dispositifs locaux d'accès à la culture. Néanmoins, il semble acquis qu'il n'y aura pas de fusion des enveloppes. L'idée est plutôt d'interfacer le Pass culture et les pass locaux avec des technologies interopérables. A terme, le Pass culture pourrait être éditiorialisé en fonction de la collectivité (au-delà de la simple géolocalisation des offres), voire cofinancé par des collectivités volontaires.

Autre point intéressant les collectivités : la façon dont les offres apparaîtront dans l'application mobile sera fonction des préférences saisies par le jeune, mais aussi du "pas de côté" que le dispositif veut les inciter à faire. Autrement dit - et contrairement aux sites commerciaux qui proposent toujours à l'internaute ce qu'il connaît et aime déjà -, les algorithmes du Pass culture proposeront aussi des choix différents des consommation habituelles du jeune. A ce titre, les responsables du projet ont précisé qu'"on mettra en avant ce qui est porteur de qualité artistique et culturelle". Ainsi les structures labellisées et celles aidées par les collectivités territoriales seront présumées plus intéressantes que d'autres et seront donc mieux référencées. Comme l'a indiqué Eric Garandeau, "on travaille à rebours d'une plateforme commerciale, afin de pousser la qualité et la diversité". Enfin, les responsables du projet ont confirmé que la géolocalisation n'est pas synonyme d'"enfermement" dans des limites territoriales. Les bénéficiaires du Pass culture pourront consommer où ils le souhaitent, y compris à l'autre bout du pays. Une confirmation qui a son importance pour certaines activités culturelles comme les musées ou les festivals.

"On généralisera quand on s'en sentira capable"

Parmi les autres précisions apportées par les responsables du projet, on retiendra notamment l'instauration d'un plafond de 200 euros sur les dépenses numériques (téléchargement de musique, films, jeux vidéos...) afin d'inciter les jeunes à découvrir d'autres aspects de la culture, ainsi que les pratiques artistiques. De même, une version web de l'application mobile est prévue pour les territoires mal couverts en 4G.

Les responsables du projet ont aussi levé le voile sur les critères qui présideront à une éventuelle généralisation. Pour cela, il faudra que les deux expérimentations successives - celle lancée en février et une seconde vague qui se fera sur des jeunes "non volontaires" (pour éviter le biais du volontariat qui exprime un désir de consommation culturelle) - démontrent qu'au moins trois objectifs ont été remplis : un accès effectif à la culture (utilisation du Pass) et une diversité des catégories de jeunes, une pratique diversifiée et la confirmation de l'effet de levier sur les deniers publics, avec traçage de l'argent investi (notamment sur les petites structures et celles des collectivités). Au final, les responsables du Pass culture se montrent beaucoup plus prudents que les premières hypothèses évoquées lors du lancement du projet : "On généralisera quand on s'en sentira capable, avec un modèle de financement pérenne". En tout état de cause, la généralisation ne devrait pas intervenir avant 2021...

"Le Pass n'est pas une baguette magique"

Les responsables du projet ont également tenu à préciser que le Pass culture n'est pas "un coup de baguette magique qui va apporter des moyens du jour au lendemain aux petites structures culturelles". Il ne suffit pas non plus à résoudre d'autres inégalités d'accès à la culture, notamment en matière de concentration de l'offre et de transport. Mais l'offre numérique et le financement apportés par le système permettront de rétablir pour partie un accès partagé à la culture. Car l'idée du Pass est aussi de stimuler les opérateurs culturels sur leur offre, avec une programmation éditoriale et culturelle spécifique pour des publics qui n'en sont pas familiers : "La simple gratuité ne résoudra pas les inégalités de consommation culturelle".

 

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