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Culture / Éducation - L'État ne devrait pas financer plus de 20% du Pass Culture

Le dispositif Pass Culture et son financement ne convainquent pas totalement les sénateurs de la commission Culture qui se sont penchés sur les crédits de la mission "Culture : Création et transmission des savoirs et démocratisation de la culture" dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, Sylvie Robert, sénatrice (PS) d'Ille-et-Vilaine, a remis son rapport pour avis, fait au nom de la commission des affaires culturelles, de l'éducation et de la communication, sur les crédits de la mission "Culture : Création et transmission des savoirs et démocratisation de la culture". Elle s'y attarde en particulier sur le Pass Culture, "un projet décrit comme 'le chantier culturel du quinquennat', dont les contours demeurent obscurs".

Quelle articulation avec les dispositifs de collectivités ?

Le rapport fait preuve d'une réserve certaine vis-à-vis du Pass Culture. Après le PLF 2018, le Sénat a d'ailleurs créé un groupe de travail sur le sujet, dont la note de synthèse évoque "un projet qui soulève encore de nombreuses questions". Pour justifier ces inquiétudes, la rapporteure pour avis évoque notamment l'exemple du "Bonus cultura" italien, qui "n'a pas rencontré le succès escompté, avec un taux d'inscription décevant de la part des jeunes susceptibles d'en bénéficier (61%), et a fait l'objet de plusieurs dérives, en particulier la revente ou le détournement des bons".
Sans rejeter le principe du dispositif, le rapport estime nécessaire de lever un certain nombre d'incertitudes. Il juge ainsi indispensable que l'outil permette "une véritable diversification des pratiques culturelles des jeunes. À cette fin, le pass doit pouvoir donner accès à des formations à la pratique artistique ; son contenu doit être éditorialisé, des plafonds instaurés pour éviter que les jeunes ne consomment tous leurs crédits sur l'offre numérique et des outils de médiation intégrés pour mieux accompagner et guider les jeunes dans leur parcours".
Une autre inquiétude concerne directement les collectivités territoriales : "La mise en place du Pass Culture ne doit pas non plus entrer en concurrence ou absorber les initiatives locales mises en place en faveur des jeunes, à l'image des différents pass régionaux ou départementaux existants." Le rapport souligne d'ailleurs que le périmètre de ces dispositifs locaux ne recouvre pas toujours celui du Pass Culture, puisque certains incluent également des activités sportives ou de loisirs ou des offres de transport. 

Le Sénat sera "très vigilant" sur l'évaluation

Le ministère de la Culture est conscient de ces difficultés. D'abord annoncée pour novembre, l'expérimentation du Pass Culture sur un échantillon de 10.000 jeunes dans cinq départements (Bas-Rhin, Finistère, Guyane, Hérault et Seine-Saint-Denis) "devrait débuter dans les premiers mois de l'année 2019 et prendre rapidement de l'ampleur". Ce report s'explique par la surreprésentation des étudiants parmi les candidats qui se sont initialement manifestés. Une extension progressive à de nouveaux territoires et de nouveaux jeunes est prévue et pourrait permettre d'atteindre environ 200.000 jeunes à la fin de 2019. 
Le rapport estime qu'il faudra être "très vigilant" sur les différentes évaluations prévues au fur et à mesure de l'expérimentation. Il considère en particulier que "la qualité des organismes qui en seront chargés sera, à ce titre, déterminante".
Comme semble le montrer les difficultés dans la constitution de l'échantillon, "l'une des craintes actuelles est en effet que le Pass Culture puisse, au final, renforcer les inégalités territoriales entre les jeunes citadins et ceux qui vivent au contraire dans les zones rurales ou dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville", ce qui renvoie aux questions de médiation, mais aussi de mobilité.

20% pour l'État, mais qui va financer le solde ?

Enfin, la question du financement - pour un coût estimé de l'ordre de 450 millions d'euros en vitesse de croisière - semble encore loin d'être éclaircie. Le rapport précise ainsi que "d'après les informations communiquées [...], l'objectif reste de réduire au maximum la part de l'État dans le financement du dispositif, afin qu'elle ne dépasse pas 20%". Mais la note de synthèse du groupe de travail précisait que "les crédits octroyés par l'État [sont] susceptibles d'atteindre 140 millions d'euros à la fin du quinquennat", soit plus de 30% de la dépense. 
Il est certes prévu qu'une partie des coûts soit prise en charge par les offreurs, en contrepartie de la fidélisation d'une clientèle. Une autre part du financement sera assurée par des partenaires, "avec une attention particulière portée aux entreprises susceptibles d'être intéressées d'être mises en contact avec des jeunes entrant dans la vie active (banques, assurances, fournisseurs d'accès à internet, fournisseurs d'énergie), et, éventuellement, des mécènes". Mais, le ministère s'étant engagé à ce qu'aucune donnée relative aux jeunes ne soit communiquée aux offreurs ou aux partenaires, les candidats risquent de ne pas se bousculer. En attendant, le rapport précise qu'"un suivi attentif et un contrôle resserré de la mise en œuvre des expérimentations du Pass Culture sera assurée par le groupe de travail sur le Pass Culture tout au long de l'année 2019".

Référence : Sénat, projet de loi de finances pour 2019, rapport pour avis fait au nom de la commission des affaires culturelles, de l'éducation et de la communication sur les crédits de la mission "Culture : Création et transmission des savoirs et démocratisation de la culture".


 

 

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