Loi Avenir professionnel - Les régions prennent les commandes de l'orientation scolaire
La loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 renforce le rôle des régions en matière d'orientation, les chargeant d'informer les élèves dès le collège et les étudiants sur les métiers et les évolutions de l'emploi. Mais des questions autour des modalités de mise en œuvre de cette nouvelle mission au sein des établissements restent encore sans réponse. Le délai est pourtant fixé au 1er janvier 2019.
Avec la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, les régions perdent la main sur l'apprentissage, mais leur rôle dans le domaine de l'orientation est renforcé (article 18). L’État conserve la définition de la politique nationale de l’orientation, mais les régions sont chargées de l’organisation des actions d’information sur les métiers et les formations. Désormais, elles devront informer les élèves dès le collège et les étudiants sur les métiers et les évolutions de l'emploi. À cet effet, elles bénéficieront du concours de l'Office national d'information sur les enseignements (Onisep), pour l'élaboration de la documentation de portée régionale sur les enseignements et les professions et des services de l'État, et pour la diffusion de cette information et sa mise à disposition des établissements de l'enseignement scolaire et supérieur. En conséquence, les missions exercées par les délégations régionales de l'Onisep, les Dronisep, leur sont transférées. "200 équivalents temps plein (ETP) seront transférés aux régions en provenance des Dronisep, au 1er janvier 2019", explique à Localtis Régions de France. Pour l’Île-de-France par exemple, cela représente quelque 20 à 30 ETP. Un appui pour diffuser l'information que les régions considèrent toutefois insuffisant. "Il y a une question de moyens qui se pose car il y a 8 millions de personnes bénéficiaires potentielles de ce service, avec les collégiens, lycéens, apprentis, étudiants, sans parler des familles. C'est extrêmement vaste", relève Régions de France.
Une expérimentation pour favoriser le rapprochement entre les différents services
La question du périmètre exact et du rôle de chacun se pose aussi car si l'information sur les métiers est transférée aux régions, la totalité de l'orientation ne l'est pas. "La partie nationale de l'Onisep n'est pas transférée, quelles seront les modalités de travail ?", questionne Régions de France. "Couper la tête de l'Onisep de ses délégations régionales risque aussi de poser des problèmes de partage de l'information", assure pour sa part Jean-Pierre Blanchouin de la CGT, qui reste opposée à ce processus.
Même chose pour les personnels des centres d'information et d'orientation (CIO), qui restent rattachés au niveau national. "Ils ne sont pas transférés alors qu'ils interviennent dans ce secteur, poursuit-on à Régions de France. On ne sait pas exactement combien il en reste, 30 à 40% ont dû fermer dans les cinq dernières années, c'est assez considérable."
Pour favoriser le rapprochement entre ces différents services, une disposition de la loi Avenir professionnel prévoit une expérimentation. L’État pourra ainsi, à titre expérimental, et pour une durée de 3 ans, avec l’accord des intéressés, mettre à la disposition des régions des agents exerçant dans les services et établissements relevant du ministre chargé de l’Éducation nationale, selon des modalités définies par décret. "Il n'y aura pas de transfert mais ces agents accepteront de se mettre sous pilotage des régions, c'est un moyen de travailler ensemble", souligne Régions de France. "Seuls les volontaires seront transférés aux régions", indique Jean-Pierre Blanchouin. Un rapport du gouvernement sur la situation des CIO devra être remis au Parlement six mois après la promulgation de la loi, soit en mars 2019.
Comment les régions pourront-elles accéder aux publics concernés ?
De nombreuses interrogations subsistent aussi sur la possibilité qu'auront les régions d'accéder aux publics concernés par leur nouvelle mission : les jeunes mais aussi les professeurs principaux qui sont les premiers prescripteurs en matière d'orientation. "À l'heure actuelle, les régions ne parlent pas à ces populations, constate Régions de France, c'est tout l'enjeu des décrets et textes de mise en œuvre à venir. Comment cela va s'organiser avec l'emploi du temps des jeunes ? Comment les régions, à travers leurs opérateurs, vont-elles travailler avec les collèges qui dépendent des départements ? Notre inquiétude est aussi qu'il faut aller très vite, nous sommes mi-octobre et au 1er janvier il faut être prêt pour la mise en œuvre." Même questionnement du côté des syndicats. "Les établissements et rectorats sont toujours responsables de l'affectation des élèves et personne n'envisage de laisser entrer librement les services régionaux dans les lycées et collèges ; cela va être long pour se mettre en œuvre." Et quand la question est posée au ministère du Travail, aucun élément de réponse tangible n'est véritablement donné.
Une convention cadre entre l’État et les régions
Pour préparer la mise en œuvre et définir ses modalités, le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a chargé Pascal Charvet, ancien directeur de l'Onisep, et Nathalie Mons, présidente du Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco), d'une mission sur l'éducation à l'orientation, notamment sur la complémentarité entre les régions, l'État et les différents organismes. Un travail qui devrait aboutir à une convention cadre entre l'État et les régions. "Mais les discussions commencent seulement", indique Régions de France.
Quoi qu'il en soit, l’association estime que la réforme va dans le bon sens. "Les régions sont déjà en charge de la carte des formations professionnelles, elles sont bien placées pour pouvoir agir sur l'orientation des jeunes, cela a du sens, assure Régions de France. Elles ont la responsabilité du service public régional de l'orientation (SPRO), soit tout sauf l'orientation scolaire, cela vient s'inscrire dans leur activité, dans le cadre de la chaîne qui va de l'éducation/formation à l'orientation et à l'insertion professionnelle. Cela permet de boucler la boucle." Les décret sur la mise en œuvre de la réforme (élaboration de la documentation, mise à disposition des agents…) sont annoncés pour la mi-décembre.
Référence : loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel publiée au Journal officiel du 6 septembre 2018.