Projet de loi Avenir professionnel - Les modalités du compte personnel de formation au cœur des discussions
Des députés de gauche et de droite ont fortement critiqué la version du projet de loi Avenir professionnel qui fait son retour à l'Assemblée nationale depuis le 23 juillet après l'échec de la commission mixte paritaire. La monétisation du compte personnel de formation fait notamment débat. Un dispositif dont les dysfonctionnements viennent d'ailleurs d'être mis en évidence par un rapport de la Dares.
Le projet de loi Avenir professionnel est revenu depuis le 23 juillet à l'Assemblée nationale pour une nouvelle lecture, sachant que la commission mixte paritaire n'avait pas trouvé d'accord sur le texte. Au cœur des débats : le compte personnel de formation (CPF) et sa monétisation. Dès le premier jour de la séance publique à l'Assemblée nationale, des députés de gauche et de droite ont fortement critiqué la version revue et corrigée du CPF. "Vous êtes en train de faire une régression des droits des salariés", a lancé Patrick Hetzel, député LR du Bas-Rhin, tandis que d'autres, à l'image d'Ericka Bareigts, députée PS de la Réunion, craignent une rupture d'égalité, les prix de formation étant amenés à varier sur le territoire. Certains d'entre eux ont proposé la suppression de la monétisation du CPF, au travers d'un amendement (n°152).
Le CPF, créé en 2015 pour permettre à tout individu entrant dans le monde du travail d'acquérir des droits à la formation, mobilisables tout au long de sa vie professionnelle et quel que soit son statut, doit en effet être crédité à hauteur de 500 euros par an pour un salarié à temps plein, avec un plafond de 5.000 euros. "Cet amendement de repli vise à rétablir le compte personnel de formation en heures, comme le souhaitent toutes les organisations syndicales. Le capital de formation de 500 euros par an avec un plafond de 5.000 euros n’est pas à la hauteur des enjeux d’une formation tout au long de la vie. De simples calculs nous éclairent sur le niveau des droits ouverts : 500 euros par an divisés par 30 euros – montant du coût moyen d’une heure de formation –, cela donne seize heures de formation annuelles, alors que les partenaires sociaux prévoyaient trente-cinq heures", a affirmé Pierre Dharréville, député Gauche démocrate et républicaine des Bouches-du-Rhône durant les discussions en séance publique le 23 juillet. Pour sa part, Dino Cinieri, député LR de Loire, a indiqué que "dans les faits, cette mesure complexifiera inutilement le dispositif, avec une baisse importante des droits inscrits".
L'amendement en question n'a toutefois pas été adopté.
Des prises en charge différentes entre demandeurs d'emploi et salariés, et entre salariés
Alors que s'exprime la crainte d'un mauvais fonctionnement du futur CPF, une fois monétisé, la Dares (ministère du Travail) vient de mettre en évidence les points faibles du CPF actuel, dans un rapport publié en juillet 2018.
Résultat d'une étude qualitative menée auprès de deux régions et quatre départements, sélectionnés pour leurs caractéristiques contrastées en termes de dynamiques socioéconomiques, de contenu des listes CPF régionales et des volumes de CPF mobilisés, le rapport constate que le CPF, d'abord perçu comme un objet technique et une ligne de financement parmi les autres, a "rapidement été intégré dans les silos traditionnellement à l'œuvre en matière de financement de la formation professionnelle". En découlent des prises en charge différentes entre les personnes en recherche d'emploi et les salariés, et même entre les salariés eux-mêmes, qui vont à l'encontre de la philosophie initiale du dispositif. Celui-ci visait en effet à créer un droit universel attaché à la personne, indépendamment de son statut.
Un CPF pour les personnes les plus autonomes
Autre dysfonctionnement : le CPF a surtout permis de soutenir les projets des personnes les plus autonomes, le plus souvent sur des formations courtes liées aux langues vivantes pour les salariés ou aux formations réglementaires pour les personnes en recherche d'emploi. Ainsi, "les salariés qui ont le plus de chance de bénéficier d'un CPF sont qualifiés, ils sont déjà passés par une action de formation professionnelle et identifient ainsi l'intérêt qu'il y a à se former avec son CPF, ils travaillent dans des entreprises disposant d'une fonction RH structurée", indique le rapport de la Dares.
Même chose pour les demandeurs d'emploi : ce sont les plus aguerris à la formation professionnelle et les plus autonomes dans leurs démarches qui identifient le mieux le CPF. Le CPF n'a donc pas eu l'effet escompté d'autonomisation des personnes en demande d'emploi. Et pour les personnes qui ne présentent pas un tel degré d'autonomie, l'accompagnement nécessaire a été "inégal" et "morcelé", d'après la Dares.
Enfin, le système d'éligibilité des formations mis en place dans le cadre du CPF, fortement critiqué, a "conduit dans les faits à la superposition de plusieurs niveaux de listes (LNI, listes de branches, listes régionales pour les salariés, listes régionales pour les personnes en recherche d’emploi), qui induisent, par ailleurs, des ruptures d’égalité entre les individus en fonction de leur statut (demandeur d’emploi / salarié), de leur territoire régional de résidence, et de leur branche d’appartenance – pour les salariés", assure le rapport. Un problème qui pourrait être réglé avec le projet de loi à venir, le texte prévoyant en effet la fin des différentes listes éligibles à la formation.