CEP et CPF: deux dispositifs en plein essor qu'il faut accompagner dans leur croissance
Bien que largement "méconnu du grand public", le conseil en évolution professionnelle (CEP) semble avoir trouvé sa place dans le paysage des acteurs de l'accompagnement qui ont adapté en conséquence leur "panier de services". C'est l'un des constats que fait le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop) dans son deuxième rapport sur la mise en œuvre du CEP et du compte personnel de formation (CPF). Ce dernier, avec 497.501 dossiers validés en 2016, est en progression de 139%, marquée par un doublement des dossiers Demandeurs d'emploi (321.595) et un quadruplement des dossiers Salariés (175.906). Cet essor nécessite "le renforcement de son pilotage stratégique". Pourquoi pas au sein des conférences des financeurs qui émergent en région ?
Le deuxième rapport sur le conseil en évolution professionnelle (CEP) et le compte personnel de formation (CPF), deux mesures phares de la réforme de la formation de 2014 a été adopté à la quasi-unanimité par les membres du Cnefop réunis en séance plénière le 28 juin (la CPME et la CGT se sont abstenues). Si le CEP affiche une montée en charge significative (le nombre de bénéficiaires a doublé entre 2015 et 2016 pour atteindre 1.541.544 personnes), il reste "encore méconnu du grand public", ont souligné Jean-Marie Marx, et Catherine Beauvois, respectivement président et secrétaire générale du Cnefop, lors de la présentation du rapport à l'issue de la plénière à laquelle assistait, pour la première fois, la ministre du Travail. Le rapport pointe en particulier le décalage entre les besoins potentiels des 28,8 millions d'actifs occupés qui sont nombreux à connaître chaque année une mobilité, subie ou choisie et le nombre encore trop réduit de conseillers ("731 équivalents temps plein dédiés au sein de l'Apec et des Fongecif").
Une meilleure articulation entre le CEP et l'entretien professionnel obligatoire tous les deux ans dans les entreprises doit être approfondie, ainsi qu'avec le bilan de compétences. Sur ce point, les partenaires sociaux membres du Comité interprofessionnel pour l'emploi et la formation (Copanef) doivent produire "début juillet un rapport sur l'expérimentation qu'ils ont engagée sur l'articulation CEP/bilan de compétences", précisent Jean-Marie Marx et Catherine Beauvois. Ces réflexions devraient "alimenter la concertation qui va s'ouvrir cet automne sur la formation professionnelle". En résumé, le CEP "doit s'inscrire dans l'écosystème 'emploi, formation, travail, économie, entreprise' pour transformer structurellement la façon d'appréhender l'accompagnement des transitions professionnelles". Pour cela, "il va falloir discuter des moyens affectés à la mise en oeuvre du CEP au bénéfice des actifs occupés", note le président du Cnefop. Il est aussi "impératif" d'identifier les réseaux de CEP des indépendants et des agents des fonctions publiques.
Valoriser le "panier de services" du CEP
Il est "indispensable de réinvestir la communication sur le CEP en valorisant le panier de services" structuré par un cahier des charges autour de trois niveaux (accueil individualisé, conseil et accompagnement personnalisés). Ceci, d'autant plus que le rapport note (à la différence du précédent, lire notre article publié le 20/04/2016) "la mobilisation réelle de tous les réseaux du CEP qui ont incontestablement et collectivement pris conscience du saut qualitatif induit par le CEP". Ainsi, les Fongecif/Opacif qui se sont engagés dans une démarche de conduite du changement dès 2015, ont poursuivi en 2016 la restructuration de leur offre de services et l'adaptation de leurs organisations.
Pôle emploi a "réinterrogé en profondeur son approche du métier de l'accompagnement en faisant du CEP un élément central de sa stratégie". Il a spécialisé ses équipes, et isolé le contrôle de la recherche d'emploi du conseil en évolution, et il a opéré une clarification des services qui relèvent du périmètre CEP. L'opérateur semble avoir compris qu'il s'agit d'une démarche individuelle ce qui marque, pour lui, "une rupture avec des années de posture prescriptive". De leur côté, les missions locales intègrent désormais le CEP comme "élément structurant de l'offre d'accompagnement à la construction de parcours des jeunes et à leur mise en œuvre" dans le cadre du décret du 23 décembre 2016 relatif au parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie et à la garantie jeunes.
Priorité à la professionnalisation des conseillers
La professionnalisation des conseillers est "plus nettement encore qu'en 2016 au coeur des réflexions stratégiques des opérateurs", relève le rapport. Elle vise principalement le changement de posture du conseiller et le développement des compétences d'ingénierie de parcours, incluant l'ingénierie financière. "Pour renforcer cette action, précise Catherine Beauvois, il a été décidé fin 2016 de confier à l'Afpa la mission d'élaborer, en lien étroit avec les opérateurs, le référentiel de compétences associé au panier de services du CEP, de nature à nourrir leur réflexion sur leurs processus respectif de professionnalisation."
Il semble que le CEP soit clairement "entré dans le service public régional de l'orientation (Spro)". Il doit "devenir l'ensemblier des dispositifs des politiques publiques de l'emploi, de l'orientation et de la formation de son territoire", note le rapport. Cela passe par "le nécessaire renforcement de la coordination des animations nationale et régionale existantes". Le Cnefop remarque, par ailleurs, que le développement de l'offre de service digitale du CEP devrait "présenter plus d'opportunités que de risques". Dans cette perspective, son "intégration au sein du site du compte personnel d'activité (CPA) est une nécessité".
Nette montée en charge du CPF
En ce qui concerne le CPF, le Cnefop souligne "un usage [qui] s'est fortement accéléré en 2016. Au 31 décembre 2016, 3.809.451 comptes avaient été activés (contre 2.496.809 à fin 2015), soit + 52,5% sur un an. Cependant, "ce chiffre est faible au regard des 45,6 millions de comptes ouverts", note le rapport. La dynamique de consommation du CPF satisfaisante. Il aurait trouvé son public "malgré des modalités de mobilisation qui restent à améliorer". La progression des projets financés est "régulière et homogène": 497.501 dossiers validés en 2016 (+139%), marquée par un doublement des dossiers Demandeurs d'emploi (321.595) et un quadruplement des dossiers Salariés (175.906). La durée moyenne de formation est de 406 heures pour les chômeurs et de 91 heures pour les salariés.
Les plus faibles niveaux de qualification (infra IV) sont bien représentés (30% des dossiers) conformément à la cible initiale du CPF. Néanmoins, le Cnefop s'interroge sur "l'extrême concentration des choix de certifications (10% des certifications éligibles sont sélectionnées dans 90% des cas) et le poids prépondérant [de celles] inscrites à l'inventaire (41% des dossiers de demandeurs d'emploi et 73% des dossiers des salariés). En outre, des difficultés "perdurent" pour consulter "sa" liste de certifications éligibles et connaître l'offre de formation associée.
Renforcer le pilotage stratégique du CPF
D'après le rapport, il est nécessaire de "renforcer le pilotage stratégique du CPF". Au cours de ces derniers mois, de nombreux aménagements lui ont été apportée (élargissements des publics et des formations éligibles comme le bilan de compétences et le permis de conduire) qui nécessitent de clarifier qui finance quoi et avec quels moyens. "500.000 CPF par an, cela représente une dépense de 5 à 10 millions d'euros", relève Jean-Marie Marx. Et aujourd'hui, le CPF est essentiellement centré sur le secteur privé.
"Ces progrès se sont faits sans étude d'impact réelle sur la capacité du CPF à gérer techniquement et financièrement" les nombreux développements de ce dispositif, souligne le rapport. Il fait la promotion des conférences des financeurs en région et plaide pour "un pilotage renforcé du CPF afin de mieux assurer la nécessaire agilité de gestion du CPF". Ceci, d'autant plus, que pour le président de la République, le CPF constitue la pièce maîtresse de la sécurisation des parcours professionnels et de vie des citoyens qu'il souhaite renforcer.