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Agriculture - Les régions méditerranéennes défendent leur "culture" du blé dur

La filière du blé dur méditerranéen se cherche un avenir dans la réforme de la politique agricole commune. Avec des arguments économiques, territoriaux ou culturels, elle a pu trouver un appui auprès de régions méridionales...

"Cela fait cinq mille ans que cette région cultive du blé dur !" L'historien Jean-Maurice Rouquette s'est fait un plaisir de rappeler, au musée de l'Arles antique ce samedi 3 septembre, combien cette céréale faisait, tout comme la vigne et l'olivier, l'identité même des pays méditerranéens. Car alors que le blé tendre, base du pain, résiste au froid, le blé dur, lui, supporte l'aridité, et se transforme en semoules, pâtes, couscous ou boulgours… Un argumentaire précieux pour l'association Blé dur Méditerranée, qui organisait là, dans les Bouches-du-Rhône, une nouvelle journée de sensibilisation.

Réchauffement climatique

Car la filière se sent en danger dans sa "zone traditionnelle de production" – officiellement délimitée par les régions Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d'Azur, et les départements Ardèche et Drôme. En effet, "nous n'avons pas de productivité", a reconnu le président de l'association, Serge Vialette : le blé dur est ici une culture d'appoint hivernale, souvent sur de petites exploitations familiales, soumises au réchauffement climatique… Toute cette zone traditionnelle ne fournit, chaque année, qu'environ 1 million de tonnes de blé dur, pour 2,5 millions de production nationale - à comparer aux 35 millions de tonnes de blé tendre… "Si nous n'avons pas un minimum de soutien, il est clair que nous n'aurons plus de filière", craint ce producteur audois, président de la FDSEA.
Voilà pourquoi les agriculteurs et les collecteurs locaux espèrent se faire entendre dans la réforme de la politique agricole commune (PAC), actuellement en discussion. D'une part, l'association plaide pour un soutien spécifique à la "zone fragile, à faible productivité", qu'elle représente. D'autre part, en 2006, les aides versées aux exploitants ont été "découplées" de leurs productions effectives : qu'importe qu'ils fassent, ou non, pousser du blé, leurs "droits à paiement unique" leur ont été garantis. Ce mécanisme n'est guère paru dynamisant pour la filière. Un "recouplage" partiel avec la production a bien été obtenu en 2010, mais l'association espère désormais aller "beaucoup plus loin", comme l'explique Serge Vialette : "Après avoir obtenu en juillet l'accord du commissaire européen à l'agriculture pour un recouplage de la filière, il nous faut, désormais, convaincre le Parlement européen, et le ministre de l'agriculture français..."

Le feu menace

L'enjeu, du reste, ne se limite pas à la préservation d'une culture méditerranéenne. L'aménagement du territoire est également dans la balance, selon l'association. Sauf à cultiver le blé dur en hiver, les exploitants n'ont comme alternative que "la friche, ou les ajoncs et les ronces", comme l'énonce Serge Vialette ; "derrière, c'est le feu" qui menace… La céréale méditerranéenne peut aussi être précieuse pour l'économie locale : par exemple, les trois quarts du blé dur utilisé par la semoulerie de Marseille sont produits dans un rayon de 250 km, comme le soulignent les professionnels. Préserver la matière première des pâtes et des semoules pourra enfin paraître urgent au titre de la sécurité alimentaire mondiale, et plus particulièrement méditerranéenne.
Dans ses efforts de sensibilisation, l'association peut déjà se féliciter d'avoir convaincu deux conseils régionaux. "Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d'Azur financent certaines de nos missions", se réjouit Serge Vialette. A Marseille, le vice-président en charge de l'agriculture, Jean-Louis Joseph, juge ainsi important d'aider la filière "à se faire entendre à Bruxelles, et au niveau national, pour que les céréaliers du Nord ne nous dominent pas trop". Les europarlementaires et le ministère tendront-ils à leur tour l'oreille ?